jeudi 19 mai 2016

En finale!




EN FINALE !


– On est en finale ! On est en finale !
On était en finale, oui. Et, ce soir-là, on fêtait ça. À la buvette du club. Les joueurs. Les dirigeants. Et puis Amandine. On avait absolument tenu à ce qu’elle soit là. C’était notre mascotte, Amandine. Notre talisman.

Tout avait commencé au début de la saison précédente. Parce qu’il avait remarqué quelque chose de bizarre Kevin.
– Il y a une fille, dans les tribunes, chaque fois qu’elle est là, on gagne. Seulement quand elle est là. Sinon on perd…
Il nous l’avait discrètement fait voir.
– Celle tout au bout à gauche, au troisième rang ;
Non, mais comment elle était mignonne en plus ! C’était qui cette fille ? Elle sortait d’où ? Quelqu’un la connaissait ?
Oui. Benjamin.
– C’est Amandine. Le même bled que moi elle habite. Avec une copine. En février elle est arrivée. Ou en mars. Quelque chose comme ça. C’est tout récent en tout cas.
On n’était pas superstitieux, non, mais n’empêche… il avait bien fallu finir par se rendre à l’évidence : sa présence dans les gradins nous portait manifestement chance.

Fin août, juste avant la reprise des compétitions, Julien, notre capitaine, était allé la trouver. Tout seul. Sans prévenir personne.
– Vous vous seriez fichus de moi.
– Et alors ?
– Et alors… On a discuté. Elle adore le rugby. Depuis toute petite. Et elle a remarqué, elle aussi, que quand elle est là… Je lui ai demandé du coup…
– Tu lui as demandé. Mais tu lui as demandé quoi ?
– De venir au stade tous les dimanches. Si elle pouvait, bien sûr. Ça l’a beaucoup fait rire. Mais elle a finalement accepté : « Je serai votre porte-bonheur officiel en somme… »

Et elle avait été là. Systématiquement là. À domicile comme à l’extérieur. Sa présence nous tranquillisait. Elle était là. Tout était dans l’ordre : on allait gagner. Et on gagnait. On ne cessait pas de gagner.
Elle s’était d’abord montrée extrêmement discrète : au coup de sifflet final elle s’éclipsait et on ne la revoyait pas avant la semaine suivante. Et puis, il y avait eu ce dimanche de décembre où l’arbitre nous avait refusé un essai parfaitement valable, où on avait été à deux doigts de renouer avec la défaite. Outrée, elle nous avait attendus, à la porte des vestiaires, pour nous dire, sans mâcher ses mots, tout le mal qu’elle pensait de la prestation de cet incompétent. Elle était revenue, quinze jours plus tard, pour prendre des nouvelles de Martial qui, blessé, avait dû quitter le terrain en catastrophe. Et c’était, au fil des semaines, devenu une véritable habitude. On la trouvait infailliblement là, en sortant, accoudée aux barrières, à deux pas des vestiaires. Alors ? Elle en avait pensé quoi du match ? Elle le décortiquait. Nos performances respectives étaient passées au crible sans la moindre complaisance. Elle s’animait, se passionnait. On allait poursuivre la discussion ailleurs. Au café. Ça se prolongeait. Parfois très tard. Ceux qui se levaient tôt le lendemain matin nous quittaient à regret.
– Si j’arrive la tête dans le cul, il va me dire le reste mon patron.
Ceux que leur femme attendait aussi.
– Elle est cool la mienne… Mais bon, il y a des limites.

On ne perdait plus. Jamais. On enchaînait insolemment les victoires. Forcément : c’était pour elle qu’on jouait.
De son côté, elle était, de plus en plus partie prenante de notre parcours. Elle s’inquiétait de la méforme de celui-ci, de la pubalgie de celui-là. Arborait fièrement des tenues à nos couleur – le jaune et le vert – dans les tribunes. Conservait précieusement, dans une grande chemise, également jaune et verte, toutes les coupures de journaux qui nous étaient consacrées.

Donc… on était en finale. Et on arrosait ça.
– Reste plus qu’à gagner.
Facile à dire. Il y avait du lourd en face.
– Tout va se jouer sur la motivation.
Et, de ce côté-là, on ne craignait rien. Ni personne. On avait Amandine.
On a levé nos verres.
– À Amandine ! À notre mascotte !
– Qui nous devra bien une petite récompense si on gagne, non ?
Il était quelque peu éméché Martial. Il a insisté.
– Et ce que je verrais bien, moi, c’est une bonne pipe sous la douche, tiens ! Après l’effort, le réconfort…
Il y a eu quelques rires gênés. Un long silence qu’Amandine a finalement brisé.
– Et pourquoi pas ?
On l’a regardée, stupéfaits. Abasourdis.
– Vous ne m’en croyez pas capable ?
Non. Si. Peut-être. On n’en savait rien en fait.
– Et tu nous le ferais à tous ?
Il a demandé ça la lippe gourmande Baptiste. Les yeux exorbités. Ce qui a déclenché l’hilarité générale.
– Quand même pas, non… N’exagérons rien… Un seul, ça suffira…
Julien a saisi la balle au bond.
– Le capitaine… Forcément…
Elle a souri.
– Pas forcément, non.
– Qui alors ?
– Celui qui se sera donné le plus à fond sur le terrain.
On s’est tous vus dans le rôle.
– Ce sera moi, c’est couru.
– T’as le droit de rêver. Ce sera moi, oui. Alors là vous pouvez vous accrocher, les gars.

Elle a quand même tenu à préciser, tout à la fin, juste avant qu’on se sépare.
– Mais motus et bouche cousue, hein ! Pas question que ça s’ébruite… Sinon vous ferez tintin…
Oh, pour ça, oui. Elle pouvait compter sur nous. D’autant que ça nous arrangeait plutôt…
– Non, parce que j’imagine, moi, si ma légitime apprenait qu’il se fait des pipes dans les vestiaires !
– Peut-être qu’elle voudrait participer,
– T’as qu’à y croire. Elle m’arrache tout le bazar, oui, plutôt…

Entre nous, on ne parlait plus que de ça.
Il y avait ceux qui n’y croyaient pas vraiment.
– C’est le genre de truc qu’une nana elle peut dire comme ça, sur le coup, prise dans l’ambiance. Mais dès qu’il s’agit de concrétiser, il y a plus personne.
– C’est trop beau pour être vrai n’importe comment.
– Et puis elle vit avec une fille. Alors qu’est-ce tu veux qu’elle vienne sucer une bite ?
Et ceux qui y croyaient. Ou qui voulaient y croire.
– C’est le style de nana sans complexes. Alors tu parles que ça va la déranger.
– Et puis elle a tellement envie qu’on gagne… Au moins autant que nous maintenant… Et elle sait que la perspective d’une bonne pipe, il y a rien de tel pour motiver des mecs.
– Vous en faites pas que, de son côté, elle y trouvera aussi son compte, va ! En plus !

Le dernier entraînement, l’avant-veille du grand jour, elle l’a suivi jusqu’au bout. Du bord du terrain. Avant de nous raccompagner jusqu’à la porte des vestiaires.
– Allez, allez ! Vous nous la gagnez cette finale !
Ah, sûr qu’on allait la gagner. Sûr ! D’autant que…
– Ça tient toujours, hein ?
– Quoi donc ? La petite gâterie d’après-match ? Évidemment que ça tient toujours. Plus que jamais…
Et elle s’est éloignée avec un baiser, du bout des doigts, dans notre direction…

Ça a très mal démarré. Sur le coup d’envoi, Tom, fébrile, a cafouillé le ballon, qui est allé rouler dans l’en-but. Un joueur rouge s’est précipité, a pris tout le monde de vitesse, aplati.
– On reste concentrés. On fait bloc. On serre les dents ;
Et on est repartis à l’assaut. Sérieux. Appliqués. Deux fois. Trois fois. Dix fois. Une interception malencontreuse. L’ailier adverse qui file à l’essai. Quatorze points de retard à la mi-temps. Ça commençait à faire beaucoup.
– Amandine est là, les gars. Elle vous regarde. Alors vous savez ce qu’il vous reste à faire.
On s’est arc-boutés. On a donné tout ce qu’on avait. On a marqué. Et pris le dessus. En mêlée. À la touche. Encore marqué. Plus que deux points, deux petits points à rattraper. Après lesquels on a désespérément couru. Jusqu’à la toute dernière minute. Une pénalité. Facile. En notre faveur. S’il la passait Martial, c’était gagné. Il a posé le ballon, levé la tête vers Amandine dans les tribunes, puis vers les perches. Il s’est élancé. Le ballon est passé à côté…

On est longuement restés prostrés sur les bancs du vestiaire. Effondrés. Sans rien dire. Jusqu’à ce que Martial explose.
– Dites-le, les mecs ! Dites-le que je suis nul. Ça me fera du bien. Non, mais comment j’ai pu rater ça ? Comment ?
– Ça peut arriver à tout le monde.
– Mais pas un jour comme ça ! Pas une finale ! Pas quand Amandine…
– Surtout que si tu l’avais passé ce coup de pied, c’est sûrement toi qu’elle aurait…
– Ferme-la ! Je t’en supplie, ferme-la !
Il s’est levé comme un furieux, a claqué la porte derrière lui…

Il a fait sa réapparition, une dizaine de minutes plus tard, en compagnie d’Amandine.
– Ben alors ! C’est quoi ces têtes d’enterrement ? Vous avez perdu. Bon, ben voilà. Et après ? Il y en aura d’autres des matchs. Il y en aura d’autres des victoires. Il y en aura d’autres des finales. Allez, on se secoue ! À la douche ! Ça vous fera le plus grand bien. Ça vous détendra, tiens ! Et puis, il y aura peut-être un petit lot de consolation, qui sait ?

Un lot de consolation ? Ah, comment ils ont volé nos shorts et nos maillots maculés de boue ! Comment on s’y est précipités sous la douche ! Tous. Comme un seul homme. Ça l’a fait rire Amandine. De bon cœur.
– Ah, dès qu’il y a quelque chose à gagner, hein !
Oh, ben oui. Oui. Mais c’était quoi ?
– Vous verrez bien. Tout à l’heure je vous dirai. Le moment venu. Mais d’abord, ce qui serait bien, moi, je trouve, c’est qu’on fasse un peu connaissance. Au moins un minimum. Non, parce que ça va faire quasiment un an que je vous suis partout, là, toute l’équipe, mais de vous, de chacun individuellement, je ne sais pas grand-chose. Pour ne pas dire rien du tout. C’est l’occasion ou jamais.
Et elle a commencé par la douche du bout. Tout au bout. Par Victor. Avec qui elle a échangé quelques mots en souriant. Et en l’examinant tranquillement sous toutes les coutures. Au tour de Tom après. Qu’elle a délibérément fixé en bas. À qui elle a dit, en même temps, quelque chose qui a semblé beaucoup les amuser tous les deux. Et puis les autres. Dans l’ordre. Fred. Martial. Domi. Elle s’approchait. Elle s’approchait de plus en plus. Rémi, juste à côté de moi, elle a voulu qu’il se retourne…
– Que je te voie les fesses ! Parce que pour se rendre vraiment compte sous le short…
Elle les a longuement contemplées.
– C’est bien ce que je pensais : elles sont à croquer.
Elle les a abandonnées à regret. S’est tournée vers moi. M’a détaillé. De la tête au pied. Des pieds à la tête. A recommencé.
– Je ne te le pensais pas comme ça le morceau… Pas du tout… Comment on peut se faire des idées des fois ;
Elle a approché la main. Comme si elle allait me la toucher la queue. Tout près. S’est ravisée.
– Non. Ce serait de la triche. N’empêche que rien que ça tu commences à bander. Qu’est-ce que ce serait si je te le faisais vraiment !
Elle est passée à Theo, mon voisin de droite, à qui elle a demandé tout à trac s’il avait une copine.
– Oui ? Et tu t’amuses quand même tout seul des fois, je parie ! Ah, tu vois ! En pensant à moi ?
Il a bredouillé quelque chose.
– Hein ? Quoi ?
Elle a tendu la tête dans sa direction, sous la douche, pour entendre la réponse. Ce qui lui a mouillé la nuque et le haut des épaules.
Baptiste a suggéré…
– Tu devrais la quitter ta robe. Sinon, quand tu vas arriver au bout de la rangée, t’auras plus un poil de sec.
– T’as de bonnes idées, toi, quand tu veux.
Elle nous a tourné le dos, s’est dirigée vers les bancs. Elle l’a déboutonnée sa robe, retirée, soigneusement étalée. Et puis elle est tranquillement revenue vers nous, en petite culotte et soutien-gorge blancs ajourés, brodés en relief. Elle a relevé la tête, s’est brusquement immobilisée.
– Mais c’est qu’ils bandent ! Mais c’est que vous bandez, les garçons ! Tous. Et pas qu’un peu certains…
– Le moyen de faire autrement avec une fille comme toi !
– Oh, mais ce n’est pas un reproche, hein ! Au contraire…
Et son regard s’est délibérément emparé de nos bites dressées, gorgées d’elle, a couru de l’une à l’autre, s’est attardé ici, est revenu là.
– Il y en a des belles… Ça donne envie…
– Sers-toi ! Fais-toi plaisir !
– Faudrait pas me le dire deux fois.
– Sers-toi ! Fais-toi plaisir !
Theo, à mes côtés, a brusquement émis une sorte de grondement sourd, dansé d’un pied sur l’autre et déchargé. À longues saccades.
Elle a décidé.
– Éliminé, lui ! Hors-jeu. Carton rouge. Allez, file !
Et elle a pris sa place sous la douche. Trempé, le soutien-gorge a, très vite, épousé ses seins, de tout près. Les a offerts, par transparence, pointes dressées. La culotte a moulé ses adorables petites fesses, modelé son fendu qu’elle a révélé, tout lisse, à nos yeux émerveillés.
Rémi s’est extasié.
– Qu’elle est bien foutue, putain ! Non, mais ce qu’elle est bien foutue…
Nos regards se sont rivés à elle. Nos queues se sont dressées vers elle. Des mains se sont refermées, élancées à rythme effréné, dans un irrépressible va-et-vient. Les souffles se sont faits courts. Il y a eu des soupirs.
Et ça a giclé. Ça a éclaté. À droite. À gauche. De tous les côtés. À qui mieux mieux.
Chaque fois, le verdict tombait.
– Rémi, éliminé…
– Martial, éliminé…
– Julien, éliminé…
Et moi aussi… Éliminé, hélas !

Il n’est plus resté que Kevin. Le dernier, le seul survivant.
Elle l’a appelé, enlacé, lui a tendu les lèvres. Il est descendu, lui a piqueté le cou de petits baisers. Descendu encore. Il a libéré un sein. L’autre. A enfoui sa tête entre eux, glissé une main dans la culotte mouillée, à l’intérieur de laquelle il a fourragé. Ça a longuement moutonné. Elle s’est dressée sur la pointe des pieds, a renversé la tête en arrière, doucement gémi.
– Quel pot il a ce salaud !
On s’est approchés. Tout près. On a fait cercle autour d’eux. De plus en plus près.
Il a descendu la culotte. Jusqu’à mi-cuisses. Jusqu’en bas. Sa chatte à nu. Sa chatte à nous. Il l’a lissée. Parcourue et reparcourue. S’est approprié le petit bouton. Qu’il a pressé. Fait rouler.
– Oh, c’est bon, Kevin… Que c’est bon !
Ses yeux. Sur nous. Dans les nôtres. Sur nos bites durcies. Ses yeux de l’un à l’autre. De l’une à l’autre. Sur nos mains qui s’étaient remises frénétiquement en mouvement.
– Maintenant ! S’il te plaît, viens ! Oh, s’il te plaît !
Il s’est engouffré en elle. Ils se sont élancés l’un vers l’autre. L’un contre l’autre. Furieusement. Bassin contre bassin.
Et tout s’est emmêlé. Nos plaintes. Nos soupirs. Nos halètements. Son plaisir à elle qu’elle a proclamé à pleins poumons. Le nôtre, répandu au hasard çà et là. Et jusque sur les fesses de Julien le long desquelles il a lentement coulé.

Tout est retombé. Tout s’est arrêté. On a lentement regagné les bancs, ouvert nos sacs de sport. Amandine a brandi, à bout de bras, en riant, ses sous-vêtements dégoulinants.
– Vous ne voulez quand même pas que je renfile ça ?
On ne voulait rien du tout, nous !
Et même… on préférait qu’elle reste à poil. Et de loin.
– Ben, tiens !
Mais elle a quand même renfilé sa robe.
– Déjà ! C’est pas juste ! Il n’y en a eu que pour Kevin.
– Oh, mais patience ! Votre tour viendra.
– Sûr ?
– Sûr ! Mais d’abord faudra que vous me fassiez des trucs entre vous. J’ai trop envie de voir ça !

mardi 15 mars 2016

Mystérieuse fessée

MYSTÉRIEUSE FESSÉE


Elle hallucinait complètement Daphné…
– Comme ça ! En plein après-midi… Trois types que tu sais même pas qui c’est…
– Deux types et une nana… Il y avait une nana dans le tas…
– Qui rentrent chez toi… Qui te foutent le cul à l’air… Qui te flanquent une fessée… Et qui se cassent… Excuse-moi, mais si je te connaissais pas comme je te connais, je dirais que t’es une grosse mytho…
– Oui, ben pourtant je peux t’assurer…
– Oh, mais je te crois… Je te crois… N’empêche que c’est un truc de dingues… Parce que d’où ils sortent ces lapins ? Et pourquoi ils sont venus s’en prendre spécialement à toi ? T’as pas une idée ? Je sais pas, moi ! Quelque chose…Un indice…
– Peut-être, si !
– Ah, et alors ?
– Ce serait Estelle, sa femme à Patrice, que ça m’étonnerait même pas…
– Elle est au courant pour vous deux ?
– Oh, non, non ! Normalement, non… Mais bon… Va savoir ! Peut-être qu’elle a découvert le pot-aux-roses… Et qu’elle me fait payer…
– En t’envoyant un commando-fessée ? Mouais… Ça fait bien un peu tiré par les cheveux…
– Je vois pas d’autre explication…
– Il en pense quoi Patrice, lui ?
– Je lui en ai pas parlé…
– Ah, bon ! Ben, pourquoi ?
– Tant que c’est pas du sûr à cent pour cent… Non, parce que je sais ce qui va se passer… Il va se mettre à flipper comme un malade… Vouloir en avoir le cœur net… Culpabiliser à mort…
– Et, si c’est pas déjà le cas, si ton hypothèse est pas la bonne, c’est pour le coup qu’elle va vraiment avoir des soupçons sa bonne femme…
– Voilà, oui…
– Qu’est-ce tu vas faire ?
– Comment ça qu’est-ce je vais faire ?
– Ben, je sais pas, moi… Tu vas aller aux flics ?
– Non, mais ça va pas ? Oui, ben alors là, il y a pas de risque ! Parce que t’imagines ? Je les connais les flics… Ils vont s’amener là-dedans avec leurs gros sabots… Interroger à droite… Interroger à gauche… Farfouiller partout… Tout mettre sens dessus dessous… Je tiens pas à ce que tout le pays soit au courant que je me suis fait tambouriner le derrière, moi !
– Sans compter que tu vas être bonne pour aller le montrer à tout un tas de monde ton derrière… Le faire « expertiser »… Ils voudront établir la matérialité des faits… Comme ils disent…
– En plus ! Non… Et puis attends ! Je vois ça d’ici à l’agence… Ils vont en faire des gorges chaudes les Duparc, Berthier et compagnie… Ah, j’ai pas fini d’en entendre… Et les clients qui manqueront pas d’en rajouter une couche…
– Et tout ça pour rien… Un coup d’épée dans l’eau… Elle jurera ses grands dieux qu’elle a rien à voir là-dedans… Et comme il y a aucune preuve… Au final, en prime, ça risque de te retomber dessus… On te soupçonnera d’avoir tout manigancé pour lui causer du tort… Vu que c’est la femme de ton amant…
– J’y ai pensé, oui…
– Non… La seule chose, faudrait pas que ça recommence…
– Ça peut, tu crois ?
– Ben, si c’est elle, oui… Elle risque de pas te lâcher tant que t’auras pas mis fin avec Patrice…
– C’est gai !
– Mais c’est pas forcément elle…
– Tu parles !
– Ils t’ont dit quelque chose quand ils te l’ont fait ? Qu’est-ce qu’ils t’ont dit ?
– Tout a été tellement vite… J’étais complètement tétanisée… Je comprenais rien à ce qui m’arrivait… Je réalisais pas… Je savais que répéter : « Mais arrêtez ! Mais ça va pas ! Non, mais vous êtes pas bien… »
– Oui… Toi… Non, mais eux ?
– Eux ? Rien… Pas un mot…
– Ce qu’est pas très logique si elle est derrière tout ça… Si elle veut que tu laisses tomber Patrice… Parce que, dans ce cas-là, faut quand même bien que tu comprennes un minimum de quoi il retourne… Ils t’auraient sorti un truc du style… « Bon, maintenant ça suffit… Tu lâches l’affaire… » Que ce soit suffisamment explicite, mais que ça la compromette pas vraiment…
– Mais alors si c’est pas elle, c’est qui ?
– C’est bien là toute la question… Il y a peut-être quelqu’un, quelque part, qui t’en veut…
– Je vois pas…
– Parce que peut-être que ça remonte à loin… Que tu te souviens pas… Mais peut-être que ça va te revenir à force de chercher… Il y a que toi qui peux trouver n’importe comment…



2




Il a quand même bien fallu que je lui dise à Patrice… Parce qu’il s’est rendu compte… Il restait pas grand-chose pourtant… Presque rien… Fallait vraiment savoir… N’empêche qu’il s’est aperçu…
– Mais qu’est-ce c’est que ça ?
– Quoi donc ?
– Ben là… Sur ton derrière… Et puis là… Et encore là… Non, mais c’est que tu t’es pris une fessée, ma parole ! Ah, si ! Si ! C’est une fessée… Aucun doute là-dessus… C’est qui ? Ton mari ? À cause de nous ?
– Non, Patrice, non ! Il y est pour rien… Je voulais pas t’en parler… Pour pas t’inquiéter, mais…
Et je lui ai raconté… La peur au ventre… Peur qu’il me croie pas… Qu’il aille s’imaginer des tas de choses… Que j’inventais… Que j’avais quelqu’un d’autre… Que je lui cachais des trucs… Que sais-je encore ? Ça paraissait tellement invraisemblable tout ça…
Il m’a écoutée, sans m’interrompre, jusqu’au bout… Et puis il a éclaté…
– Bouge pas que je vais les retrouver ces petits salopards… Alors là fais-moi confiance que je vais les retrouver… Et qu’ils vont passer un sale quart d’heure…
– Les retrouver ? Mais où ça, Patrice ? On les connaît pas… On sait rien d’eux… Autant chercher une aiguille dans une botte de foin…
– J’y arriverai… Je mettrai le temps qu’il faudra, mais j’y arriverai…
– Tu sais ce qu’elle croit Daphné ? Que c’est ta femme qu’a manigancé tout ça…
– Estelle ?
– Oui… Elle aurait découvert pour nous… Et se vengerait de moi comme ça…
– Non, mais alors là elle est complètement à côté de la plaque ta copine… Parce que les petits coups en douce par en dessous, c’est pas du tout son style à Estelle… Si elle avait eu le moindre soupçon, c’est d’abord sur moi que ce serait tombé… Il y aurait eu explication… Aussi sec… Menaces… Mises en demeure… Et tutti quanti… Non… Alors là je suis sûr de moi… Elle se doute de rien… Ça peut pas être elle…
– Mais qui alors ?
– Ton mari ?
– Paul ?
– Pourquoi pas ?
– Je le vois vraiment pas dans le rôle non plus… Non… S’il avait éventé quoi que ce soit, il se serait trimballé un air de chien battu toute la sainte journée… Jusqu’à ce que je lui demande ce qu’il avait… Il se serait fait extirper les mots au forceps… Un par un… J’aurais nié… Et retourné la situation… Non, mais il était vraiment pas bien, hein ! Pour qui il me prenait ? C’est comme ça qu’il avait confiance en moi ? Ah, ben bravo ! Bravo ! Etc. Je sais faire quand je veux… Et, pour finir, il se serait excusé, tout penaud…
– Si c’est pas Estelle… Si c’est pas Paul non plus…
– Qui ça peut être ? Ben oui… Oui… Ça fait trois jours que je retourne la question dans tous les sens… Faut pourtant bien qu’il y ait une raison… Quelqu’un qui m’en veuille quelque part… Sauf que je vois pas… Je vois vraiment pas…
– Ça peut pas être à l’agence ?
– J’y ai bien pensé, mais qui ? Et pourquoi ? J’ai de bons rapports avec tout le monde là-bas… À part peut-être…
– Oui ?
– Valérie… C’est vrai que ça passe pas trop avec elle… Pour pas dire pas du tout… Mais qu’est-ce que j’y peux, moi, si les clients ils me réclament ? Si, pour la plupart, ils ne veulent avoir affaire qu’à moi ? Elle me jalouse, ça, c’est sûr… D’autant que Dubois a tendance à m’attribuer systématiquement les dossiers sensibles… Qu’il lui en a même retirés sept ou huit pour me les confier…
– Et tu t’étonnes qu’elle te porte pas dans son cœur ?
– Non… Bien sûr que non… Mais de là à ce qu’elle aille manigancer un truc pareil…
– Alors ça ! T’as des gens… De tout ils sont capables… Absolument tout… Elle vit seule cette nana ?
– Pour autant que je sache, oui…
– Et elle occupe ses soirées à quoi à ton avis ? À ressasser encore et encore ce qui s’est passé au boulot dans la journée…
– Ce serait bien le genre à ça, oui…
– Tout prend pour elle des proportions gigantesques… Elle interprète… Elle brode… Elle fabule… Tout ce que tu dis, tout ce que tu fais est forcément dirigé contre elle… Tu veux la perdre aux yeux du patron… Elle n’a pas le moindre doute là-dessus… Et voilà des mois et des mois qu’elle rumine… Qu’elle imagine mille et mille façons de se venger de toi…
– Et elle aurait fini par passer à l’acte ? Peut-être… Ça se tient après tout… Non… La seule chose : où diable est-elle allée recruter ses hommes de main ? Elle n’a pas d’amis… Elle ne connaît personne…
– On obtient tout ce qu’on veut avec de l’argent…
– La garce ! Non, mais quelle garce !
– Si c’est elle… C’est vraisemblable… Mais quand même… On n’a pas de preuves…



3


Ça lui paraissait plausible à Daphné…
– Oui, c’est pas idiot du tout l’idée de la collègue… Mais alors si c’est ça, j’te plains… T’as pas fini de t’en voir, ma pauvre…
– Comment ça ?
– Ben, elle va s’acharner…
– T’es encourageante, toi !
– Ça paraît logique, non ? V’là quelqu’un qui t’en veut à mort… Au point de dépenser une somme sûrement rondelette pour te faire flanquer une fessée… À la suite de quoi, qu’est-ce qui se passe ? Rien… Tu réagis pas… Tu portes pas plainte…
– Mais je pouvais pas !
– Je sais bien, oui… On en a suffisamment parlé… Et t’as eu raison… Bien sûr que t’as eu raison… Si tu veux pas voir toute ta vie privée étalée sur la place publique… Avec les conséquences que ça manquerait pas d’avoir… Seulement elle, de son côté, elle va en conclure quoi ? Qu’elle peut en remettre impunément une couche… Que tu bougeras pas… Alors tu penses bien qu’elle va pas se priver… Qu’elle va s’en donner à cœur joie… Non… Attends-toi à les voir revenir… Et sans tarder si ça se trouve…
– C’est gai ! Mais qu’est-ce que je peux faire ?
– À mon avis, malheureusement, pas grand-chose… À moins qu’on arrive à être certaines que c’est elle… À disposer de preuves irréfutables… Auquel cas tu pourrais porter plainte nommément contre elle… Sans avoir alors à en passer par la redoutable épreuve d’une enquête tous azimuts… Mais sinon…
– Oui… Il y a pas de solution, quoi !
– Sauf si elle commet une erreur… Ou si, suite à un concours de circonstances imprévu, on la prend la main dans le sac… On peut aussi la mettre discrètement sous surveillance… Et voir ce que ça donne…
– Faut pas non plus focaliser complètement sur elle… Ça reste une hypothèse…
– Ah, ça, c’est sûr…
– D’autant qu’il m’a pas vraiment convaincue Patrice par rapport à Estelle… Pas du tout même… Il a beau dire ce qu’il veut : pour moi, il y a quand même de fortes chances que ce soit elle… Parce que qu’est-ce qu’il peut en savoir, en fait, de la façon dont elle réagirait si elle apprenait qu’il la trompe ? C’est jamais arrivé… Du moins à ce qu’il dit… Et, de ce côté-là, je le crois… Non… Ce qu’il y a, c’est qu’il a pas du tout envie d’imaginer qu’elle puisse être au courant pour nous… Ça remettrait beaucoup trop de choses en question… Ça dérangerait sa petite tranquillité… Alors il préfère nier… Se convaincre qu’elle est insoupçonnable… Ça le rassure…
– Un peu comme toi avec Paul finalement…
– Hein ? Mais c’est pas pareil enfin ! Ça n’a rien à voir…
– Ah, bon…
– Paul ? Non, mais attends ! Paul alors là je suis bien tranquille… Ça peut pas être lui… Je lis dedans à livre ouvert Paul… Il y a pas plus prévisible que lui…
– Ben, justement… Il en a peut-être assez d’être prévisible… Il est peut-être tenté de s’aventurer sur des chemins de traverse…
– Pourquoi tu dis ça ? Tu sais quelque chose ? Si tu sais quelque chose…
– Rien de concret, non… Rien de précis… Mais…
– Mais quoi ?
– Tu vas le prendre mal…
– Je te jure que non…
– Suppose qu’il te dise qu’il est au courant de tout Paul… Tu vas réagir comment ?
– Je vais nier… Il y a que ça à faire…
– Et si c’est impossible ? S’il a des preuves irréfutables ?
– Je vais me défendre…
– C’est-à-dire que tu vas lui faire porter l’entière responsabilité de la situation… Tu n’es pas heureuse avec lui… Tu n’es pas satisfaite… Alors oui… Oui, tu as éprouvé le besoin d’aller voir ailleurs… Patrice, lui au moins il est viril… Rassurant… C’est quelqu’un sur qui tu peux t’appuyer… Avec qui tu te sens pleinement en sécurité… Et même, puisqu’il faut lui mettre les points sur les i, quelqu’un avec qui, au lit, tu prends un pied pas possible… Ça n’a rien à voir avec les petites giclées anémiques dont il te gratifie de temps à autre… Etc. Non ? Ce serait pas ça ?
– À peu près, si…
– Et il le sait Paul… Il sait, d’expérience, qu’il n’aura jamais le dernier mot avec toi… Que tu trouveras toujours moyen de retourner n’importe quelle situation à ton avantage…
– Ouais… Ce que tu es en train d’essayer de me dire en fait, c’est que, comme Paul est trop lâche pour m’affronter ouvertement et me reprocher mon infidélité, il m’a envoyé des émissaires qu’il a chargés de me présenter la note…
– Et pourquoi pas ?
– J’ai du mal à l’imaginer en train d’échafauder quelque chose d’aussi tordu… Mais en même temps il y a quelque chose, tout au fond de moi, qui me dit que c’est pas aussi impossible que ça…



4


– Je suis désolée, Patrice… Vraiment désolée…
– C’est pas grave…
– Ah, ben si, c’est grave, si, attends ! On est en pleine action et moi, je trouve rien de mieux à faire que de te hurler le prénom d’un autre comme une possédée…
– Faut bien reconnaître que c’est pas très motivant…
– Et pas seulement ça… Parce que qu’est-ce tu vas aller t’imaginer ? Qu’il y a un Thibaud dans ma vie ? Tu serais en droit de le penser…
– C’est toi que ça regarde… T’as pas de comptes à me rendre…
– Je sais bien, oui, mais quand même… Non… Ce qu’il y a, c’est que ça m’est venu comme ça… D’un coup… Sans prévenir… Thibaud ! Bien sûr, Thibaud ! Ça peut être que Thibaud…
– Mais de quoi tu me parles ?
– Ben, tu sais bien… Les trois autres, là, qui me sont tombés dessus l’autre jour… C’est Thibaud derrière tout ça… Forcément…
– Et c’est qui Thibaud ?
– Un type que j’ai connu, quand je faisais mon stage à la grande surface, à Mâcon… Manutentionnaire il était… Il arrêtait pas avec ça… Qu’il allait me mettre une fessée… Tous les jours c’était… Ou presque… Et seulement moi… Jamais les autres filles… « Parce que t’as un cul fait pour ça… Qui l’attire la fessée… On te l’a jamais dit ? » On me l’avait jamais dit, non… « Et en plus tu mérites… C’est pas vrai peut-être ? » Je haussais furieusement les épaules… « Mais si, tu mérites… Pour plein de raisons… Et tu le sais très bien… » Il devenait lourd à force, mais lourd !
– Et il a jamais essayé ?
– De m’en mettre vraiment une ? Oui, ben alors là, il aurait pas eu intérêt… Non… Il se contentait de mimer… De loin…
– Et ça remonte à combien de temps tout ça ?
– Huit ans…
– Et tu crois qu’au bout de huit ans…
– Oui… Oui… Parce qu’il y a ce qu’il m’a dit le dernier jour… Quand je suis partie… « Tu perds rien pour attendre, tu sais… Parce que je t’en collerai une… Et carabinée… Dans quinze jours… Dans six mois… Dans six ans… Ou dans douze… Mais tu l’auras… Je te jure que tu l’auras… » Et puis alors sur un ton… Et en me regardant d’une de ces façons ! Je lui ai pas répondu sur le coup… Je lui ai tourné le dos… Et ça m’est complètement sorti de la tête tout ça… J’avais autre chose à penser… Jusqu’à tout-à-l’heure… Que ça m’est brusquement revenu…
– Mouais…
– T’as pas l’air convaincu…
– Je sais pas… Je sais pas quoi te dire… Il serait venu te la donner lui-même encore… Mais là ! Te le faire faire pas d’autres… Sans même assister… Je vois pas bien l’intérêt pour lui…
– Oui, ben justement… Ce que je me demande, c’est s’il y a pas assisté quand même finalement… Parce qu’il y avait un des deux types qui me tenait… Ça, c’est sûr… Et c’est la fille qui me l’a donnée la fessée… C’est sûr aussi… Mais l’autre type ? Qu’est-ce qu’il fabriquait derrière moi ? Je le voyais pas… Et la question que je me pose, c’est s’il était pas en train de tout filmer avec son portable… Il y a quelque chose qui me dit que si…
– Ah ! Oui, ça, évidemment, ça changerait complètement la donne…
– Faut que je sache… Faut absolument que je sache…
– C’est bien aussi mon avis… Que ce soit lui ou qui que ce soit d’autre faut vraiment que t’en aies le cœur net… Et le plus vite possible… Parce que ça devient une véritable obsession ton histoire… Tu parles plus que de ça… Tu penses plus qu’à ça… T’en sors pas… Même pendant qu’on baise maintenant ! Alors t’as qu’à voir…
– Je sais, Patrice, oui, je sais… Mais tu te rends pas compte de ce que c’est, toi, de vivre avec cette épée de Damoclès suspendue en permanence au-dessus de la tête… De se dire qu’ils peuvent resurgir n’importe quand et recommencer… De pas savoir pourquoi… Ni ce qu’ils te veulent au juste… De te mettre à soupçonner tout le monde autour de toi… Et pourquoi pas celui-ci ? Et pourquoi pas celle-là ? C’est à devenir folle par moments…
– C’est bien pour ça… Je me répète, mais, d’une façon ou d’une autre, faut que tu crèves l’abcès…
– Oui, oh, mais là, il y a toutes les chances qu’il le soit… Parce que tu sais ce que je vais faire ? Je vais y aller à Mâcon… Demain… Et cuisiner Noémie… Une ancienne collègue… Elle est toujours à l’affût de tout Noémie… Au courant de tout…
– C’est peut-être pas le genre de choses qu’il est allé raconter à ses collègues…
– Oui, oh, alors ça, avec lui, on peut s’attendre à tout…
– Sans qu’il y en ait une qu’ait eu l’idée d’aller le dénoncer ?
– Elles l’auront pas cru… Il est pas à une vantardise près… Quoi qu’il en soit, elle va forcément me mettre sur des pistes Noémie, je la connais… Me permettre de faire le point… Et c’est une chance que je vais sûrement pas laisser passer…



5


– Noémie ! Depuis le temps ! Ah, ça fait plaisir de te revoir… Alors raconte ! Qu’est-ce que tu deviens ?
– Oh, pas grand-chose… C’est le train-train… Et toi ?
– On déjeune ensemble ? T’as le temps ? On se racontera tout ça…

On a d’abord parlé des mecs…
– Nous, les nanas, c’est toujours par là qu’on commence…
– Et par là qu’on finit…
Oui, oh, ben de ce côté-là, elle, elle galérait pas mal…
– Ça dure jamais plus de six mois… Il y a toujours quelque chose qui finit par clocher… À un moment ou à un autre… À croire que je suis programmée pour tomber sur des cas… Ou bien alors qu’il y a que ça des cas…
– Faut reconnaître… Il y en a pas mal…
– T’as quand même fini par trouver, toi ! Tu t’es mariée…
Je m’étais mariée, oui… Mais c’était pas forcément ce que j’avais fait de mieux…
– Tu regrettes ?
– Oui et non… Il est pas pire qu’un autre… Il bosse… Il me prend pas la tête… Il me laisse les coudées franches… Par contre, côté cul, c’est pas ça qu’est ça… Il est vraiment pas doué le pauvre…
– Ho la la ! Je pourrais pas, moi ! Si je m’éclate pas un minimum…
– Oui, ben ça, moi non plus…
– Et tu vas voir ailleurs…
– Quand le mec il assure pas, il y a que ça à faire…
– C’est ce qu’elle dit aussi Margaux… Et elle laisse pas sa part aux chiens…
– Comment elle va, elle ?
– Oh, bien… Toujours identique à elle-même… Toujours une connerie à raconter… Ou une bonne blague à faire…
De Margaux on est passées à Chrystelle… Qui, elle, n’avait jamais eu le moindre sens de l’humour… À Thera qui fondait en larmes pour un rien… À Ivane qui se sentait agressée dès qu’on lui adressait la parole…
– Finalement il y a pas grand-chose qu’a changé depuis que je suis partie, hein…
– Rien du tout tu veux dire, oui… C’en est déprimant d’une force…

J’ai fini par entrer dans le vif du sujet…
– Et Thibaud ?
– Oh, lui… Métamorphosé…
– Comment ça ?
– Il est tombé sous le charme d’une Irlandaise qui le mène en laisse comme un petit toutou… Il y a déjà deux gamins… Et un troisième en route…
– Eh ben, dis donc ! Quand je pense… Je pouvais pas le voir, lui à l’époque… Il pouvait pas me croiser sans me menacer aussi sec d’une fessée…
– Je me souviens, oui…
– Tu sais que longtemps je me suis demandé s’il allait pas finir par me coincer pour m’en coller vraiment une…
– Oui, oh, il a beaucoup de gueule Thibaud, mais de là à faire un truc pareil… Il aurait fallu qu’il ait une sacrée dent contre toi… Non… Lui, il avait pas vraiment de raison de t’en vouloir… Pour quoi que ce soit…
– Lui ? Ce qui veut dire… Il y a quelqu’un d’autre qui m’en veut ?
– Qui t’en a voulu en tout cas… Et pas qu’un peu…
– C’est qui ?
– T’as la mémoire courte…
– Non, je vois pas, je t’assure…
– Magali…
– Magali… Oh, la la, oui… Quand j’y repense… Ça m’était complètement sorti de la tête cette histoire…
– T’avais fait fort, faut dire…
– Je sais pas ce qui m’avait pris… On fait de ces conneries des fois…
– En attendant, elle avait perdu sa place… Passage de marchandises en caisse sans enregistrer, ça pardonne pas, ça…
– Oh, la la, j’m’en veux, tu peux pas savoir ce que j’m’en veux…
– Oui, oh, ben ça tu peux… Parce que plus de deux ans elle a mis pour en retrouver du boulot… Ça marque au fer rouge un truc comme ça…
– Il y avait de quoi me prendre en grippe…
– Je te le fais pas dire… Elle était remontée d’une force contre toi… T’es partie au bon moment… Parce que, à mon avis, elle aurait cherché à te faire payer… D’une façon ou d’une autre… Et ça aurait mal fini…
– Et elle m’en veut toujours, tu crois ?
– Ça, je sais pas trop… J’ai plus vraiment de contacts avec elle… Mais il y a des chances, oui… Mets-toi à sa place…



6-


– Ils sont revenus… Hier…
– Qui ça revenus ? Comment ça revenus ?
– Ben, eux ! Les trois autres, là… Ceux de l’autre jour… Et ils ont recommencé… Ils m’en ont recollé une…
– T’es sûre ?
– Ah, ben ça !
– Oui, bon, écoute ! Je vais être franche avec toi… J’en crois pas un mot… Déjà, la première fois, j’avais beaucoup de mal, mais là… C’est ton droit de fantasmer… Tant que tu veux… Mais alors, s’il te plaît, à l’avenir laisse-moi en dehors de tout ça… J’ai pas de temps à perdre… Qu’est-ce tu fais ?
– Ben, je te montre puisque soi-disant j’invente… Et ça ? C’est du flan ça peut-être ?
– Ho la la ! Attends ! Fais voir ! Oh, non, mais là ! T’as dû le sentir passer…
– Non ? Tu crois ?
– Sûr que tu vas les garder un moment les marques… Mais enfin, il y a un truc que je comprends pas quand même… Ça t’a pas vaccinée la première fois ? Moi, à ta place, je peux te dire que je m’enfermerais chez moi à double tour…
– C’est bien ce que je fais…
– Eh ben alors !
– Sauf que là j’avais oublié la fenêtre de la cuisine derrière…
– C’est malin !
– Oui, oh, de toute façon ils trouveront toujours une solution s’ils veulent… Ils peuvent me tomber dessus quand je suis dans le jardin… Attendre que je rentre, planqués quelque part… Ou bien me coincer carrément ailleurs… À un endroit que je serais jamais allé imaginer…
– Mais qui ça peut être, bon sang ! Qui ça peut être ?
– Elle a parlé cette fois-ci la fille…
– Ah !
– Elle m’a demandé si j’avais réfléchi… J’ai dit que oui… À tout hasard…
– Et alors ?
– Ça l’a fait rire… « Eh, ben on dirait pas ! » Et elle a tapé de plus belle…
– Elle a rien dit d’autre ?
– Rien…
– Ça nous avance guère… Maintenant il y a peut-être une raison pour que ce soit toujours elle qui tape…
– Oui… Enfin non… C’est elle qu’a commencé… Mais ils ont pris le relais les deux autres…
– Ah… Je comprends mieux l’état de ton derrière… Ce qu’est fou quand même, c’est qu’on n’arrive pas à avoir le moindre début de commencement de certitude… Le moindre indice… Rien…
– Peut-être quand même… Parce que mardi j’ai vu Noémie… Elle m’a parlé de Magali… Et, comme par hasard, le lendemain…
– Ça lui aurait donné envie de récidiver aussi sec ? Oui, c’est possible… C’est bien ça le problème : tout est possible… Et ta collègue, là ?
– Valérie ? C’est pas exclu non plus… Parce qu’aujourd’hui elle t’avait un de ces petits airs de jubiler à l’intérieur…
– Ça peut être pour d’autres raisons…
– Je sais bien, oui… Mais quand même… J’avais vraiment l’impression qu’elle me surveillait quand je m’asseyais… Qu’elle guettait une grimace… Quelque chose… N’importe comment, au point où j’en suis arrivée, je soupçonne tout le monde… Paul aussi, hier soir, je trouvais qu’il était pas comme d’habitude… Tout guilleret… Comme quand on vient de jouer un bon tour à quelqu’un…
– Oui, et puis, si ça tombe, c’est aucun de ceux à qui on pense… C’est quelqu’un qui nous vient même pas à l’idée…
– Le seul truc qui soit sûr, quoi, finalement, c’est que ça va recommencer…
– Pas forcément !
– Oh, ben si, attends, si ! Il y a quelque chose qu’ils attendent que je fasse, c’est clair… Tant que je l’aurai pas fait… Et comme je sais pas ce que c’est ça peut durer un moment…
– C’est bien pour ça… Il faut absolument qu’on en ait le cœur net… Qu’on sache qui se cache derrière… Sinon tu vas passer ta vie à appréhender…
– C’est déjà le cas…
– Et tu vas tourner le billot à la longue… Non… J’ai pensé à un truc… Il y aurait peut-être une solution…
– C’est quoi ?
– L’immeuble au bout de ta rue… De là on a une vue imprenable sur ta grille d’entrée… Et j’y connais quelqu’un qui demanderait pas mieux que de surveiller un peu ce qui se passe devant chez toi… De contrôler les allées et venues… De noter tout ce qui lui paraîtrait suspect… De relever éventuellement un numéro d’immatriculation… Etc. On finirait bien par arriver à quelque chose à la longue…
– Oui, mais ça nous oblige à mettre quelqu’un dans la confidence…
– On n’est pas obligées de lui expliquer le pourquoi du comment… Laisse-moi faire ! Je m’occupe de tout…



7-


– Tu l’apprends par cœur ?
Ça faisait un quart d’heure qu’il m’examinait le derrière sous toutes les coutures Patrice… Qu’il scrutait… Qu’il palpait… Qu’il pinçotait…
– Non… Je réfléchis…
– Et c’est mon cul qui t’inspire ?
– Dans un sens, oui… Parce que je suis en train de me demander un truc…
– C’est quoi ?
– Tu vas hurler…
– Dis toujours !
– Et si c’était Daphné ?
– Derrière toute cette histoire ? Non, mais t’es pas bien ! Daphné, c’est vraiment la dernière personne que j’irais soupçonner d’une chose pareille…
– Ben, justement ! Raison de plus. Ça lui laisse les coudées franches…
– Pourquoi elle irait faire ça ? Il y a aucune espèce de raison…
– Pour le plaisir de tirer les ficelles sans que personne se doute de quoi que ce soit…
– Faudrait être particulièrement tordue…
– Elle l’est peut-être…
– Je m’en serais rendu compte depuis le temps…
– Pas si elle est vraiment très douée…
– Bon, mais tu vas me les tripoter longtemps les fesses ?
– T’aimes bien d’habitude…
– Parce que d’habitude tu t’y prends pas comme ça… Là, j’ai l’impression d’être chez le toubib…
– Penses-y quand même à ce que je viens de te dire…
– J’y penserai, oui… Mais franchement, je la vois pas du tout dans le rôle…
– Tu connais Basile Lemoine ?
– Non… Qui c’est ?
– Un type qu’a fait ses études avec elle… On a bu un coup ensemble hier soir tous les deux…
– T’es pas allé lui raconter que je me suis ramassé des fessées au moins ?
– Bien sûr que non ! Je suis pas complètement idiot…
– Et alors ? Ce Basile ?
– A un frère, Sébastien, qui est sorti, il y a des années, avec une copine à Daphné… Il y avait des hauts… Il y avait des bas… Et souvent de l’eau dans le gaz…
– Oui, ben ça, comme tout le monde…
– Daphné a voulu s’en mêler… Les rabibocher… Et, à l’un comme à l’autre, elle s’est mise à prêcher les vertus de la fessée : il n’y avait rien de tel pour cimenter un couple… Ça le faisait sortir des sentiers battus… Ça le rendait très complice… Sébastien, lui, ne voyait pas vraiment d’inconvénient à tenter l’expérience… Si ça marchait, tant mieux… Et si ça ne marchait pas, tant pis : au moins ils auraient essayé… Mais bon, Sébastien, lui, il avait le beau rôle. La copine, elle, par contre, elle n’était pas chaude… Se laisser tambouriner le derrière, fût-ce par son petit ami, ne la tentait pas vraiment… Elle était malgré tout prête à sauter le pas si ça devait sauver son couple… À condition d’avoir la certitude qu’il y aurait des résultats à la clef… Pas question de se prêter à ça si le succès n’était pas au rendez-vous… Et Daphné de dépenser des trésors de persuasion pour la convaincre… Mais bien sûr que ça marchait ! Bien sûr ! Et de lui citer des exemples en pagaille… Sans pour autant parvenir à la décider vraiment… Elle ne se décourageait pas, revenait constamment à la charge… C’en était devenu carrément persécutif… Tant et si bien que, de guerre lasse, ils ont fini par lui laisser croire qu’ils avaient suivi ses judicieux conseils… Ils n’en ont pas été quittes pour autant… Elle voulait savoir comment ils procédaient… À quelle fréquence ça avait lieu… S’ils baisaient après, etc. Sans doute a-t-elle fini par soupçonner qu’ils la menaient en bateau parce qu’elle s’est mise à vouloir que la copine lui montre son postérieur… Soi-disant pour se rendre compte si elles étaient assez appuyées les fessées… C’était indispensable… Si on voulait que ce soit vraiment efficace… Et au bout du compte, de fil en aiguille, tout ce joli monde a fini par se brouiller à mort…
– Tu crois vraiment que ça peut être elle ? Qu’elle serait allée me faire un truc pareil ?
– On ne peut pas ne pas se poser la question, moi, j’trouve !
– J’arrive pas à y croire…
– C’est quelque chose qu’a l’air de l’obséder en tout cas…
– Mais de là à aller imaginer quelque chose d’aussi machiavélique…
– Oh, alors ça, tu sais !
– N’empêche… N’empêche… Maintenant que j’y pense, il y a plein de trucs qui me reviennent… Des réflexions… Des attitudes… Plein de choses…
Et j’ai éclaté en sanglots…
– Pleure pas, va !
– Je lui faisais confiance, moi ! Et elle…
– C’est pas non plus absolument certain…
– Oui, oh, tu parles ! La garce ! Non, mais quelle garce ! Ah, elle veut jouer ? Eh bien on va jouer…



8-


Et maintenant ? Deux solutions j’avais : ou bien je lui volais dans les plumes à Daphné; je lui balançais tout ce que j’avais sur le cœur et on se brouillait à mort. Ou bien je faisais celle qui ne se doutait rien et j’attendais mon heure. Je te lui concoctais une de ces petites vengeances de derrière les fagots dont elle se souviendrait jusqu’à sa dernière heure. J’ai ruminé, des heures durant, sans parvenir à me décider : il y avait du pour et du contre d’un côté comme de l’autre.

J’étais sur le point de me déterminer, en désespoir de cause, pour la seconde solution quand elle a brusquement fait irruption…
– Alors ? Te voilà rassurée !
– Rassurée ? Comment ça rassurée ?
– T’as pas lu le journal ?
– Non… Qu’est-ce qui se passe ?
– Ils l’ont arrêté ton trio…
– C’est pas vrai !
– Eh, si ! Tu vas enfin pouvoir souffler… Et penser à autre chose… Il était temps d’ailleurs parce que ça tournait à l’obsession cette histoire…
– J’y crois pas… J’arrive pas à y croire… T’es sûre ?
– Ah, oui… Oui… Aucun doute là-dessus… Deux hommes et une femme… Qui écumaient la région… Et distribuaient des fessées à tire-larigot…
– C’en sont peut-être d’autres… Pas les miens…
– Ben, voyons ! Ce sont des escadrons de fesseurs par dizaines qui sont lâchés dans la nature… Non… Non… Ce sont bien les tiens, va !
– Tu l’as pas apporté le journal ?
– Je pensais que tu l’aurais… Tu le prends d’habitude…
– On sait qui c’est ?
– Ils donnent des noms, oui, mais qui ne me disent rien… Il y a que deux mois qu’ils sont dans la région… Un couple du Nord avec son frère à elle…
– Et ils se sont fait prendre comment ?
– Apparemment leur grand truc, c’était de revenir… De lui en remettre une couche à la femme…
– Oui, ben ça, je sais ! Je suis bien placée pour…
– Quand ils ont eu compris ça les flics, ça a été un jeu d’enfant de les coincer… Pas loin d’une dizaine de victimes ils auraient fait, à ce qu’il paraît…
– Sans compter toutes celles qui, comme moi, ne se sont pas manifestées…
– Et qui maintenant vont peut-être le faire…
– Et se pointer au procès ? Grand bien leur fasse ! Si elles tiennent à à être la risée de tout le pays…
– Quant à leurs motivations, elles sont, d’après les enquêteurs, on ne peut plus floues. Il y en a même un – le frère – qui tient des propos complètement incohérents.
– Ben, tiens ! Ils vont essayer de s’en sortir comme ça… Mais moi qui les ai approchés de près, je peux te dire qu’ils ont toute leur tête… Alors là !
– Ils ont l’habitude les juges… Ils seront pas dupes…
– Peut-être… Et puis peut-être pas… En attendant, moi, ce que je me demande, c’est comment ils nous ont choisies. Sur quels critères…
– Ce qu’ils devaient surtout se demander, c’est si c’était faisable ou pas… Fallait que la nana elle vive toute seule ou, du moins, qu’ils soient sûrs de la trouver toute seule à l’instant T… Il fallait qu’elle habite un endroit suffisamment isolé pour que les voisins ne soient pas amenés à se poser des questions ou à intervenir… Il fallait plein de choses en fait…
– Ce qui veut dire qu’ils m’ont fliquée… Qu’ils ont fouillé ma vie… Surveillé mes fréquentations… Et ça pendant des semaines…
– Peut-être pas pendant des semaines, mais ils l’ont fait, oui, sûrement…
– Pourquoi moi ?
– Et pourquoi pas ? C’est le hasard… Ça aurait pu tomber sur n’importe qui…
– Je crois pas, non… Pas complètement… Il a bien fallu qu’ils sélectionnent au départ… D’une façon ou d’une autre… Je sais pas, moi… Par exemple, ils s’installaient à une terrasse de café, dans un quartier bien fréquenté… Ils en laissaient passer quarante… Soixante… Et, à la soixante-et-unième, d’un coup, ils se levaient… Ils la prenaient en filature… Pourquoi elle ? Pourquoi précisément celle-là ? Qu’est-ce qu’ils avaient senti sur elle ? Qu’est-ce qui leur a donné envie que ce soit sur elle qu’elle tombe la fessée ? Sur elle – sur moi – et pas sur une autre ?
– Bientôt ça va être de ta faute…
– Mais non, mais…
– Mais si ! La seule raison, c’était peut-être qu’elle était la soixante-et-unième justement… Qu’ils avaient décidé comme ça… Dès le départ… Le lendemain, c’était la cent quatre-vingt-troisième et, le surlendemain, la dix-huitième… Et puis voilà…
– Peut-être… Je sais pas…



9-


– Il y a un truc que je comprends pas, Paul…
– Quoi donc ?
– Ben, on se fait un super plan fessée tous les deux… On imagine un trio qui me tombe dessus… Qui me fesse à tout va… On prend un pied pas possible à rouler tout le monde dans la farine avec cette histoire et, à l’arrivée, il existe vraiment ce trio… En chair et en os…
– Tu devrais savoir, depuis le temps, que, de par mon métier, j’ai accès à toutes sortes d’informations confidentielles… Il y a près de trois mois que je la connais l’existence de ce trio… Prétendre que tu en étais la victime, c’était rendre les choses beaucoup plus plausibles encore le jour où il serait arrêté… Ce qui a fini par arriver…
– En ce qui concerne Daphné, je peux te dire que c’est réussi : elle y croit dur comme fer… Mais c’était déjà le cas avant…
– Ben, oui… Elle avait pu juger sur pièces… Sur derrière rougi… Pour ton plus grand plaisir…
– Sauf que maintenant on est piégés… Fin de partie… Ils sont en taule… Donc, forcément, le jeu s’arrête…
– Ça dépend…
– Je peux quand même pas aller raconter à Daphné qu’il y a un second trio… Composé, lui aussi, de deux hommes et d’une femme… Le hasard fait parfois bien les choses, mais là ce serait quand même gros…
– Non… Bien sûr que non… Mais il y a plein d’autres solutions…
– Ah, oui ? Quoi, par exemple ?
– Ben, par exemple, tu laisses passer quelques jours et tu vas la trouver Daphné, la mine catastrophée… « Ça a recommencé… » Elle te croira pas…
– Ah, ça, c’est sûr…
– Tu vas insister… Si, si ! Ça a recommencé… Deux hommes c’était cette fois… Ou deux femmes… Ou un homme et une femme… Comme tu veux… Tu choisis… Elle te croira toujours pas… Je t’aurai collé une bonne fessée avant… Une bien sévère, comme tu les aimes… Tu lui montreras… Et tu lui expliqueras que c’est de ta faute tout ça… Parce que t’en as parlé à Noémie… T’étais tellement contente que ce soit fini… T’as cru pouvoir lui faire confiance… Tu lui as tout raconté… Et elle, ben sûrement qu’elle a rien eu de plus pressé que d’en parler autour d’elle… À tout un tas de gens… Et, évidemment, aux anciens collègues de la grande surface… On en a fait des gorges chaudes et sûrement que ça a donné des idées à certains… À Thibaud… Ou bien à Magali qui te garde, depuis des années, un chien de sa chienne… On à n’importe qui d’autre… Quelqu’un qu’il ne te viendrait même pas à l’idée de soupçonner… Mais t’es sûre et certaine que c’est de là que ça vient… La preuve : ce qu’il t’ont dit en repartant. Que la vengeance, c’est un plat qui se mange froid. Etc. Etc. Ta Daphné, je te parie ce que tu veux qu’elle va donner dans le panneau tête baissée… Relancer l’enquête… Réactiver son espionne du bout de la rue… Elle sera ravie… Et nous, on va s’en donner à cœur joie… Improviser au fur et à mesure en fonction de la tournure que prendront les événements…
– Vu comme ça, c’est vrai que c’est tentant…
– Il y aurait plus jubilatoire encore, ce serait que tu ailles réellement te confier à Noémie…
– C’est prendre des risques…
– Limités… C’est loin Mâcon…
– Pas tant que ça ! Et on ne sait jamais qui connaît qui… Ni où…
– Elle réagirait comment, tu crois ?
– Je n’en ai pas la moindre idée… Mais je crois que la plupart des filles, dans une situation comme celle-là, sont totalement incapables de tenir leur langue…
– D’où… montée d’adrénaline assurée…
– Ça me tente bien, mais d’un autre côté… Non… Faut réfléchir… Prendre son temps… En discuter…
– Sinon… t’as aussi la solution de cibler Patrice… D’une façon ou d’une autre… Plein d’idées j’ai, d’ailleurs, en ce qui le concerne…
– Le pauvre ! Oh, non ! Pas Patrice…
– Ah, pas question de toucher à ton petit protégé, hein !
– Mais non, Paul, c’est pas ça… Seulement…
– Bien sûr que si que c’est ça… Et Valérie ?
– Ma collègue de boulot ? Je me vois pas en train de lui parler d’un truc pareil…
– Moi, si ! Imagine : je vais la voir et je lui confie, sous le sceau du secret, qu’à plusieurs reprises j’ai détecté, sur ta jolie petite croupe, des reliquats de fessées. Est-ce que par hasard, elle qui travaille avec toi, elle n’aurait pas remarqué quelque chose de suspect ?
– Elle va te dire que oui… Alors là, ça, c’est sûr…
– Et te placer sous haute surveillance… C’est pas génial ?
– Je t’adore…
– Quelle que soit l’option retenue, il faut, de toute façon, préparer le terrain… Une bonne fessée s’impose, non ?
– Oh, si !

FIN DU PREMIER ÉPISODE