lundi 19 octobre 2009

La classe des filles

L A C L A S S E D E S F I L L E S







L’I N S C R I P T I O N



- Tu fais toujours rien de spécial en Août ?
- Non… Pourquoi ?
- Parce que je nous ai trouvé un point de chute… Tiens, lis !
- Ouais… Ouais… Tu plaisantes, j’espère ?
- Non, mais attends !… Ca fait des mois qu’on en parle… Qu’on répète sur tous les tons que si un jour on avait vraiment l’occasion de s’éclater avec des fessées on la laisserait pas passer et maintenant qu’on l’a…
- Mais enfin tu le connais ni d’Eve ni d’Adam ce type !… On va pas aller se jeter dans la gueule du loup comme ça !
- Parce que c’est pas ce qu’on a fait l’année dernière pendant toutes les vacances peut-être !?… Rappelle-toi le soir d’Argelès !… Et la nuit de Banyuls… C’est passé plutôt fin, non ?
- C’est pas pareil… Ca n’a rien à voir…
- C’est pas pareil, non, ça, c’est sûr !… On couchait et là on couchera pas…
- Mais non, c’est pas ça !…
- C’est quoi alors ?… Tu veux que je te dise ce que c’est ?… C’est que t’as la trouille… Tant qu’il s’agissait que d’en parler comme ça de loin ça te posait aucun problème… Seulement maintenant que ça peut devenir réalité tu te dégonfles… Il y a plus personne… Bon, mais ça fait rien, laisse tomber… Je me débrouillerai toute seule… J’ai l’habitude…
- Mais non, mais seulement si… - Non, laisse tomber, j’te dis !… C’est pas la peine…

- T’y es allée voir alors ?!… Ben raconte !… C’est comment ?
- Je croyais que ça t’intéressait pas…
- C’est vraiment un ancien pensionnat ?…
- Et superbe en plus !… Avec un parc immense… Tu verrais ça !…
- Et le bonhomme ?
- Le directeur ?… Quelqu’un de très classe… La cinquantaine… Mais alors il a une de ces façons de te regarder
- Comment ça une façon ?… Vicieuse ?
- Pas du tout, non… Tu te sens toute petite… Avec l’impression d’avoir fait quelque chose de mal… D’avoir mérité d’être punie… Exactement ce que j’aime…
- T’y vas alors du coup ?
- Un peu que j’y vais !
- Et ça se passe comment au juste ?
- Ca se passe qu’on te met complètement dans les conditions de la pension… Tu manges au réfectoire… Tu couches au dortoir… Tu vas en cours… En récréation… T’es punie quand tu le mérites… Comme tu le mérites… Pour indiscipline… Ou paresse… Ou effronterie… Comme c’était dans le temps…
- Et c’est mixte ?
- Oui, mais on est dans des classes séparées… Les dortoirs aussi évidemment… Il y a que dans la cour et au réfectoire qu’on peut se voir… Seulement se voir, bien entendu…
- Et t’es sûre qu’il y a pas anguille sous roche ?… Que tu vas pas te retrouver au beau milieu d’un plan complètement foireux ?…
- Certaine… J’ai passé l’après-midi d’hier avec une femme dont le directeur m’avait donné le numéro de téléphone… Elle y était l’année dernière… Et l’année d’avant… Elle en est revenue chaque fois enchantée… Et elle attend le mois d’Août avec une impatience !
- C’est jusqu’à quand les inscriptions ?…
- Tu vas te décider alors finalement ?
- Je sais pas… Je vais voir… Faut que je réfléchisse…





1er JOUR


Le cadre était effectivement magnifique…
- Qu’est-ce que je te disais !… Et encore t’as pas vu le parc !
Où elle m’a aussitôt entraînée…
- Regarde ces arbres !… Non, mais regarde !… Je suis sûre qu’ils ont au moins trois cents ans…
On s’est assises sur un petit banc face à une grande vasque sur le pourtour et au centre de laquelle batifolaient des naïades de pierre moussue… On a fermé les yeux. On s’est offertes au soleil avec volupté…
- Qu’est-ce qu’on est bien !…

- Non, mais faut pas vous gêner !… Qu’est-ce que vous faites là ?…
C’était un grand type à cheveux blancs, très maigre, qui était arrivé sans bruit, par derrière… Cynthia s’est troublée, a balbutié…
- Le parc… Mon amie connaissait pas… J’ai voulu lui montrer…
- Qui vous a donné l’autorisation ?
- Personne, mais j’ai cru… J’ai pensé…
- Vous n’avez pas à penser… Ni à croire… Seulement à faire ce qu’on vous dit… C’est compris ?… Il n’a pas attendu la réponse…
- Suivez-moi !
Et il est reparti à grandes enjambées sans se retourner une seule fois pour vérifier qu’on lui obéissait bien… On a remonté des allées à toute allure, franchi une porte à double battant, avalé un couloir, gravi un escalier… On est entrés dans un dortoir…
- Monsieur Tixier…
C’était un tout jeune homme, d’une vingtaine d’années à peine, qui nous a capturées dans son regard, un regard gris acier étonnamment froid, qui nous y a gardées…
- Monsieur Tixier… Ces deux-là en prenaient à leur aise dans le parc… Faites en sorte que cela ne se reproduise pas… Ayez-les tout particulièrement à l’œil… Ce sont, à l’évidence, de fortes têtes qu’il faudra très rapidement mater…
- Vous pouvez compter sur moi, monsieur Ménisson… Je vais m’occuper d’elles…

Il nous a indiqué notre box…
- Le dernier à droite… Tout au fond…
Les deux meilleures places, celles près de la fenêtre, étaient déjà prises. L’une par une toute jeune fille qui est restée silencieusement assise sur son lit et l’autre par une femme à peu près dans nos âges qui s’est précipitée à notre rencontre… Qui nous a fait à tour de rôle la bise…
- Salut !… Moi, c’est Trianne… Et vous ?
- Cynthia…
- Raphaëlle…
- Vous allez vous plaire, vous verrez… A condition d’apprécier la fessée, évidemment… Mais enfin si vous êtes là je suppose que…
Elle a ri…
- Vous serez pas déçues… Ils savent y faire… Ils savent vraiment y faire… Tout est calculé, pensé… Rien – absolument rien – n’est laissé au hasard…
- Vous êtes déjà venue, vous ?
- Depuis les tout débuts il y a huit ans… Mais on peut se tutoyer, non ?… Ce serait mieux…
- C’est qui ce monsieur Tixier ?…
- Le surveillant du dortoir…
- Mais c’est un homme !…
- Ben oui… Oui… Evidemment… C’est fait exprès… Et les types c’est une nana – une jeune aussi – qui surveille leur dortoir…
- Et l’autre, c’est qui ?
- Ménisson ?… Il fait office de surveillant général… On peut dire ça comme ça… Lui, vous avez pas intérêt à lui tomber entre les pattes… Parce qu’il vous ménagera pas…

Monsieur Tixier a écarté le rideau…
- Pernelle… Chez le directeur… Tout de suite… Il t’attend…
La fille a sauté du lit, s’est précipitée dans le couloir, eloignée à grands pas claqués sur le parquet…
- J’en étais sûre… Ca, j’en étais sûre… Oh, elle sait bien mener sa barque, va, cette petite garce…
- Qu’est-ce qu’il lui veut ?…
- Il lui veut… Il lui veut qu’il va la nommer chef de box… Voilà ce qu’il lui veut… De toute façon c’était couru… Un an qu’elle fait des pieds et des mains pour ça…
- C’est quoi « chef de box » ?…
- Ben, c’est celle qu’est responsable des autres… Qui doit se débrouiller pour que tout se passe bien… Qu’il y ait pas de complications… Pas d’histoires…
- Elle a aussi le droit de nous mettre la fessée ?
- En principe non… Mais t’as intérêt à lui obéir parce qu’elle peut t’en faire avoir… Et des sévères… Si elle a à se plaindre de toi on va pas chercher à comprendre au-dessus on va automatiquement lui donner raison…
- Non, mais attends, elle a quel âge ?
- 21, je crois… Ou 22…
- C’est une gamine !… On va quand même pas obéir à une gamine !…
- Si vous voulez pas, vous pouvez partir… Personne vous retiendra… Mais si vous restez…

Elle est revenue métamorphosée… Sans un mot elle a ouvert nos placards. Celui de Cynthia elle l’a vidé. Complètement. Elle en a jeté tout le contenu par terre…
- Ca se range un placard… Comme il faut…
Cynthia n’a pas protesté. Elle s’est baissée. Elle a ramassé. Elle a rangé…

Les autres filles on a fait leur connaissance, à sept heures, au réfectoire. Seize on est en tout, en comptant les chefs de box qui se sont installées, d’autorité, en bout de table et nous ont assigné des places avec interdiction absolue d’en changer. Qui en ont aussi désigné deux, au hasard, pour faire le service. La fille assise juste en face de moi – Noémie elle s’appelle – m’a aussitôt fait discrètement remarquer, d’un air entendu, que j’avais de la chance…
- De la chance ?… Pourquoi de la chance ?
- Parce que tu vas avoir une vue imprenable sur la table des garçons, tiens !
Les garçons qui sont entrés, quelques instants plus tard, dans un grand brouhaha. Elle s’est retournée. Ses voisines aussi. Toute la rangée. Au bout ça a tapé sèchement sur la table…
- On regarde devant soi…
Elles ont obéi, l’une après l’autre, à contre-cœur...
- Ils sont comment ?… Raconte !… Il y en a des mignons ?…
- Quelques-uns, oui…
- Beaucoup ?…
- Trois quatre… Je sais pas… Il y en a plein qui sont de dos n’importe comment…
Elle a baissé la voix…
- C’est pour eux que je suis venue, moi !… Parce que ma meilleure amie elle s’en est trouvé un ici l’année dernière… Et ils sont toujours ensemble… Et ça se passe super bien… Alors !… Pourquoi pas, hein ?… Qui ne tente rien n’a rien… A condition de pas se faire prendre… Parce qu’une histoire avec un garçon c’est la porte en direct il paraît…

- Bon, allez !… Vous vous couchez…
- Déjà !… Mais il est même pas neuf heures !…
- Moi, je suis fatiguée… Alors vous vous couchez, j’ai dit…
Et Pernelle ne s’est plus occupée de nous. Elle s’est déshabillée et elle a éteint…





2ème JOUR


C’est monsieur Tixier qui nous a réveillées, à cinq heures, en tapant des mains dans le couloir…
- Allez, debout, les filles !… Debout !… A la douche…
Il a brusquement écarté le rideau…
- Et on se dépêche…
On a dérivé au radar jusqu’à une grande salle collective avec toutes les douches alignées le long du mur, sans la moindre séparation entre elles, et un banc en face pour y déposer ses affaires. Monsieur Tixier nous a regardées y aller, les unes après les autres, sauf une, une petite brune qui s’y est catégoriquement refusée malgré les objurgations insistantes de sa chef de box… Il s’est approché d’elle…
- Tu tiens vraiment à être la première à recevoir la fessée devant tout le monde ?
Elle s’est obstinée…
- A moins que tu préfères que je t’envoie te laver avec les hommes… Pour te guérir définitivement de ces pudeurs ridicules… Oui, c’est probablement ce que je vais faire… Elle n’a pas répondu, mais elle a précipitamment retiré – il y en a qui ont ri – sa veste et sa culotte de pyjama et elle nous a rejointes. Tout le temps qu’elle est restée sous la douche il ne l’a pas quittée des yeux. Quand elle a voulu en sortir il l’a arrêtée…
- T’y es allée après tout le monde… T’y resteras après tout le monde… Jusqu’à ce que je te donne l’autorisation d’aller rejoindre tes camarades…
Quand on est descendues au réfectoire, pour le petit déjeuner, elle était encore là-bas…

- Je serai donc votre professeur principal… Et votre professeur de Français…
Il a une quarantaine d’années. Athlétique. Tout bronzé. Un mélange subtil de force et de douceur. Le genre de type dont tu te dis qu’il va te falloir faire preuve d’une volonté surhumaine pour ne pas en tomber amoureuse. Parce qu’il n’est pas pour toi. Pas la peine de te raconter des histoires. Mais le genre de type dont tu vas quand même tomber amoureuse – dont on va toutes tomber amoureuses – parce que c’est impossible de s’en empêcher…
- Bon… Alors vous connaissez la musique… Vous commencez par me remplir une petite fiche avec vos nom, prénom, date de naissance, etc… Et vous n’oubliez pas d’indiquer, avec précision, les motifs pour lesquels vous avez décidé de vous inscrire à ce stage…
Il a déambulé entre les tables, lu par-dessus les épaules…
- Bien… C’est terminé ?… Alors quelqu’un ramasse… Tenez, vous, Mademoiselle…
Noémie ne se l’est pas fait dire deux fois…

Il s’est assis au bureau et il a pris tout son temps pour examiner nos fiches. Une à une. En détail. Dans le plus complet des silences… Et puis il les a repoussées loin de lui avec un soupir profondément attristé…
- Vous devriez avoir honte… Honte !… C’est un ramassis de fautes d’orthographe toutes plus affligeantes les unes que les autres… Des fautes que la grande majorité des enfants de douze ans ne commettent plus depuis longtemps… Non, mais est-ce que vous vous rendez seulement compte ?… Vous êtes, pour la plupart d’entre vous, commerçantes, infirmières, voire même secrétaires… Est-ce que vous avez conscience de l’image déplorable que vous donnez de vous-mêmes lorsque vous êtes amenées à rédiger une lettre, un rapport ou quelque document que ce soit… Vous n’êtes pas crédibles. Vous vous déconsidérez. Toutes seules. Comme des grandes. Si encore il ne s’agissait que de quelques fautes d’usage sans conséquence on pourrait ne pas vous en tenir trop rigueur, mais ce sont des fautes d’accord élémentaires et d’autant plus inacceptables qu’il suffit, pour les éviter, d’appliquer des règles d’une simplicité enfantine. Encore faut-il les connaître. Encore faut-il les avoir apprises. Ce qui n’est manifestement pas votre cas. Nous allons donc tout devoir reprendre depuis le début… Le B-A BA… Et je vous engage à faire toutes preuve, dès à présent, de la plus extrême attention si vous ne voulez pas avoir à le regretter amèrement…
Il est allé au tableau. On a consciencieusement pris des notes…

On n’a cours que le matin. L’après-midi il y a ce qu’ils appellent les « travaux ». Au dessert Monsieur Ménisson est venu nous lire, d’un ton cérémonieux, une liste d’attribution. Il y en a qui sont chargés d’aller faire le ménage au dortoir ou en classe. D’autres de s’occuper, sous la responsabilité du jardinier, de l’entretien du parc et des extérieurs. A certains – dont Trianne et Cynthia – on a confié des travaux administratifs. Elles ont bien l’intention – elles ne s’en cachent pas – de se la couler douce. Pour ma part je m’en sors, je crois, pas trop mal : mon rôle va consister à prêter main-forte au chef-cuisinier et à ses deux assistantes – deux jeunes filles d’une vingtaine d’années – en compagnie d’un autre pensionnaire, un dénommé Basile, un garçon timide et effacé, auquel je n’avais pas, jusque là, prêté la moindre attention… Et auquel – le chef a beaucoup insisté là-dessus – je devrai continuer à ne pas prêter la moindre attention… Comme s’il pouvait me venir à l’idée d’envisager quoi que ce soit avec ce type !…

Il y a eu de grands fous rires étouffés, vers une heure du matin, dans le box d’à côté. Et une voix qui s’efforçait en vain de les faire cesser. Pernelle a crié...
- Oh, ça suffit maintenant !… Vous l’arrêtez votre bordel…
Ca s’est calmé. Ca s’est tu. Ca a repris. En sourdine d’abord. Avec hésitation. Avec de plus en plus d’assurance. Ca s’est élancé. Affirmé. Pernelle s’est levée, y est allée…
- Appelle Tixier si t’es pas capable de les tenir… Je vais le chercher…
- Non… Attends, non !
Des pas décidés dans le couloir. Et la voix de monsieur Tixier…
- Qui ?… Laquelle ?…
- Celle-là… Ca a claqué presque aussitôt. D’emblée à plein régime. La fille n’a pas protesté ni pleuré ni crié. Ca s’est arrêté d’un coup…
- Et vous, Laetitia, tâchez de faire preuve d’un peu plus d’autorité… C’est la première et la dernière fois qu’on me dérange pour venir rétablir l’ordre… Si ça devait se reproduire je vous en tiendrais pour personnellement responsable et vous auriez à en supporter les conséquences… Suis-je bien clair ?
Et ses pas se sont tranquillement éloignés dans le couloir…
- Salope !… Tu me le paieras…
Pernelle a silencieusement éclaté de rire…
- Mais oui, ma belle !… C’est ça… C’est ça…
Et elle est revenue se coucher…

A côté la fille reniflait à petits coups. Le lit de Pernelle a bougé. Elle a respiré plus vite. Plus profond. Quand c’est venu elle a voulu l’enfouir dans l’oreiller. Elle n’a pas pu. Pas tout à fait. Pas complètement…





3ème JOUR


Il s’est adossé au bureau…
- Bien… Je suppose que les accords du participe passé n’ont maintenant plus de secrets pour vous… Que ce soit avec le verbe ETRE ou avec le verbe AVOIR…
- Non, M’sieur !…
- Parfait !… On va vérifier ça tout de suite… Vous prenez une feuille… Dictée… Pour cette fois seules les fautes en relation avec ces accords seront prises en compte… J’ose espérer qu’il n’y en aura pas… Du moins dans les copies de celles qui ont sérieusement travaillé et ont fait preuve d’attention et de bonne volonté… Quant aux autres, les distraites et les paresseuses, elles n’échapperont pas à la punition exemplaire dont vous admettrez avec moi qu’elle aura été parfaitement méritée…
On a toutes baissé la tête. Il a commencé à dicter. Les plumes ont crissé sur le papier…

Dans la cour, à la récré, après, on s’est presque toutes regroupées sous le platane à côté du préau…
- Vous avez su, vous ?
- Moi, oui, à peu près, je pense…
- Moi aussi…
- Moi, j’ai tout mélangé à la fin… Mais alors ce qui s’appelle tout…
- Tu vas te ramasser une fessée, c’est couru…
- Vous croyez qu’il va vraiment le faire ?…
- Ben ça !… On savait à quoi s’en tenir en venant ici, non ?
- Il tape fort ?
- On peut pas savoir… Il est nouveau de cette année…
- Moi, je dis que ça doit pas être désagréable du tout avec lui… Beau gosse comme il est…
- Ca donne envie de faire des fautes exprès…
- Oui, ben pas moi alors là !… J’ai pas envie qu’il me prenne pour la dernière des dindes… J’aurais bien trop honte…
- On a quoi après ?… - Histoire… Avec la mère Petitbois…
- Oh, ben alors là ça va être une autre paire de manches…
Noémie m’a fait signe…
- Tu peux venir voir deux minutes ?…

- Quoi ?… Qu’est-ce qu’il y a ?
- Tu crois que je peux aller lui parler ?
- A qui ?
- Au type là-bas avec le polo vert…
- Ben… Personne le fait pour le moment d’aller leur parler aux garçons…
- On n’a pas le droit ?
- C’est pas formellement interdit, mais à mon avis vaut mieux éviter… Surtout comme ça, dès le début, à peine arrivée… Parce que c’est un sujet sur lequel ils sont très à cheval si j’ai bien compris… On va te cataloguer… Tu seras dans le collimateur et tu pourras plus bouger le petit doigt… Attends un peu… Que ça se fasse naturellement… Ou qu’il y en ait d’autres qui aient commencé…
- Ce qu’il est beau !… Non, mais ce qu’il est beau !… Tu sais quoi ?… Jamais j’ai été amoureuse comme ça…
- Oui, ben du calme… Du calme… Tu le connais pas… Tu sais rien de lui… Si ça tombe il est con comme une valise sans poignée…
- Alors ça, ça m’étonnerait… Je l’aurais senti… Je les sens toujours ces choses-là…

La fille derrière a susurré… - Hé !… Psst !… C’est la mère Mac Miche cette prof d’Histoire… On s’est réfugiées toutes les deux, Cynthia et moi, d’un même mouvement derrière nos bras repliés pour éclater de rire…
- Mesdemoiselles !… Oui, c’est à vous que je m’adresse… On peut savoir ce qu’il y a de si drôle ?… Que tout le monde en profite… Eh bien ?… On attend… Alors !?
- Non, mais rien, M’dame !… Rien…
- Alors comme ça vous riez sans savoir pourquoi ?… Vous me prenez pour une imbécile ?
- Oh non, M’dame !…
Et le fou rire nous a rattrapées de plus belle…
- Bon… On a décidé d’amuser la galerie à ce que je vois… Mais j’en ai maté de beaucoup plus coriaces que vous, vous savez… Vous n’aurez pas le dernier mot avec moi… Venez ici !… Toutes les deux… Montez sur l’estrade… Là… Tournez-vous !… Dos à la classe… Relevez vos robes… Allez !… Ne m’obligez pas à répéter… J’ai horreur de ça… Plus haut !… J’ai dit : « Plus haut ! »…
Elle l’a fait, sèchement, par surprise : la culotte baissée d’un coup, à mi-cuisses. J’ai laissé échapper un cri. Cynthia a laissé retomber sa robe qu’elle a vite relevée, d’elle-même, un peu plus haut qu’avant encore. La mère Mac Miche est allée décrocher de son clou, près du tableau, la grande règle de bois plate. Elle est revenue derrière nous. Elle me l’a passée lentement sur les fesses. Tout du long. Dans la raie entre les fesses. Sur tout le pourtour. En prenant bien son temps…
- T’y as déjà goûté à ça ?… Non ?… Tu vas voir… C’est très… Comment dire ?… Convaincant… Ca te vous fait passer l’envie de se faire remarquer en deux temps trois mouvements… Tu vas m’en dire des nouvelles… Là… Tu es prête ?
Je me suis crispée dans l’attente du premier coup. Qu’elle a fait indéfiniment attendre. Qui n’est pas venu...
- Non… Finalement on va commencer par l’autre plutôt… Je n’aime pas du tout ce petit air de se ficher du monde qu’elle arbore en permanence… On va te le rabattre ton caquet, petite mijorée… Quand tu te seras époumonée dix minutes en gigotant du popotin tout ton saoul je peux t’assurer que tu feras moins la fière…
Elle lui a longtemps promené la règle sur le derrière comme à moi et puis, sans que rien puisse le laisser prévoir elle l’a brusquement jetée au pied du bureau…
- Reculottez-vous !… Et retournez vous asseoir…
On n’a pas demandé notre reste…
- Pour cette fois ça n’ira pas plus loin… Pour cette fois… C’était juste un échantillon de ce qui vous attend – toutes – si j’ai quoi que ce soit à vous reprocher… Que vous ne puissiez pas dire que je vous ai prises en traître… Vous savez désormais à quoi vous en tenir et vous voudrez bien noter que je me montrerai dorénavant inflexible... Des questions ?… Non ?… Tout est clair ?… Pour tout le monde ?… Parfait… Alors maintenant au travail…

Les deux assistantes du cuisinier, 19 et 23 ans, – qui sont employées et non pas pensionnaires – ont passé l’après-midi à nous interroger Basile et moi dans la réserve – que le chef nous avait demandé de remettre en ordre – en échangeant des regards entendus et des sourires complices…
- C’est vrai ce qu’on dit ?
- Qu’est-ce qu’on dit ?
- Que vous êtes tous des repris de justice là-dedans… Qu’on vous a laissé sortir de prison uniquement parce que vous avez accepté de venir travailler ici et d’être fouettés quand les chefs sont pas contents de vous…
- Jamais de la vie !…
Et il a fallu expliquer – tenté d’expliquer – qu’on n’avait assassiné ni volé personne, qu’on était toutes et tous volontaires et que…
- On vous croit pas !… A moins d’être cinglé personne peut accepter d’être battu exprès… Surtout à votre âge… Parce que quel âge vous avez tous les deux ?… Au moins 40 ans !… Si c’est pas plus…







4ème JOUR


- Ca fait mal une fessée ?…
C’était Noëlle. Une jolie petite blonde effacée qui rougit pour un rien et qui, à la récréation, va s’asseoir toute seule à l’écart sur le petit muret en contrebas… Elle avait profité de ce que je m’étais un peu attardée après le petit déjeuner pour m’attendre à la sortie du réfectoire …
- Hein ?… Ca fait mal ?…
- Ca dépend… Ca dépend comment elle est donnée… Mais pourquoi tu me demandes ça ?
- Parce que je vais en avoir une demain en Français… C’est couru : j’ai fait plein de fautes à la dictée…
- Exprès ?
- Oh non, non !… J’ai rien compris… Mais ce qui s’appelle rien… Ces trucs-là ça a toujours été du chinois pour moi… Même avant…
- T’en as jamais eu que tu demandes si ça fait mal ?…
- Jamais, non…
- Pourquoi t’es venue ici alors ?
- A cause de ma sœur… Elle y était il y a deux ans et ça l’a drôlement dégourdie… Parce que avant !… Fallait voir ça !… Elle avait peur de tout et de tout le monde… Elle restait enfermée dans sa chambre des semaines entières sans en sortir… Elle avait pas d’amis… Elle pleurait sans arrêt… Maintenant ça n’a plus rien à voir… Elle a un petit copain… Elle bosse… Elle est toujours par monts et par vaux… Elle rigole tout le temps… C’est la fessée qui lui a fait ça… Alors si pour moi ça pouvait faire pareil… Même que ça me fasse mal finalement ça n’a pas beaucoup d’importance… Pourvu que ça réussisse…

Quand on est sorties du cours de Maths, dehors, en récré, on est restées un long moment silencieuses. Et puis il y en a une qui a éclaté de rire…
- C’est quoi, ce guignol ?
- Pour être bizarre il est bizarre…
- Vous avez vu ?… Pas un mot sur la fessée… Rien… Comme si il en avait pas entendu parler… Comme si il savait pas que dans cette école…
- Oui… Il a fait son cours… Point barre…
- Un cours hyperchiant en plus…
- Peut-être que personne lui a dit…
- Tu parles !… Tu penses bien que le directeur il recrute pas n’importe qui… Il faut que ceux qui viennent ils acceptent les conditions… Il les prend pas sinon…
- Peut-être qu’il a fait semblant d’être d’accord et qu’il y a que la paye qui l’intéresse…
- Moi, je crois plutôt qu’il cache bien son jeu… Et que ça nous descendra dessus au moment où on s’y attendra le moins…
- Et si ça tombe il sera bien pire que les autres finalement…
- Ce que ça peut être agaçant de pas savoir…
- C’est fait exprès… Pour nous mettre la pression… Vous comprenez pas ça ?…

En bas, Basile et moi on se tape tout le boulot. Parce que les deux filles le chef cuistot leur dit absolument rien. Il les laisse faire tout ce qu’elles veulent. Elles ont pratiquement passé l’après-midi assises sur des cartons à rire et à discuter. Et à se moquer ouvertement de nous qu’elles appellent les repris de justice. Dont elles décrivent, avec force détails scabreux, les crimes imaginaires. Il rit avec elles en les regardant, l’œil allumé, se dandiner lascivement dans leurs petits jeans moulants…
- Mais alors vous avez le droit de les punir ces deux-là ?
- Oui, oui, bien sûr…
- Pourquoi vous le faites pas ?
- Faudrait un motif… On peut pas punir sans motif…
- Il y en a pas besoin, tu parles !… Ou il y en a douze mille si on veut… Qu’ils travaillent pas assez vite… Ou qu’ils vous regardent de travers… Vous pouvez bien inventer ce que vous voulez… C’est vous le chef…
- On verra…
- Oh, M’sieur Fournier, s’il vous plaît !… Vous pouvez bien… Allez, quoi !
- Pas aujourd’hui…
- Quand ?
- Bientôt…
- C’est promis, hein ?… Promis-juré ?… Tous les deux ?
- Non… Un seul pour commencer…
- Lequel ?
- Lequel vous voulez ?
- Oh, lui, lui !
- Oh oui, lui, parce que…
Elles se sont chuchoté quelque chose à l’oreille, ont pouffé…
- Ce sera quand ?
- Vous verrez bien…
- Bientôt, hein !… Vous avez promis…

Les repas en face de Noémie c’est devenu une véritable épreuve. Parce qu’elle arrête pas…
- Qu’est-ce qu’il fait ?
- Il mange… Qu’est-ce que tu veux qu’il fasse d’autre ?
- Il parle avec les autres ?
- Un peu… Pas beaucoup…
- Et nous ?… Il regarde vers nous ?
- De temps en temps… Sans plus…
- Tu crois qu’il m’a remarquée ?… Qu’il fait attention à moi ?
- Franchement ça donne pas vraiment cette impression…
- Oui… Non… Faut que je lui parle… Faut vraiment que je trouve un moyen de lui parler…





5ème JOUR


Il s’est avancé dans l’allée et il a rendu les copies. En commençant par les meilleures et en descendant. Pernelle et Noémie ont eu seize. A moi il m’avait mis quatorze…
- Il reste quand même encore un certain nombre de fautes inadmissibles…
A Trianne tout juste la moyenne. En dessous il ne restait que trois copies. Un huit. Un sept. Et puis…
- Noëlle !… Viens voir là !…
Elle a obéi, s’est arrêtée, tête basse, au pied de l’estrade. Il lui a brandi sa copie sous le nez…
- Qu’est-ce que c’est que ça ?… Tu peux m’expliquer ?… Est-ce que tu peux m’expliquer ?
Elle s’est mise à pleurer silencieusement …
- Oh, arrête ce petit jeu !… Si tu comptes m’apitoyer avec ça… Tu ne fais qu’aggraver ton cas… Et tu es déjà dans une posture suffisamment fâcheuse pour ne pas chercher à en rajouter… Parce que les petites paresseuses dans ton genre…
- Mais j’ai travaillé !…
- A qui tu veux faire croire ça ?… Et menteuse en plus !…
- Mais c’est vrai !…
- Bon, allez !… Assez perdu de temps avec toutes ces simagrées…
Il l’a fermement agrippée par le coude. Il a tiré sa chaise jusqu’au milieu de l’estrade. Il y a posé le pied et il l’a fait basculer en équilibre sur sa cuisse, solidement maintenue avec son bras passé sous le ventre. Il a relevé la robe au-dessus de la taille, sèchement baissé la culotte qu’il a laissé dégringoler, qui est piteusement restée accrochée à l’une des deux chevilles. Qui y a pendouillé lamentablement…
- Au moins tu vas pleurer pour quelque chose…
Et il l’a fessée. Calmement. Tranquillement. A grandes claques largement espacées. Retentissantes. Une fois une fesse une fois l’autre. Ca a rougi très vite. Noëlle a battu des jambes dans tous les sens. De plus en plus fort. De plus en plus vite. La culotte a fini de tomber. Elle a crié. Elle s’est égosillée. Il s’est montré sans pitié.
Quand il a enfin arrêté, qu’il l’a reposée par terre elle a voulu regagner sa place en toute hâte. Il l’a arrêtée…
- Non, non !… Tu vas au coin… Là-bas… Allez, dépêche-toi !… Et relève ta robe… Bien haut !… Que tout le monde voie ce qui arrive aux grandes filles paresseuses…


Le chef-cuistot a envoyé Basile nettoyer les poubelles à grande eau en bas et nous a chargées, nous, pendant ce temps-là, de procéder à l’épluchage d’un monceau de pommes de terre. Elles en ont épluché trois ou quatre et puis elles ont posé leurs couteaux…
- On va voir ce qu’il fait, l’autre ?
A la fenêtre. Qu’elles ont ouverte à deux battants…
- Et tu bosses comme il faut, hein !… Sinon panpan cucul…
Elles se sont esclaffées. D’un rire délibérément offensant. Sont revenues…
- C’est quand alors que vous allez lui faire ?
- Le moment venu…
- Ca veut rien dire, ça… Quand ?…
- Je vous l’ai dit : bientôt…
- A cul nu ?
- Evidemment à cul nu… Evidemment…
- Cool !…
- Vous comptez quand même pas vous rincer l’œil ?
- Ben tiens !… On va se gêner… Vous, les types, vous ratez jamais une occasion quand il s’agit de mater… Pourquoi nous on ferait pas pareil ?…
L’autre a surenchéri…
- Oui… Surtout que comment ça doit être trop marrant de voir le derrière gigoter tout rouge !
- Et les boules ballotter dans tous les sens entre les fesses…
- Qu’est-ce qu’on va s’amuser !… Pas vous, M’sieur Fournier ?
Il s’est contenté de sourire en les couvant d’un œil attendri…
- Ben non !… Pas lui… Forcément… Il s’en fout de voir le cul d’un mec… Ca l’intéresse pas… Mais si c’était une femme…
- Oh, mais on en a une sous la main là si on veut… On peut lui faire, nous !… Ca vous plairait ? Toutes les deux on s’y mettrait à la tambouriner… Et vous vous regarderiez… Tant que vous voulez… Hein ?… Qu’est-ce que vous en dites ?… Ca vous tente ?
Il n’a pas répondu. Il m’a regardée. Il a continué à sourire…
- Mais si qu’il a envie… Ca se voit bien…


Trianne a profité de ce que Pernelle s’était absentée quelques instants du box pour nous mettre en garde…
- Moi, je vous dis le comme ça, mais faites attention, les filles, hein !
- Attention ?… Attention à quoi ?
- Il y a eu une fessée aujourd’hui et quand il y a eu fessée il y a systématiquement contrôle le soir…
- Contrôle ?!… Mais contrôle de quoi ?
- Ben… Il y en a certaines, quand elles y repensent dans leur lit après, ça leur donne des envies…
- Ah oui, je vois… Mais qui c’est qui contrôle ?
- Ca dépend… Des fois c’est Pernelle…
- Pernelle ?!… Mais elle se le fait aussi… Je l’ai entendue l’autre jour…
- Ben oui, oui, mais elle est chef de box… Sinon c’est Tixier…
- Tixier !… Il va pas sous les draps quand même !
- Bien sûr que si !…
- Et il se passe quoi si on est en train de…?
- Devinez !…
- Ah oui !… Oui… Evidemment…
Pernelle est revenue. On s’est tues…

Elle a commencé par Trianne. Et puis, dans l’obscurité, elle s’est approchée de mon lit. Elle a résolument tiré les couvertures. D’instinct j’ai voulu me protéger, les mains ramenées sur le bas-ventre. Elle les a sèchement écartées, a plongé dans la culotte de pyjama…
- T’étais sage ?… Oui… Ca a l’air… Mais ça va peut-être pas durer…
Elle s’est attardée à l’intérieur. J’ai voulu me dégager. Elle m’a vigoureusement repoussée…
- C’est moi qui décide…
Elle s’est faite précise. Intrusive. Elle a ri…
- Ca y est !… Tu mouilles… Et pas qu’un peu… Eh ben dis donc !… Il t’en faut pas beaucoup à toi !… Mais tu sais que c’est pas bien du tout ?… Que si je t’emmenais chez Tixier tu y aurais droit… Et qu’il ferait pas semblant… Tu piaulerais à en ameuter tout le dortoir… Ca t’arrivera… Mais pas ce soir… J’ai d’autres projets pour toi… Je te garde pour la bonne bouche… Ce soir tu peux continuer à t’amuser toute seule si tu veux… Tant que tu veux…





6ème JOUR


C’était une toute petite femme d’une soixantaine d’années, au teint mat, à la peau parcheminée, aux cheveux d’un noir intense qui nous a fait mettre en rang dans la cour et a attendu que tout le monde se soit tu pour nous donner l’ordre de monter. Qui, là-haut, en classe, nous a laissées longtemps debout à côté de nos pupitres avant de nous autoriser à nous asseoir…
- Bien… Alors on va jouer franc jeu... Histoire de mettre tout le monde à l’aise… Mon rôle ici consiste à vous donner des cours d’Anglais… Et à vous sanctionner en fonction des résultats que vous obtenez ou… n’obtenez pas… Soyons clairs : je me fiche éperdûment de vos résultats. Ou plutôt il n’y aura strictement aucun rapport entre les notes que je vous attribuerai et la valeur de votre travail… Je serai résolument et odieusement injuste… Pourquoi ?… Si j’ai accepté de venir passer ici un mois de mes vacances vous vous doutez bien que ce n’est pas pour la maigre compensation financière qu’on va me consentir... Non… C’est parce qu’on m’a assuré que j’aurais carte blanche pour administrer toutes les fessées que je voudrais comme je voudrais et à qui je voudrais… Je compte bien user et abuser de ce passe-droit… Avant tout pour mon plaisir et ma satisfaction à moi… Je me fiche complètement de vos états d’âme et des raisons qui ont amené les unes et les autres à vouloir venir séjourner ici… Ce qui m’intéresse c’est qu’il y a parmi vous cinq ou six petits minois que j’ai très envie de voir grimacer et se distordre pendant qu’on les fesse… Alors… oui… bien sûr… les apparences seront sauves : vous aurez des notes… celles qui justifieront mes préférences et mes choix…

Dans la cour quatre ou cinq garçons sont venus à notre rencontre en arborant de grands sourires…
- Alors ça y est ?!… Vous avez fait la connaissance de « Doigts de fée » ?… Elle a pas fini de vous en faire voir… Celles du moins qu’elle aura dans le collimateur… Parce qu’elle a ses têtes… Et pas qu’un peu…
- Et à vous elle vous en fait pas voir ?
- Oh, nous !… On l’intéresse pas, nous… On n’est pas des filles…
Noémie s’est insensiblement rapprochée de « polo vert », s’est légèrement appuyée de l’épaule, comme par mégarde, contre lui…
- Livon, en Maths, par contre, vous avez rien à craindre… Lui, c’est le contraire… Mesnier en sait quelque chose…
- Oui, bon, ben ça va… Ca va…
- Qu’est-ce qu’il y a eu ?…
- Il y a eu qu’il s’en est pris trois en une heure…
- Et des carabinées…
- Vous êtes beaucoup à en avoir reçu depuis le début ?
- Quatre… Non… Cinq en tout… Et vous ?
- En classe, nous, il y a eu que Noëlle…
- Qui c’est Noëlle ?
On la leur a toutes indiquée en chœur d’un même mouvement du menton… Tous leurs regards ont convergé vers elle qui les a bravement soutenus…
- Ben oui, c’est moi…
Du fin fond de la cour a surgi monsieur Ménisson qui a marché droit sur nous à grandes enjambées…
- Heu… Vaudrait mieux qu’on…
- On parlera demain n’importe comment… C’est samedi…

Le vendredi après-midi c’est leur jour de congé aux deux filles, en cuisine, mais elles ont été dix fois plus présentes encore que lorsqu’elles sont effectivement là. Parce que le chef-cuistot n’a pas arrêté de parler d’elles et de chanter leurs louanges…
- Deux petits bouts de femme adorables… Et qui n’hésitent pas à appeler un chat un chat… Ah, ils doivent pas s’ennuyer leurs petits amis… Parce qu’on peut pas dire : elles ont pas froid aux yeux… Si j’avais vingt ans de moins je peux vous dire que j’hésiterais pas une seule seconde et qu’elles y passeraient à la casserole… Toutes les deux… Parce que avec le cul qu’elles ont… Des occasions pareilles ça se laisse pas filer… Oh, mais même maintenant… Si je voulais vraiment… Surtout avec Mina… Suffirait de pas grand chose pour gagner le gros lot… Juste de la mettre en condition… Mais ça j’ai ma petite idée là-dessus… Et normalement dès lundi…
Il a sifflotté, tout guilleret, s’est arrêté d’un coup, absorbé dans ses pensées…
- Sauf qu’il y a quand même un truc qui me gêne… C’est comme ça avait l’air de les exciter, hier, l’idée de fesser une femme… Faudrait pas qu’elles soient du genre à se minoucher qu’entre elles et qu’au final ce soit moi le dindon de la farce… Non… Faudrait pas…
Il a disparu dans la réserve… Basile s’est penché à mon oreille…
- Il se fourre le doigt dans l’œil jusqu’au coude… Il l’aura jamais Mina…
- Mina, non… Mais l’autre – Adeline – je suis pas si sûre… Elle aurait des visées sur lui que ça m’étonnerait qu’à moitié…
- De toute façon qui c’est qui va trinquer ?…
- T’y vois un inconvénient ?
- Oh non !… Même si mes préférences personnelles iraient vers certains cas de figure plutôt que d’autres…
- Lesquels ?
Il a mis un doigt sur ses lèvres. Le chef-cuistot revenait de la réserve…

Au dortoir tout le monde courait dans tous les sens. Il y avait de grands éclats de rire. Des cavalcades effrénées. Les chefs de box ne disaient rien. On avait même l’impression qu’elles poussaient à la roue. En voyant mon air éberlué Cynthia a éclaté de rire…
- C’est le week end… Le réglement est entre parenthèses… Jusqu’à dimanche soir…
- On peut faire tout ce qu’on veut alors ?
- Tout… Pas vraiment… Il y a des limites… Ne serait-ce que celles que t’as intérêt à te donner à toi-même… Parce qu’on t’écoute… On t’observe… Et il y a beaucoup de choses qui risquent de te retomber sur le coin de la figure après si tu as dépassé les bornes… Sous une forme ou sous une autre…
Noémie a passé la tête…
- Qu’est-ce que vous faites, les filles ?… Restez pas là toutes seules… Venez avec nous… Comment on s’éclate là-bas !…





7ème JOUR


Au réveil j’étais seule, avec le soleil déjà haut dans le ciel. Les autres box aussi étaient vides. Plus personne. Nulle part. Pas un bruit. Sauf… Oui… Sauf… Du côté de la salle de bains… Comme un martèlement sourd, régulier. Je me suis approchée. J’ai collé l’oreille à la porte. Pas le moindre doute possible : quelqu’un là-dedans était en train de flanquer une fessée à quelqu’un d’autre. J’ai tout doucement entrebaîllé. Contorsionnée devant la glace, Noëlle se claquait allègrement le derrière. J’ai ouvert plus franchement. Les gonds ont bruyamment gémi. Elle a poussé un petit cri…
- Ah, c’est toi !… Ce que tu m’as fait peur !
- Il t’y a fait prendre goût le prof de Français on dirait… Et pas qu’un peu…
- Jamais j’aurais pensé que c’était comme ça… Aussi bien…
- T’y es allée de bon cœur, dis donc !… Tu t’es mise dans un état !… Mais dommage quand même qu’avec le nombre de gens susceptibles de mettre des fessées ici t’en sois réduite à te le faire toute seule…
- J’avais trop envie… Ca pressait… Et puis à qui tu veux aller demander un truc pareil ?
- Et les copines alors ?… A quoi elles te servent ?
Dans la glace nos regards se sont emparés l’un de l’autre. J’ai posé doucement ma main sur ses fesses brûlantes. Elle a frémi…
- Tu as encore envie ?
De la tête elle a fait signe que oui. Oui...
- Viens !
Dans son box. Je me suis assise sur le bord de son lit. Elle s’est allongée en travers de mes genoux...
- Vas-y !… Fort… Aussi fort que tu peux… N’aie pas peur de me faire mal !…
Et elle a mordu l’oreiller à pleines dents…

Elle s’est redressée sur mes genoux, y est restée assise, un bras passé autour de mon cou…
- Merci… C’était trop bon… Tu as aimé, toi ?… Tu as aimé me le faire ?
- Ca s’est pas senti ?
- Oh que si !… Et c’est encore dans tes yeux…
Elle a ri…
- Et pas que dans tes yeux !… Tu es trempée…
- Tu peux parler, toi !…
On s’est mutuellement goûtées du bout des doigts…
- C’est bon…
- Oh oui, que c’est bon…
- Et c’est jamais vraiment exactement pareil de l’une à l’autre…
- Tu sais, dès que je t’ai vue le premier jour j’ai eu envie que ce soit toi qui m’en donnes une de fessée… Et personne d’autre…
- Mais alors c’était pas vrai ce que tu m’as raconté en sortant de la cantine? Que t’en avais jamais eu ?
- Ben non… C’était pas vrai… Non… Fallait bien que je trouve quelque chose pour parler avec toi et que tu fasses attention à moi…
- Et la salle de bains tout-à-l’heure c’était aussi un coup monté ?
- Tu m’en veux ?
- Tu sais ce que tu mériterais ?
- Une fessée ?… Encore ?!… Si tu veux… Si t’as envie…
- C’est d’autre chose que j’ai envie…
Et nos lèvres se sont jointes…

Noëlle n’est pas descendue avec moi…
- Ce serait cousu de fil blanc… Je préfère rester encore un peu là de toute façon…
Tout le monde se promenait dans le parc, garçons et filles mélangés…
Du plus loin qu’elle m’a aperçue Noémie est venue à ma rencontre…
- Ben alors !?… Où t’étais passée ?… Je t’attendais, moi !… Tu dormais ?… C’est vrai ?… Tout ce temps-là ?… Ah oui à propos… il s’appelle Eric… Et il est kiné…
- Qui ça ?
- Elle demande qui !… Mais lui !… Il est là-bas… Près du petit pont… Avec deux copains… On y va ?…
On est passées. Ils ne nous ont pas accordé la moindre attention. Dans l’autre sens. Pas davantage. Une troisième fois. Quand on a été juste à leur hauteur elle a poussé un cri, s’est rattrapée à moi…
- Elle est foulée… Ma cheville… Je suis sûre qu’elle est foulée…
Ils se sont approchés…
- T’appuie pas dessus… On va te porter jusqu’au banc là-bas…
Sur lequel ils l’ont fait allonger avec précaution. Il y en a un qui lui a plié son pull sous la tête… Lui, il lui a délicatement ausculté la cheville…
- Ca te fait mal quand j’appuie là ?… Et là ?… Non ?… Ce sera rien… Pas grand chose… Demain matin il n’y paraîtra plus…
Il la lui a doucement massée…
- Mais comment t’as fait ton compte ?
- Je sais pas… J’ai dû glisser… J’ai senti que ça lâchait d’un coup…
- Bon… Nous, on va là-bas, Eric… Comme on avait dit… Tu nous rejoindras ?
Ils se sont éloignés dans l’allée. Je les ai imités. De l’autre côté…

C’est Trianne qui l’a proposé juste au moment où on allait se coucher…
- On est samedi… Et si on sortait ?
- On a le droit ?
- On a le droit, oui… A condition que la chef de box nous accompagne…
- Elle voudra jamais…
Elle a accepté tout de suite… C’est même elle qui a choisi la boîte…
- C’est la seule qui vaut le coup dans la région de toute façon…
On s’est difficilement frayé un chemin jusqu’à une table. Les deux filles des cuisines étaient là, accoudées au bar, cernées par toute une cour d’admirateurs vers lesquels elles se sont penchées. On nous a regardées avec insistance. On a souri. On a franchement ri…
- Qu’est-ce qu’ils ont ceux-là ?
J’ai expliqué en quelque mots. Pernelle s’est levée…
- Ah, c’est ça !…
Elle a marché droit sur les deux filles qui l’ont écoutée en baissant la tête… L’un des garçons lui a dit quelque chose. Elle l’a giflé. Elle est revenue…
- Vous venez ?… On va danser ?…





8ème JOUR


On avait prévu, Noëlle et moi, de s’attarder au lit, et de se retrouver, comme hier, dès que tout le monde serait descendu. Mais c’était compter sans Noémie qui est venue vérifier vingt fois si je dormais avant, n’y tenant plus, de finir par me secouer tant et plus…
- Tu te lèves ?… Faut que je te parle…
J’ai fait contre mauvaise fortune bon cœur. On a expédié le petit déjeuner toutes les deux dans une salle aux trois quarts vide…
- Vite !… Vite !… Il va m’attendre… Il va me chercher…
Et on est allé s’installer sur un banc à l’entrée du parc…
- Il est pas encore là… Il va pas tarder… Oui… Faut que je te dise… Ca y est tous les deux…
- Ca y est ?… Ca y est quoi ?… Vous avez couché ?…
- Oui… Bien sûr !… Oui… Mais c’est pas là l’essentiel… L’essentiel c’est cette entente, cette complicité qu’il y a entre nous… Jamais j’ai connu ça avant avec cette force… Cette intensité… On est vraiment faits l’un pour l’autre… Ca fait pas l’ombre d’un doute… Maintenant à moi de savoir mener ma barque… De pas trop le brusquer… Ils ont horreur de ça les hommes… Et si je m’y prends bien dans trois mois grand maximum…
- Fais attention quand même…
- Attention ?… Attention à quoi ?… Je suis quand même pas… Tiens, le voilà… Je te laisse… A tout-à-l’heure…

Je les ai regardé s’éloigner. Quelqu’un – un type – est venu s’asseoir à côté de moi sur le banc…
- Ils ont l’air bien amoureux ces deux-là…
- Ils ont l’air, oui… Ils auront au moins eu ça à défaut d’autre chose…
- Désabusée ?… Pas facile de trouver ce qu’on cherche, hein ?!
- Il faudrait d’abord chercher quelque chose… Ou savoir ce qu’on cherche…
- Même quand on sait c’est pas forcément simple… Pourquoi tu es venue ici ?
- J’ai pas voulu laisser ma copine toute seule…
- C’est une bonne raison… C’est peut-être pas la seule ?
- Et toi ?… Tu fais quoi ici ?
- La même chose que l’année dernière et que celles d’avant… La même chose – sans doute – que l’année prochaine… La même chose que tout le monde… Je reçois la fessée… Ou plutôt j’attends de la recevoir…
- Ca devrait bien finir par arriver…
- C’est arrivé… Deux fois déjà depuis lundi… Mais ça compte pas… Parce que c’était par des hommes… Pas par des femmes…
- Ca viendra… La prof d’Histoire…
- Peut-être… Ou la surveillante de dortoir… Ou Madame Ménisson… Mais je suis pas sûr d’y trouver mon compte… Parce que je les connais depuis le temps… Et on peut pas franchement dire qu’elles s’investissent à fond… Avec nous, les hommes, en tout cas… Tout se passe comme si elles se contentaient strictement de faire ce qu’elles ont l’air de considérer comme leur devoir… Et qu’elles n’y prenaient pas le moindre plaisir…
- C’est peut-être justement ce qu’on leur demande… Pour que ça ressemble, du plus près possible, à une punition… Parce que c’est ce que la plupart des pensionnaires viennent chercher ici…
- Pas moi. Au contraire : j’ai besoin de sentir que la femme qui me fesse en éprouve une satisfaction profonde. Une véritable jubilation. Un raz de marée intérieur. Trop intense pour que, même si elle le voulait, elle parvienne à le dissimuler…
- Qu’est-ce que tu reviens faire ici tous les ans alors si tu trouves pas ce que tu cherches ?
- On sait jamais… Il peut y avoir une nouvelle prof ou une nouvelle surveillante qui corresponde à mon attente…
- Pas si elles reçoivent des consignes dans l’autre sens…
- Ou une pensionnaire…
- Elles viennent pas pour en donner, les pensionnaires… Elles viennent pour en recevoir…
- Je sais… Je sais… Mais j’ai bien le droit de rêver un peu, non ?

Noëlle était toute excitée…
- Viens voir !… Faut que je te montre quelque chose…
On a traversé la cour déserte. Contourné le mur du préau. Emprunté un sentier qui serpentait à travers les genêts. Filé jusqu’à une petite construction en pierres dissimulée au cœur d’un bouquet d’arbrisseaux. Elle en a poussé fièrement la porte…
- Et voilà !… Qu’est-ce t’en penses ?… C’est bien, non ?… Ce sera notre endroit à nous si tu veux… Suffit de s’échapper discrètement, à tour de rôle, aux récrés et de se retrouver là… Si on s’y prend bien personne y verra que du feu… Ca te plaît ?
- Tu es adorable…
Elle s’est précipitée dans mes bras. Blottie contre moi. Ses yeux se sont embués…
- Fais-moi ce que tu veux… Tout ce que tu veux tu peux me faire… Tout ce que t’as envie…

- Non, mais faut pas se gêner !…
C’était Pernelle, les bras croisés dans l’embrasure de la porte…
- Apparemment on prend du bon temps ici… Oh, mais continuez, continuez !… Vous gênez pas pour moi… J’en ai vu d’autres, vous savez !… Non ?… Le cœur n’y est plus ?… A moins que ce soit la fatigue… Je peux peut-être te remplacer, Raphaëlle ?… C’est avec plaisir, tu sais… Parce qu’elle est vraiment bien foutue Noëlle… Tu as très bon goût… Déjà l’autre jour en Français j’avais pu constater que… Non, non, te rhabille pas, toi !… Tu restes comme ça… Qu’on en profite un peu !… Fais voir !… Tourne-toi !… Encore !… Viens dans la lumière… Ah oui !… Oui… Je comprends qu’elle ait craqué… Oh, mais faites pas cette tête-là, les filles !… On est entre nous… Ca sortira pas d’ici… Enfin peut-être… Je sais pas… Je vais réfléchir…
- Comment t’as su qu’on était là ?
- Ah ça, c’est mon secret… Mais mettez-vous bien dans la tête que je sais tout… Absolument tout si je veux… Vous pouvez rien me cacher… Bon, mais ça nous dit pas ce que je vais faire de vous… Parce que reconnaissez qu’en tant que chef de box je peux quand même pas laisser passer une chose pareille sans réagir… C’est ce que vous feriez à ma place… Non ?… Ah, vous voyez… Normalement, si on applique le règlement à la lettre, je suis dans l’obligation de vous dénoncer en haut lieu eu égard à la gravité de la faute commise... Et ça va vous valoir une bonne correction, vraisemblablement au réfectoire, devant filles et garçons réunis... Mais je ne suis pas obligée d’en arriver à cette extrémité… Du moins pas tout de suite… Non… Vous savez ce qui serait amusant ?… Pour moi en tout cas… C’est que je vous oblige à vous fesser l’une l’autre devant moi… C’est un spectacle que j’apprécierais tout particulièrement… A condition, évidemment, que vous y mettiez tout votre cœur… Et plus encore… Mais ça ce serait pas bien difficile à obtenir… J’aurais de sérieux arguments… Oui… Ca vaudrait vraiment le coup… Mais il doit y avoir moyen de trouver encore mieux… Beaucoup mieux… Et j’ai ma petite idée… Qui va faire tranquillement son chemin… En attendant je vais vous laisser sur le gril… Ca tombera quand vous serez à point… Quand vous ne vous y attendrez plus… Vous allez voir : on va bien s’amuser toutes les trois…





9ème JOUR


- Vous vous souvenez bien évidemment toutes de ce qui s’est passé jeudi dernier…
Il y a eu comme un murmure d’approbation…
- Qu’est-ce qui s’est passé ?
- Noëlle… Elle a reçu la fessée…
- En effet… Après avoir impudemment contesté, contre toute évidence, qu’elle soit méritée… Après avoir maladroitement et vainement tenté de m’apitoyer pour s’y soustraire… Mais vous, à sa place, vous y seriez prises comment pour l’éviter cette fessée ?… Quels arguments auriez-vous utilisés ?… Avec, à votre avis, quelles chances de succès ?… Qui veut répondre ?
Il y a eu quelques instants de flottement… Un silence qui s’est prolongé…
- Personne ?… Très bien… Alors on va procéder autrement… Devoir sur table… Vous prenez une feuille et vous imaginez que vous êtes à sa place… Que c’est vous que je menace d’une fessée devant toutes vos petites camarades… Vous réagissez comment ?… Allez !… Au travail !… Racontez… Et je vous engage à soigner tout particulièrement vos copies… Inutile de vous rappeler à quoi vous vous exposeriez dans le cas contraire…
Noëlle a levé la main…
- Et moi, M’sieur, qu’est-ce que je fais vu que c’est moi qui l’ai eue ?
- Tu nous racontes la prochaine… Elle pourrait bien ne pas tarder, qui sait ?

On s’est assises toutes les deux sur le petit muret en contrebas de la cour de récréation…
- Pourquoi il a dit ça qu’elle devrait pas tarder ?
- Sûrement parce qu’il a l’intention de t’en remettre bientôt une autre…
- Pourquoi moi ?… Il y en a plein d’autres des filles…
- Peut-être parce qu’il est fidèle en fessées…
- Non… Sérieusement…
- J’en sais rien, moi… Sans doute qu’il a tout particulièrement apprécié… Qu’il a aimé ta façon de gigoter… Qu’il trouve que t’as un cul à fessées… Ou bien qu’il a senti que t’adorais ça… Que ça l’excite…
On a échangé un baiser furtif…
- Tu vas quand même pas te plaindre qu’il ait envie de t’en flanquer une…
- Oh non, non, mais…
- Moi pas en tout cas: si ça doit te mettre dans le même état que la première fois…
Sa main a effleuré ma cuisse, s’y est posée. Installée…
- J’aime trop quand c’est toi qui la donnes, toi… Et puis surtout tout ce qu’il y a après… On le refera bientôt, hein ?!
Sa main s’est aventurée plus loin…
- Chut !… Si on nous voit…
Elle l’a précipitamment retirée…
- C’est con pour notre cabane là-bas derrière… Tu crois qu’on peut pas y aller quand même ?… Qu’est-ce qu’on risque ?… Une fessée de plus une fessée de moins…
- Vaut mieux se méfier avec Pernelle… Elle est capable de tout… Tordue comme elle est…

Du plus loin qu’elles m’ont aperçue les deux autres, là-bas, aux cuisines, elles se sont mises à hurler…
- Saloperie !… T’es qu’une saloperie !…
- Oui… Qu’est-ce t’es allé lui raconter à l’autre connasse l’autre soir en boîte ?
- Mais rien du tout…
- Menteuse !… Elle nous a collé la honte devant tous nos copains…
Mina est venue à ma rencontre. Elle a approché son visage tout près du mien. Collé son front contre le mien. Elle m’a poussée avec. A petits coups dessus. Obligée à reculer…
- Tu vas nous payer ça… Je te jure que tu vas nous payer ça… Cher… Très cher…
Le chef-cuistot a surgi de la réserve…
- Qu’est-ce qui se passe ici ?
- C’est elle , M’sieur !… Elle recommence…
- Elle recommence quoi ?
- Comme l’autre soir en boîte… A raconter des tas de trucs sur votre dos…
- Mais c’est pas vrai !
- Quels trucs ?
- Que vous nous courez après… Que vous essayez sans arrêt de nous coincer dans la réserve…
- J’ai jamais dit ça… Elle invente…
L’autre s’en est mêlée…
- Ah non, elle invente pas, non !… Je suis témoin… Toute une histoire ça a fait là-bas… Parce que Kevin il voulait savoir pourquoi Mina elle lui en avait jamais parlé à lui de tout ça… « Faut croire que t’y trouves ton compte, hein !?… Que ça te déplaît pas tant que ça… Il te saute… Je suis sûr qu’il te saute, ce salopard… Mais dis-le, pouffiasse !… Avoue-le qu’il te tringle !… »… Et, au final, il a dit qu’il viendrait vous attendre un soir pour vous casser la gueule… Et que ça devrait pas tarder…

Il s’est essuyé les mains à son grand tablier blanc et il a marché droit sur moi. J’ai reculé. Reculé encore. Acculée contre le mur. Il m’a empoignée sans un mot. Soulevée. Un interminable craquement. Ma robe. Déchirée sur toute sa longueur. Il l’a jetée derrière lui. Il m’a arraché ma culotte. Et c’est tombé. Dru. Intense. Devant Mina dont les yeux resplendissaient de bonheur. Devant Adeline qui cherchait ouvertement les miens. Devant Basile qui s’efforçait sans succès de les éviter. C’est tombé. A pleines fesses. A pleins cris. A jambes désespérément battues…

Ca s’est arrêté d’un coup. Il m’a lâchée. Je me suis affalée le long du mur.
- Et essaie de recommencer pour voir…
Il s’est éloigné vers la cuisine, les deux filles sur ses talons. Là-bas il y a eu de grands rires. Interminablement. Basile s’est approché, penché sur moi…
- Ca va ?…
J’ai cherché des yeux tout autour de moi…
- Ma culotte ?… Elle est passée où ma culotte ?
- C’est lui qui l’a… Il l’a mise dans sa poche quand il te l’a enlevée…
Il m’a tendu ma robe. Les lambeaux de ma robe…
- Qu’est-ce que tu veux que je fasse de ça ?
Et on a éclaté de rire, nous aussi. De bon cœur…
Il a voulu savoir…
- Tu as aimé tout à l’heure ?… Ca t’a plu ?…
- Chut… On en parle pas de ça… C’est le secret de chacun… Tu voudrais pas me rendre un service plutôt ?
- Si je peux… C’est quoi ?
- Ce serait de monter me chercher des vêtements dans mon box au dortoir… Parce que sinon…





10ème JOUR


- Est-ce que vous allez finir par vous taire toutes les deux ?… C’est le dernier avertissement… Ou vous cessez immédiatement ce babillage qui importune vos camarades ou je vais devoir m’employer à y mettre personnellement fin. Selon des méthodes éprouvées. Inutile, je suppose, de vous faire un dessin…
Et la mère Mac Miche a repris, sans plus se préoccuper de nous, son exposé besogneux sur la généalogie des rois de France…
- Oui… Qu’est-ce qu’on disait ?
- Arrête !… On va se faire gauler…
- Et alors ?!… Qu’est-ce qu’on en a à foutre ?!… Elle me fait pas peur… Il y a qu’ici qu’on peut parler n’importe comment… En classe… Parce qu’au dortoir on a les deux autres sur le dos… Et dans la cour tu es toujours avec l’autre espèce de petite dinde blonde qui te lâche pas d’une semelle… Tu te préoccupes pas plus de moi que si j’existais pas… Qu’est-ce que je t’ai fait ?…
- Hein ?!… Mais rien du tout !…
- Ben on dirait pas !… Tu me tires une de ces gueules depuis qu’on est ici…
- Jamais de la vie !… Qu’est-ce que tu vas chercher ?
- Tu te vois pas !… Non… Je sais vraiment pas ce que je reste à me faire chier ici… Où tu me parles pas… Où personne s’intéresse à moi… Où j’en ai seulement pas encore pris une depuis une semaine qu’on est là… C’est quand même pour ça qu’on est venues, non ?… Combien de temps ils vont nous faire mariner ?
- Mais ça va venir… Regarde, moi, jusqu’à hier…
- Toi !… Toujours toi !… Tout le temps !… Mais moi, avec le pot que j’ai, on repartira d’ici qu’il se sera rien passé…
- Ca vous dérange pas trop, Mademoiselle, que je fasse cours ?…
- Non, ça va, merci, je m’adapte…
- Ma patience a des limites… Et puisque vous ne voulez pas comprendre…
- Vous allez m’en coller une…
- Parfaitement… Il me semble que j’ai fait preuve, jusqu’à présent, de suffisamment de mansuétude et que j’étais en droit d’espérer…
Cynthia s’est levé…
- Oui, ben c’est bon, allons-y !… Mais épargnez-moi vos discours à la mords-moi-le-nœud…
Elle s’est avancée, d’un pas décidé, jusqu’au pied du bureau. Elle a retiré sa culotte qu’elle y a déposée. Elle a relevé sa robe au-dessus de la taille, elle s’y est penchée à l’équerre et elle a attendu…
- Toi, ma petite, tu cherches… Tu cherches vraiment… Mais je te jure que tu vas trouver…
Elle a décroché la règle. Elle lui en a caressé lentement les fesses…
- Tu as quel âge ?
- 42…
- Alors ce sera 42 coups que tu vas compter à haute et intelligible voix… Et tâche de ne pas te tromper. Sinon… on recommence à zéro…
Elle a lancé le premier. Cynthia s’est cabrée…
- Un…
Un second a aussitôt suivi. Les autres. Elle tapait. Méthodiquement. Et Cynthia comptait. Avec de grands soubresauts. Sans jamais se plaindre ni gémir ni crier…
- Trente-sept… Trente-huit… Vingt-neuf…
- Ah, tu le prends comme ça !… Tu veux le prendre comme ça…
La règle s’est abattue à toute volée. A pleine puissance. Trois ou quatre fois. Et tout s’est brusquement arrêté. Elle venait de la lui casser sur les fesses. Elle l’a jetée rageusement à ses pieds…
- Retourne à ta place… Ce sera tout pour aujourd’hui… Mais tu restes en dette avec moi… T’as pas eu ton compte…
Cynthia s’est rassise en grimaçant, a chuchoté…
- Je suis contente… Elle y est pas arrivée…
- Pas arrivée à quoi ?
- A me faire brailler… C’était ça qu’elle voulait…


- Qu’est-ce qu’on a rigolé hier soir !…
On venait tout juste de passer la porte, Basile et moi…
- Ah oui alors !… Parce qu’on leur a raconté à nos copains comment vous lui en avez mis une… Tout le monde était mort de rire…
- N’empêche qu’ils ont trouvé qu’elle l’avait pas volée…
- Oui… Et même qu’elle s’en sortait bien… Parce que vu la façon dont elle vous avait cassé du sucre sur le dos…
- Vous croyez qu’elle a encore des marques, M’sieur ?… Parce qu’ils nous ont demandé… Ils voulaient savoir si ça durait longtemps et si elle en aurait encore samedi en boîte…
- Comment voulez-vous que je le sache ?
- Ben en regardant, tiens !…
Il a ri…
- Ca vous passionne tout ça, hein ?!
- On se documente… On veut pas mourir idiotes…
- C’est la première fois qu’on assiste à un truc pareil, nous… On savait seulement pas que ça existait… Alors…
- Bon… Mais on peut pas voir ?
- Et insistantes avec ça !
Il est venu vers moi. Elles l’ont suivi…
- Pose ça !
La grande jatte de crème anglaise…
- Tourne-toi !
Il a baissé ma culotte d’un coup sec, maintenu ma robe en l’air…
- Mesdemoiselles, si vous voulez vous donner la peine…
Elles se sont penchées…
- Ah oui, c’est encore rouge…
- Et pas qu’un peu !… Comment ça doit la brûler !…
- Oui, mais si ça tombe d’ici samedi tout ça se sera parti…
- Mais peut-être que d’ici là il en aura remis une couche monsieur Fournier…
- On verra… Si vous êtes sages…





11ème JOUR


Noëlle a suggéré…
- Si on le séchait le cours de Maths ?… Pour ce que c’est intéressant…
- Pour faire quoi ?…
- Ben… Pour…
- C’est risqué, non ?
- Oh, tu parles !… Il s’en apercevra même pas… Et il y a plus personne au dortoir à cette heure-ci…

Elle s’est blottie contre moi…
- Comment c’était bon… C’est toujours bon avec toi… Tout… Tellement…
S’est redressée sur un coude…
- Tu te rends compte que si j’étais pas venue ici – et il s’en est vraiment fallu d’un cheveu – jamais je t’aurais connue ?…
Elle s’est laissé retomber, a soupiré…
- Ca aurait peut-être mieux valu dans un sens… Parce que… Il va se passer quoi maintenant ?… Il reste quinze jours… On va pas arrêter d’être ensemble… Aussi souvent qu’on pourra… On va s’attacher l’une à l’autre… De plus en plus… Moi en tout cas … Et puis on va repartir, chacune de son côté, comme si il n’y avait jamais rien eu… Tu vas reprendre ta vie, moi la mienne… Et puis voilà… Ce sera tout… Ce sera fini…
- Rien ne nous empêche, une fois rentrées, de continuer à…
- Tu sais très bien qu’on le fera pas… On se le promettra le jour du départ, oui, mais il y aura la distance, nos occupations… On remettra à plus tard… Toujours à plus tard… On s’appellera de moins en moins… Plus du tout… Et puis voilà…
La tête de Pernelle s’est brusquement encadrée dans l’embrasure du rideau…
- J’en étais sûre !… Sûre… Et je peux vous dire que cette fois la note sera salée… Je vais m’occuper de vous… En attendant vous allez rejoindre les autres… Il y a belle lurette qu’il est fini le cours de Maths…


Le chef-cuistot a emmené Mina et Basile aux approvisionnements et nous a laissées seules, Adeline et moi, en nous chargeant de récurer la cuisine à fond…
- Ca lui fera pas de mal… Depuis le temps…
J’ai voulu m’y atteler aussitôt…
- Attends !… Attends !… Te précipite pas… Il y a pas le feu… On va d’abord s’asseoir deux minutes…
Elle est allée jusqu’au placard du fond dont elle a ramené une énorme boîte de gâteaux qu’elle a posée entre nous…
- Vas-y, hein !… Sers-toi carrément… Il s’apercevra de rien… Et puis de toute façon…
Elle a mastiqué silencieusement, un bon moment, en me regardant du coin de l’œil…
- Tu sais qu’on n’y croyait pas du tout au début à tout ça ?
- A tout quoi ?
- Que vous étiez tous là exprès pour qu’on vous donne la fessée… Même que Fournier il nous le répète sur tous les tons on n’arrivait pas à y croire… Et on est pas les seules… Il y en a encore plein – pas tous – quand on leur raconte, ils disent qu’on invente, que ça peut pas exister… On a beau leur jurer qu’on a vu nous aussi maintenant, de nos yeux vu, on passe pour des menteuses… Le seul moyen pour qu’ils nous croient c’est qu’on leur montre samedi, en boîte, dans les toilettes, dans quel état tu les as les fesses… Mais pas à tout le monde, hein !… Ca va être le boxon sinon… Et on va nous foutre dehors… Non… Juste à Clotilde et à Marina… Elles répercuteront… On peut leur faire confiance à elles pour ça… Si on veut que quelque chose se sache c’est à elles qu’il faut le dire… On peut être sûr qu’en deux jours tout le pays est au courant… Tu sais qu’il sont pas du tout d’accord sur toi, Mina et Fournier ?… Elle, elle dit que tu viendras pas samedi, que tu te défileras, que c’est couru, et lui il dit qu’au contraire tu seras là parce que ce que vous aimez c’est pas tellement avoir mal, c’est surtout avoir honte et que tout le monde rigole en se moquant de vous… Je sais franchement pas comment vous faites parce que ça c’est un truc moi je pourrais jamais… On en parle des fois avec Mina… On se dit qu’on s’inscrirait bien l’année prochaine pour vous voir tous en prendre là-haut, surtout les mecs… Seulement si il faut obligatoirement y passer aussi – et il paraît que oui – ah non alors là pas question !… On se contentera de vous ici en bas, toi et bientôt Basile – il l’a promis Fournier –… C’est déjà pas si mal…


Laetitia, la chef du box d’à côté, a écarté le rideau…
- Tu viens, ma chérie ?… Il t’attend Tixier…
- Qu’est-ce que t’es encore allé lui raconter ?
- La vérité… Rien que la vérité… Toute la vérité…
- T’es une belle saloperie…
- Tu parles en tant que spécialiste ?
- Je te revaudrai ça… Je te jure que je te revaudrai ça…
- T’as le droit de rêver… En attendant je serais de toi je le ferais pas trop attendre… A moins que tu préfères qu’il se déplace… Je suppose que tu sais ce que ça signifierait…
Pernelle n’a pas répondu. Elle est sortie furieuse, l’autre sur ses talons…
- Qu’est-ce qu’elle a voulu dire ?…
Trianne a jeté un coup d’œil dans le couloir, s’est rassise…
- Elle a voulu dire que si Tixier lui flanquait une fessée devant nous, c’en serait fini pour elle : elle pourrait plus jamais devenir une vraie surveillante… Une surveillante des garçons… Et ça, c’est ce qu’elle vise depuis le début qu’elle vient ici… Laetitia aussi d’ailleurs… C’est pour ça que toutes les deux c’est à celle qui dégommera l’autre… Ca nous promet encore de belles empoignades… Sauf que, à force de faire, elles vont bien finir par se griller toutes les deux… On va voir ?… Ecouter plutôt… Ca a dû attaquer maintenant…
Jezabel et Roxane, deux des filles du box de Laetitia, nous ont arrêtées au passage…
- Vous y allez ?
Elles nous ont emboîté le pas. On a toutes collé l’oreille à la chambre-bureau de Tixier… A l’intérieur il y avait sa voix à lui…
- C’est pas ce que je te demande… Je te demande si c’est vrai ou pas ?
- Ben oui c’est vrai, mais…
- C’est tout ce que je voulais savoir… Alors tu te déculottes…
- Oui… Non… Mais faut que je vous explique…
- Tu te déculottes…
- C’est parce que…
- Je te donne trente secondes…
- S’il n’y avait pas eu…
- Il t’en reste vingt-cinq…
Le silence. Et puis, presque aussitôt, la claquée. Vigoureuse. Précipitée. Elle a gémi. Elle a crié. Elle a supplié. Longtemps. Quand ça s’est enfin arrêté on a regagné précipitamment nos box. On a éteint.
Laetitia est revenue la première. Elle chantonnait en sourdine. Pernelle un peu plus tard. Elle, elle reniflait…





12ème JOUR


- Vos devoirs manquent singulièrement d’originalité, c’est le moins qu’on puisse dire… Vous vous êtes contentées, pour la plupart d’entre vous, de me faire un copié-collé de la fessée qu’a reçue Noëlle… Ce n’est pas du tout ce que je vous demandais… Ce que je voulais c’est que vous me racontiez comment vous imaginiez votre fessée à vous… Celle que votre attitude, votre insolence ou votre paresse m’obligeraient, le cas échéant, à vous administrer… Vos copies ne sont malheureusement qu’un ramassis de clichés et de lieux communs… Une seule tranche un peu sur la médiocrité générale, c’est celle de Jezabel… Je vais donc vous la lire… Ou plutôt non… La fessée dont elle s’est voulue l’héroïne elle va la recevoir devant vous…
- Hein ?!… Mais c’est pas juste !… J’ai la meilleure note et c’est moi qu’on punit…
- C’est moi qui décide…
- Ah ben non, hein, non, je suis pas d’accord…
- Je me fiche complètement de ce que tu penses… Viens ici !…
Elle n’a pas bougé, bras croisés sur son pupitre, lippe boudeuse…
- Non… C’est pas juste…
- Viens ici, Jezabel !… Je le répéterai pas…
Elle a fait non de la tête… Non !… Il s’est avancé dans l’allée. Il s’est approché. Quand il s’est trouvé à quelques pas elle a brusquement bondi et s’est enfuie en courant vers le fond de la classe. Il l’y a poursuivie. Acculée contre le mur du fond elle a escaladé une table, une autre pour lui échapper. Une véritable course-poursuite s’est alors engagée qui les a menés d’un bout à l’autre de la pièce, bousculant tout sur leur passage. Ca s’est finalement achevé sur l’estrade où, dans sa précipitation, elle s’est étalée de tout son long. Il ne l’a pas laissée se relever. Il n’a pas écouté ses protestations. Il lui a maintenu dans le dos la main dont elle essayait de se protéger, il a tiré sur la culotte et, agenouillé au-dessus d’elle, il l’a consciencieusement et copieusement fessée…


Elles étaient deux ou trois à trouver qu’il avait exagéré…
- Je sais bien qu’on est toutes venues ici pour ça, mais enfin il avait pas le droit de l’obliger, hein, quand même !…
Roxane a haussé furieusement les épaules…
- Vous comprenez vraiment rien à rien !… C’est son truc ça à Jezabel qu’on l’oblige… De faire semblant de résister tant qu’elle peut et qu’on la force à la recevoir quand même…


J’étais à peine arrivée que…
- C’est le dernier jour aujourd’hui, M’sieur !
Il a fait mine de ne pas comprendre…
- Le dernier jour de quoi ?
- Le dernier jour qu’on travaille avant samedi…
- Oui… Et alors ?
- Et alors ben pour sa fessée à elle…
- Qu’est-ce qu’elle a encore fait ?
- Elle arrête pas de vous débiner… Pire qu’avant…
- Oui… Tout le monde parle plus que de ça en ville… Que de vous… Et qu’est-ce qu’on vous casse du sucre sur le dos !
- Alors ça t’a pas suffi, toi ?… T’es une vraie tête de mule, hein ?… Mais moi aussi je suis têtu… Et je peux t’assurer que c’est toi qui caleras…
Il m’a fermement entraînée vers la grande table du milieu de la cuisine, pesé sur la nuque pour me faire pencher en avant… Il a relevé ma robe, descendu ma culotte… Ca n’est pas tombé… Derrière ça chuchotait, ça discutait… Ca a duré un long moment…
- C’est vrai ?… On peut ?
- Si je vous le dis…
Elles ne se sont pas fait prier. Toutes les deux en même temps. Chacune une fesse. Avec une vigueur dont on ne les aurait pas soupçonnées. Avec entrain. Avec jubilation...
- Tiens, prends ça !… Et ça !… Et encore ça !…
Elles se sont arrêtées…
- C’est assez rouge, tu crois ?
- Pas bien non… Faudrait pas que ça disparaisse d’ici samedi…
Et elles ont repris de plus belle…
- Là… Là… Cette fois ce sera bon…


Dans la cour, après le repas du soir, Noémie a explosé…
- Faut le dire si ça t’intéresse pas…
Je suis tombée des nues…
- Si ça m’intéresse pas quoi ?
- Comment ça se passe avec Eric...
- Mais si ça m’intéresse, mais…
- Eh ben on dirait pas !… Pas une seule fois tu m’as demandé quoi que ce soit depuis dimanche… Tu t’en fous !… Tu t’en fous complètement… Maintenant que tu me l’as collé sur les bras…
- Hein ?!… Moi ?!… Mais jamais de la vie !…
- Ah non ?… Eh ben je sais pas ce qu’il te faut… Qui c’est qui a poussé tant et plus à la roue ?… Qui a tout fait pour qu’on sorte ensemble ?… Seulement maintenant moi, je suis dans de beaux draps… Faut que je me traîne ça comme un boulet…
- Mais je croyais que c’était le grand amour tous les deux ?…
- Tu parles !… Il baise comme un pied… Bon, mais ça encore c’est pas l’essentiel… Il est pas le seul… Je fais avec, j’ai l’habitude… Non, le fond du problème c’est qu’il a aucune conversation… Rien… Mais alors là ce qui s’appelle rien… Je me fais chier d’une force avec lui, tu peux même pas imaginer… Et si c’est comme ça au bout de trois jours qu’est-ce que ce sera dans un mois…
- Qu’est-ce tu vas faire alors ?… Le larguer ?…
- Même pas… Il en vaut pas la peine… Et puis pourquoi aller chercher des complications ?… Je sais pas comment il va réagir, lui, à ça… Si c’est pour qu’il me prenne la tête… Non… Je vais laisser ça mourir de sa belle mort… Dans quinze jours on sera partis d’ici… Il reprendra sa route, moi la mienne et puis voilà…





13ème JOUR


- Je suis bien tranquille que vous êtes toutes comme moi… Que vous vous fichez royalement de l’Anglais… Non ?
- Oh si, Madame !…
- Ah, vous voyez !… Et vous avez bien raison : il y a des choses beaucoup plus importantes que l’Anglais dans la vie … Qu’est-ce que t’en penses, toi ?…
Noëlle… Dont elle a soulevé le menton du bout du doigt, qu’elle a obligée à lever la tête vers elle…
- Une si adorable petite frimousse… Perdre son temps à faire de l’Anglais… Mais ce serait du gâchis… Un véritable gâchis… Tu sais que tu lui aurais plu ?… Catherine de Médicis – une femme merveilleuse… la meilleure des reines que nous ayons eues – aurait adoré ton petit côté vierge florentine… Elle n’aurait eu de cesse qu’elle ne t’ait compté au nombre de ses suivantes… Tiens, viens !… Monte sur l’estrade… Qui d’autre ?… Toi !… Comment tu t’appelles ?
- Roxane…
- Tu fleures bon tout à la fois l’innocence et la perversité… Un mélange détonant qui, à n’en pas douter, l’aurait séduite… Va vite rejoindre ta petite camarade… Qui encore ?… Non, mais regardez-moi celle-là qui se dissimule sournoisement derrière le dos de ses condisciples… Fais-toi voir… Mais c’est qu’elle est toute intimidée !… C’est quoi ton nom ?… Plus fort !… J’ai pas entendu… Amélie ?!… Bon… Tu sais, Amélie, que c’est un vrai bonheur de te voir rougir comme ça ?… Que ça te va très très bien… Si, si !… Allez, toi aussi, file là-bas… Bien… Pour le moment ça peut peut-être suffire… Alors qui sait à quelle sorte d’exigences Catherine de Médicis soumettait ses suivantes qu’elle choisissait avec soin parmi les plus nobles et les plus belles dames de la cour ?… Non ?… Personne ?… Même pas une petite idée ?… Eh bien, de temps en temps, quand l’envie l’en prenait, elle en choisissait deux ou trois auxquelles elle ordonnait de se déshabiller complètement. Et elles s’exécutaient… Devant les autres… Devant les autres et devant les servantes… Elles s’exécutaient parce que c’était le bon vouloir de la reine et qu’on ne refusait rien alors à la reine qui prenait – ce qu’on peut comprendre – un très vif plaisir à ce spectacle… Un spectacle que vous allez, à votre tour, m’offrir toutes les trois aujourd’hui… Et je vous conseille, dans votre intérêt, de faire preuve de beaucoup de bonne volonté… Sinon… Allez !…

Elles se sont interrogées les unes les autres du regard… Concertées à voix basse…
- Eh bien !… Qu’est-ce que vous attendez ?…
Roxane a haussé les épaules…
- Ce qu’on s’en fout n’importe comment !…
A haute et intelligible voix. Et elle est sortie de sa robe… Avec une lueur de défi dans le regard elle a quitté sa culotte et son soutien-gorge qu’elle a jetés sur le bureau. Après une courte hésitation les deux autres l’ont imitée. Et elles sont restées là toutes les trois, côte à côte, bras ballants, sur l’estrade, à attendre…
- Eh bien voilà !… Voilà !… Non, mais regardez ces petites merveilles !… Un régal !… Un vrai délice !… Non ?… Vous trouvez pas ?
Il y en a quatre ou cinq qui ont vaguement approuvé…
- Fais-toi voir, toi !…
Elle a lentement et silencieusement fait pivoter Noëlle sur elle-même. Quatre fois… S’est longuement absorbée dans sa contemplation…
- Etre aussi bien foutue… C’est inouï… Invraisemblable… On croit rêver… Désormais tu resteras comme ça… A chacun de mes cours c’est comme ça que je te veux… Nue… Du début à la fin… C’est compris ?… C’est bien compris ?
Du menton Noëlle a fait signe que oui. Elle l’a brusquement abandonnée, s’est tournée vers Amélie…
- Et toi !… Oui, toi !… Tu caches bien ton jeu, hein ?!… Quand on a des seins comme ça…
Elle a passé la main dessous, les a enrobés…
- Laisse-toi faire !… Laisse-toi faire, j’ai dit !…
Dessinés. Enveloppés…
- Quand on a des seins comme ça on les met en valeur… On les montre… On ne va pas les dissimuler sous les oripeaux que tu portais tout à l’heure… C’est un crime… Un véritable crime… C’est qui ta chef de box ?
- Laetitia…
- Je verrai ça avec elle… Plus question de te voir engoncée à l’avenir dans ces horreurs…

Brusquement, sans que rien ait pu le laisser prévoir, elle a lancé sur les fesses de Roxane une grande claque qui l’a jetée en bas de l’estrade et lui a fait pousser un petit cri de surprise…
- Tu sais qu’à certaines d’entre elles Catherine de Médicis mettait également de retentissantes fessées ?… De préférence à celles de ces grandes dames qui ne pouvaient s’empêcher d’arborer – le plus souvent bien malgré elles – un petit air d’arrogance ou de suffisance qui l’exaspérait profondément… Comme m’horripile, depuis le début, ton attitude supérieure et méprisante… Mais de ça je t’assure que je vais te guérir… Va te mettre contre le tableau… Là… Le nez bien collé… Et les mains sur la tête…
Elle a tapé en pluie. En grêle. Longtemps…

- J’en sais rien, Basile, si j’irai… Je verrai… On n’y est pas encore à demain…
Le chef-cuistot a brusquement relevé la tête…
- Tu vas pas leur faire faux bond au moins ?… Je peux te dire qu’elles n’apprécieraient pas… Et qu’elles te le feraient payer… Cher… Et elles auraient bien raison… Parce qu’elles y comptent vraiment… C’est important pour elles de pouvoir leur prouver à tous, là-bas, qu’elles ne leur ont pas raconté d’histoires… Question de fierté… Tu peux comprendre ça quand même ?… Oui ?… Eh bien alors ?… Pourquoi il faut absolument que tu fasses tout un tas d’histoires ?… Pour te rendre intéressante, c’est ça ?… Tu crois pas que t’as passé l’âge ?… Et que ce que tu risques surtout, en faisant ta mauvaise tête, c’est de te couvrir de ridicule… C’est mon devoir de t’en empêcher… Dans ton propre intérêt… Alors tu me vas faire le plaisir d’aller là-bas demain soir et de t’y comporter comme on est en droit d’attendre que tu t’y comportes… Est-ce que c’est compris ?…
- Oui…
- Bien… Elles sont dans quel état tes fesses ?… Encore très marquées ?
- Pas mal, oui…
- Fais voir !… Effectivement !… Mais on va quand même – si on peut dire – les rafraîchir un peu… Ca leur fera pas de mal… Et elles seront ravies les filles : plus ce sera éloquent et plus ça apportera de l’eau à leur moulin… Allez, en position !… Ah ben oui ça fait mal, oui, forcément !… Quand ça tombe sur un terrain déjà travaillé c’est beaucoup plus douloureux… Mais tu vas nous montrer que tu es une grande fille courageuse maintenant, hein ?!…





14ème JOUR


J’ai vaguement entendu les autres se lever. Je me suis voluptueusement rendormie. On était samedi : je pouvais rester au lit aussi longtemps que je le voulais. Je n’allais pas m’en priver…
Quelqu’un m’a réveillée en s’asseyant sur le bord de mon lit. C’était Pernelle…
- Tu dors ?… Faut que je te demande quelque chose… T’as entendu parler de rien ?
- Au sujet de quoi ?
- De moi… De moi et de Laetitia…
- Non… Il se passe quoi ?
- Il se passe qu’il paraît qu’elle m’a tendu un méga piège… Le truc vraiment diabolique… Que c’est impossible que je saute pas dedans à pieds joints… Sauf si je sais ce que c’est… Tu vois pas ?…
- Absolument pas, non… Mais pourquoi tu me demandes ça à moi ?
- Oh, comme ça !… Parce que depuis le début on s’entend bien toutes les deux… Même si j’ai pas toujours été tendre avec toi… Quand on est chef de box on a des obligations auxquelles on ne peut pas se dérober… Quand bien même on le voudrait… Mais je sais que toi tu n’es pas rancunière… Si tu savais quelque chose tu me le dirais, hein ?…
- Oui, mais je sais rien… Absolument rien…
- De toute façon je me fais plus d’illusions… Je l’aurai jamais la place… C’est une vraie petite garce l’autre… Et je peux te dire qu’elle sait mener sa barque… Mais je peux te dire aussi qu’elle l’emportera pas au paradis… Et que si je l’ai pas la place pour l’année prochaine je te lui réserve un chien de ma chienne qu’elle est pas près de l’oublier… Non, parce que franchement tu la vois, toi, surveiller le dortoir des mecs ?… Elle a pas l’étoffe… Il faut quelqu’un qui ait de la poigne… Quelqu’un qui sache s’imposer… Les mater… On s’y prend pas avec eux comme on s’y prend avec des nanas… Et c’est pas pour me vanter, mais là-dessus, moi, je serais imbattable… Et je t’y prendrais un de ces pieds en plus !… En tout cas si jamais c’est elle qui l’a le poste il est hors de question que je revienne ici l’année prochaine… Pour qu’elle me nargue tout ce qu’elle sait pendant un mois merci bien… De toute façon j’en ai fait le tour de toutes ces histoires d’école… Depuis le temps que ça dure ça me saoule à force… Non… Tu sais ce que j’aimerais maintenant ?… C’est diriger un centre de détention… Avec plein de mecs dedans… Je te leur en ferais baver quelque chose de rare… J’ai plein d’idées en plus !…
- Il y aurait pas de filles ?
- Si !… Deux ou trois… Histoire de les exciter sans qu’ils y aient jamais droit… Elles aussi elles ramasseraient… Et pas qu’un peu… Mais bon… Faut pas rêver… Ca se fera jamais… Il faudrait des locaux et du fric pour les aménager… Et comme je n’ai ni l’un ni l’autre…
Elle s’est levée…
- Faut que j’y aille… Mais je compte sur toi, hein !… Si t’apprends quelque chose…

Noëlle a presque aussitôt surgi …
- Qu’est-ce qu’elle te voulait ?
- Oh, rien… Des trucs sans intérêt…
- Elle est restée longtemps… C’était quoi ?..
- T’occupe !… Des conneries, j’te dis !
Je l’ai fait taire d’un baiser. Je l’ai prise dans mes bras. J’ai voulu la caresser. Elle s’est dérobée…
- Non !… Laisse-moi !…
- Mais pourquoi ?
- Parce que… Je sais pas… Je te sens pas ce matin… Et puis j’en suis pas…

En bas Noémie est venue à ma rencontre…
- Qu’est-ce que tu penses de lui ?
- Qui ça ?…
- Ben Eric…
- Qu’est-ce que tu veux que j’en pense ?… Je le connais à peine…
- Je me demande finalement, tout compte fait, je me demande si je vais pas m’installer avec…
- Je croyais qu’il t’ennuyait à mourir…
- Et c’est rien de le dire… Mais d’un autre côté il est fou amoureux de moi… Il gagne bien sa vie… Il est très occupé avec son boulot… Je pourrai faire ce que je veux sans qu’il y mette le nez… Et je m’en priverai pas… Oui… Je crois bien que je vais me laisser tenter…

C’est Pernelle qui a posé la question…
- Bon… Alors on fait quoi ?… On va en boîte comme la semaine dernière ?…
Elles ont fait la moue…
- Mais qu’est-ce qu’on peut faire d’autre de toute façon ?… Il y a rien n’importe comment ici… Et on va pas se coucher comme les poules…

Elles étaient là, tout au fond, entourées d’une dizaine de garçons et de filles de leur âge qui ne m’ont pas, du moins en apparence, prêté la moindre attention… Cynthia, Trianne et Pernelle ont voulu aller danser…
- Tu viens pas ?…
- Non, non, merci… J’ai pas vraiment envie…

Mina m’a fait signe de venir les rejoindre à leur table…
- C’est elle… C’est celle dont on vous a parlé…
Tous les regards ont convergé vers moi. On m’a examinée avec curiosité. Une attention soutenue. Il y a eu des sourires entendus…
- C’est vrai ce qu’elles nous ont raconté ?
J’ai silencieusement acquiescé…
- Oh, mais elle va vous montrer de toute façon…
Une fille a voulu savoir quand…
- Quand vous voudrez…
Elle a suggéré…
- Tout de suite alors !…
- Eh bien allez !…

Tout le monde s’est levé. J’ai suivi. Jusqu’au fin fond du parking baigné d’une lumière crue. On a fait cercle autour de moi…
- Eh ben alors ?!… Qu’est-ce qu’elle attend?
Adeline s’est impatientée…
- Bon, tu te grouilles ?… On va pas passer la nuit là…
Je me suis décidée d’un coup…
- Oh, la vache !… Cette raclée…
- Ca a pas fait semblant…
Il y en a une qui s’est indignée…
- Se déculotter comme ça devant tout le monde… Faut vraiment pas avoir honte…
- Surtout une vieille en plus !…
- Elle mériterait de s’en prendre une autre, tiens !…
- Et carabinée !…
- On la lui met ?
- Elle en vaut pas la peine… On retourne là-bas plutôt…
Ca s’est éloigné en grands rires offensants… Ca a disparu… Il n’est resté que la musique et la rumeur de la ville là-bas tout au fond… Je me suis réfugiée à l’abri de la haie…

- T’es là ?… Ben qu’est-ce tu fais ?…
J’ai sursauté. Je ne l’avais pas entendue revenir Adeline…
- Ah, je vois !… J’aurais dû m’en douter… Ca t’a mise en appétit tout ça… Oh, mais continue, continue !… Amuse-toi !… Je te laisse…





15ème JOUR


A la sortie du réfectoire, après le petit déjeuner, Pernelle m’a renvoyée au dortoir…
- J’ai à te parler… Va m’attendre là-haut…
Où elle m’a fait poireauter une bonne demi-heure avant de finir par monter me rejoindre…
- C’est qui ta chef de box ?…
- Ben c’est toi !…
- C’est moi, oui !… Et il n’y a que moi – et mes supérieurs hiérarchiques – qui soient habilités à te donner des ordres… A plus forte raison quand tu es sous ma responsabilité directe à l’extérieur… Alors de quel droit t’es-tu permis hier soir d’en passer, à ce qu’on m’a affirmé, par où l’avaient décidé ces filles de cuisine ?
- C’est que le chef-cuistot…
- Monsieur Fournier a parfaitement le droit de t’administrer des fessées quand tu l’as mérité, mais il n’a pas la moindre compétence pour exiger de toi quoi que ce soit d’autre… Est-ce que c’est clair ?
- Oui…
- Je devrais normalement faire un rapport en haut lieu, qui déboucherait, sans le moindre doute possible, sur une exclusion définitive : ce qui se passe ici, entre les quatre murs de l’établissement, n’a absolument pas à transpirer à l’extérieur… Je devrais… Mais je n’ai pas du tout envie de te voir flanquer dehors : d’abord parce que tu peux m’être utile par rapport à Laetitia et ensuite parce que j’ai des projets te concernant… Si, si !… Alors on va régler gentiment ça toutes les deux en interne sans y mêler qui que ce soit… Mets-toi à genoux… Là… Comme ça… Oui… Et demande-moi pardon…
- Pardon, Pernelle… Je le ferai plus…
- Recommence !… C’est la culotte baissée que ça se demande pardon…
Je l’ai baissée…
- Pardon, Pernelle, s’il te plaît, pardon… Je recommencerai pas…
- Parfait… Ne bouge pas… Reste comme ça… C’est – sans contestation possible – la position dans laquelle tu te ressembles le plus… De tout près… De si près…

Noémie a absolument tenu à ce que, en tout début d’après-midi, j’attende Eric sur un banc, dans le parc, avec elle…
- Vu sous un certain angle je fais une connerie, je te l’accorde… Et encore… C’est pas si sûr… Parce que le meilleur moyen d’être heureuse c’est peut-être bien de te coller avec un mec dont t’as strictement rien à foutre… Comme ça au moins t’es sûre qu’il te fera pas souffrir… Quoi qu’il arrive ça te passera à trente-six mille au-dessus… Non… Qu’est-ce qu’on nous bourre le mou, quand on est jeune, avec toutes ces histoires de Prince Charmant… Et nous, comme des connes, on saute à pieds joints là-dedans… Le Prince Charmant, en réalité, c’est le type qu’a du pognon, qui pense qu’à son boulot et qui te laisse le faire cocu à tour de bras… Tiens, le voilà justement !…

Elle est allée à sa rencontre. Le même type que le dimanche précédent a surgi de l’autre côté et est venu s’asseoir à mes côtés…
- Ils sont toujours ensemble ces deux-là…
- Ca en a tout l’air, oui…
- Ils ont de la chance de pas s’être fait prendre… Parce qu’on peut pas dire qu’ils donnent vraiment dans la discrétion…
- C’est peut-être le meilleur moyen de pas attirer l’attention…
- En somme si personne les dénonce…
- Je vois pas qui irait faire une chose pareille… Et surtout pourquoi…
- J’aimerais bien, moi, que quelqu’un me dénonce… On me punirait comme je le mérite…
- S’il y a que ça pour te faire plaisir je veux bien me dévouer…
- Et si je te prenais au mot ?
- Dis toujours… Qu’est-ce tu fais de si grave ?
- Je vous mate dans les douches…
- Mais c’est dégoûtant !
- Je te le fais pas dire…
- Comment tu t’y prends ?
- Il y a une petite lucarne qui paie pas de mine dans vos douches… T’y as jamais fait attention ?…
- Non…
- Elle donne sur un grenier en principe condamné… Mais si on arrive à s’y introduire discrètement…
- T’y es souvent ?
- Tous les jours… Tu vas le dire ?
- Un peu que je vais le dire !… Et comment !…
Je me suis levée…
- J’y vais même de ce pas…
- Merci…
- Tu t’appelles comment ?
- Felicien… Felicien Maynard…

Noëlle m’a rattrapée dans l’escalier…
- Je peux te parler deux secondes ?
- J’ai pas bien le temps, là…
- Ce sera pas long… Si on partait ?… Si on partait d’ici toutes les deux ?
- Pour aller où ?… Pour faire quoi ?
- N’importe où… Pour être ensemble que nous deux…
- Ecoute…
Je me suis arrêtée. J’ai posé les main sur ses épaules…
- Ecoute… D’abord je n’ai pas la moindre intention de partir d’ici où je me plais vraiment… Ensuite… ensuite si t’as vraiment envie que ça dure entre nous…
- Mais bien sûr que j’ai envie !… Si tu savais !…
- Alors tu t’y prends très mal… Tu es beaucoup trop possessive… Je ne suis pas à toi… Je ne suis à personne… Je suis à moi…
Elle est tombée en larmes dans mes bras…
- Je ferai ce que tu veux… Tout ce que tu veux…

- Felicien ?!… Ah oui ?!… Ca m’étonne pas, remarque !… Pas du tout… C’est bien le style à ça…
- Qui faut que j’aille voir à ton avis ?… Le directeur ?…
- Oh, non !… On le dérange pas comme ça… Et faut suivre la voie hiérarchique… Toi, tu bouges plus maintenant… C’est à moi, la chef de box, d’aller trouver Tixier… Qui verra avec Ménisson… Qui, lui-même, en parlera au directeur s’il le juge nécessaire… L’affaire suivra son cours… Et on nous convoquera – sûrement toutes les deux ensemble – à un niveau ou à un autre…






16ème JOUR


- Entrez !…
Le cours de Français venait tout juste de commencer. On avait à peine eu le temps de déballer nos affaires… C’était Tixier… Qui s’est avancé vers Armand, lui a chuchoté quelque chose à l’oreille…
- Pernelle et Raphaëlle chez monsieur le Directeur…

Il trônait derrière un immense bureau. Il écrivait et nous a, pendant près d’un quart d’heure, laissées debout devant lui sans nous accorder la moindre attention…
- Bien… Alors… Ces demoiselles… De quoi s’agit-il ?
Pernelle lui a exposé, en quelques mots, la situation…
- Et comment s’appelle ce garçon ?
Il l’a noté sur un post-it qu’il a glissé dans un dossier avant de se tourner vers moi…
- Vous êtes fière de vous ?
Je me suis troublée… J’ai rougi… J’ai balbutié…
- Oui… Non… C’est-à-dire… C’est parce que… J’ai pensé…
Il m’a laissé silencieusement m’enfoncer sans me quitter des yeux…
- Ca s’appelle comment ce que vous êtes en train de faire ?… Eh bien ?!… Répondez !…
J’ai baissé la tête…
- Moucharder…
- Oui… Vous êtes en train de dénoncer lâchement l’un de vos petits camarades… Et c’est inacceptable… Intolérable… Vous allez être punie pour ça… Déshabillez-vous !…
Il a enfoncé l’un des boutons de la façade de son téléphone…
- Ménisson !… Vous pouvez venir, s’il vous plaît ?
- J’arrive, monsieur le Directeur…
J’ai retiré ma jupe et ma culotte. Je me suis arrêtée…
- Tout !… Entièrement… Le haut aussi…

En m’apercevant Monsieur Ménisson a levé les yeux au ciel, soupiré…
- Encore toi !… Dès le début il a fallu que tu te fasses remarquer… Dès le tout premier jour… Et ça continue…
- Vous vous en occupez, Ménisson ?
- Oh oui, que je vais m’en occuper, oui !…
Il m’a fait mettre à genoux face au directeur qui a légèrement reculé son fauteuil. Il m’a passé la main sur les fesses…
- A l’évidence il y a eu des précédents récents… Et appuyés… Il faut croire que nombre de tes professeurs et de tes surveillants ont eu à se plaindre de toi…
Ca a brusquement cinglé. Un coup sec. Par derrière. Sous l’effet de la surprise j’ai crié. Le directeur a souri. Tout le temps que ça a duré – une quinzaine de coups de martinet sèchement appliqués – il ne m’a pas quittée des yeux et je me suis mordu les lèvres jusqu’au sang pour ne pas recommencer. J’ai réussi. Sauf à la fin. Les trois derniers coups. Il a encore souri, l’air satisfait. C’est lui qui m’a fait signe de me relever…
- Tu peux te reculotter…
Il nous a congédiées toutes les deux du revers de la main…
- Ah oui !… Encore un mot…
Juste comme on allait sortir…
- Il va de soi que ce jeune homme que vous avez dénoncé se verra infliger le châtiment approprié… Vous pouvez disposer…

Dans le couloir, la porte du bureau à peine refermée, Pernelle a exigé…
- Fais voir !… Je veux voir…
Elle ne m’a pas laissé le temps. Elle a d’elle-même soulevé, fourragé, tiré. Avec impatience. Les yeux brillants elle a dévoilé. Elle s’est approprié. Elle a parcouru du bout des doigts… A voulu se faire plus intrusive…
- Laisse !… Laisse, j’ai dit !… Laisse-moi faire !… C’est moi qui décide… Je veux… Je veux savoir si tu mouilles…
Elle a poussé un petit grognement de triomphe…
- J’en étais sûre… Sûre… S’il y a quelqu’un que je perce complètement à jour c’est bien toi… Bon, mais on verra ça toutes les deux… Il faudra qu’on voie ça… J’ai une foule de projets en ce qui te concerne…

Dans la cour on nous a aussitôt entourées…
- Qu’est-ce qu’il vous voulait ?… Ben racontez, quoi !…
Pernelle a pris un air lointain et mystérieux…
- Pour le moment c’est top secret… Mais vous allez sûrement pas tarder à savoir…
- Oui, ben en attendant vous avez loupé quelque chose, les filles, en Français !…
- Qu’est-ce qui s’est passé ?…
- Elle s’en est pris une Laetitia… Et carabinée…
Pernelle a laissé éclater sa joie…
- Laetitia !… C’est pas vrai !… Elle est cuite !… Cette fois elle est cuite… Qu’est-ce qu’elle avait fait ?
- Personne en sait rien… C’est Tixier qui lui a mise… En plein cours… Il avait l’air furieux… Et il l’a embarquée… Il y en a qui disent qu’elle est virée…
- Ce serait trop beau pour être vrai…

Le chef-cuistot ne se lassait pas, l’œil allumé, de les écouter raconter toutes les deux ce qu’il s’obstinait à appeler mon « exhibition » sur le parking de la boîte samedi soir… Et elles, elles ne se lassaient pas d’en refaire encore et encore le récit… En l’agrémentant chaque fois de quelque détail supplémentaire oublié…
- En tout cas ça a pas fini de faire causer… Surtout les filles… Il y en a deux ou trois qui en sont pas encore revenues…
- Et qui sont pas près d’en revenir…
- Mais alors le jour où on va leur dire qu’on a vu Basile y passer !… Ce sera quand, M’sieur ?… Vous avez promis…
- Bientôt…
- Vous dites toujours ça… Et puis le temps passe, le temps passe et on voit jamais rien venir… C’est à la fin de la semaine prochaine qu’ils repartent… Vous voulez pas lui faire en réalité, hein !… Pourquoi vous voulez pas lui faire ?… Parce que vous voulez pas qu’on voie sa queue, c’est ça ?
- Jamais de la vie… Qu’est-ce que vous allez chercher ?
- Vous savez ce qu’elle dit notre copine Clotilde ?… Elle dit que vous lui ferez jamais… Parce que dans votre tête un mec ça doit pas la recevoir la fessée… Et que s’il la recevait devant nous Basile ce serait un peu comme si c’était vous qui la receviez… Et que ça c’est insupportable pour vous…
- C’est vraiment du grand n’importe quoi…
- C’est vrai ?… Vous allez lui faire alors ?
- Je me tue à vous le répéter…
- Quand ?
- Quand vous arrêterez de me poser la question…


17ème JOUR


La Mac Miche a traversé toute la cour en poussant Félicien devant elle…
- Bon, alors tu avances, toi, oui ?… Dépêche-toi !…
Elle l’a fait mettre en rang avec nous. Les filles ont ri sous cape…
- Qu’est-ce qu’il fout là, lui ?
En classe, là-haut, elle l’a gardé sur l’estrade, à côté d’elle, tête baissée, près du bureau…
- Bien… Alors savez-vous à quel genre d’occupation se livre quotidiennement ce garçon ?
Cynthia m’a poussée du coude…
- Moi, j’ai bien une idée, mais…
- Non ?… Alors il va vous le dire lui-même… On t’écoute, toi !… Qu’est-ce que tu fais ?…
- Je les regarde…
- Tu les regardes, oui !… Et où ça ?…
- Dans les douches…
Il y a eu un long murmure réprobateur…
- Dans les douches, en effet !… En effet ce petit vicieux vous épie tous les jours depuis le grenier qui les jouxte… Bon… Alors maintenant tu te déshabilles… Eh bien ?!… Qu’est-ce que tu attends ?… Ah, on fait moins le fier, hein ?!… Allez !… Et on se dépêche…
Il s’est exécuté lentement, un vêtement après l’autre, soigneusement replié et déposé sur la chaise. Quand il a retiré son slip Jezabel et Roxane, derrière, ont éclaté de rire… Il a pudiquement croisé les mains sur son bas-ventre…
- Sur la tête !… Tes mains… Mets-les sur la tête…
Il a hésité, s’y est repris à deux fois pour obéir…
- Il va se passer quoi maintenant ?… A ton avis ?
- Je sais pas…
- Tu admettras avec moi que tu as mérité une sanction suffisamment sévère pour qu’elle te guérisse définitivement de ces mauvaises habitudes… Non ?… Tu crois pas ?…
- Si !…
- Ah, tu vois… Laquelle ?
- Je sais pas…
- Non ?… Vraiment ?… Il va falloir décider à ta place alors… Ce sont les filles qui vont s’en charger… Je te laisse avec elles… Tu verras, elles ne manquent pas d’idées…
Et elle a quitté la classe…

On s’est regardées les unes les autres et puis lui qui se dandinait sur l’estrade. Et encore nous. Ca a fusé d’un coup de derrière…
- C’est vraiment dégueulasse ce qu’il a fait !…
- Oui… Un sacré petit salopard… Il en a la gueule en plus !
Il y en a quatre ou cinq qui se sont levées. Qui sont allées l’entourer…
- Qu’est-ce qu’on lui fait ?
- Ce qu’il mériterait c’est qu’on les lui coupe, tiens !… Ca lui ferait passer l’envie de venir jeter un œil sur ce qui le regarde pas…
D’autres les ont rejointes… D’autres encore…
- Attendez !… Attendez !…
Pernelle s’est approchée et lui a bandé les yeux avec une grande écharpe de flanelle rose. A bien serré…
- Là… Ce sera quand même mieux comme ça, non ?… On se sentira plus à l’aise…
- Mais pas lui…
- On s’en fout de lui…
Roxane les lui a empoignées à pleine main…
- Chiche que je les lui décroche…
- Ce serait pas une grosse perte…
- Et si on lui en mettait une bonne plutôt pour commencer ?
- Oh oui !… Oui !… Ca oui !…
Elles l’ont retourné, nez contre le tableau, et elles se sont acharnées sur son derrière. A cinq. A six. A sept. Ensemble. Les unes après les autres. A toi. A moi. Encore ensemble. De bon cœur. Avec enthousiasme. Avec allégresse. Lui, il se trémoussait. Il dérivait tout au long de l’estrade en dansant d’un pied sur l’autre. Il a fini par crier…
- Oh, mais c’est qu’il sait chanter !…
- Et bien en plus !…
- Oui, il a une voix magnifique…
Elles ont repris de plus belle…
- Surtout quand elle grimpe comme ça dans les hauteurs… On ne s’en lasse pas… Des heures on l’écouterait… Des heures…

Il a bien fallu pourtant qu’elles finissent par s’arrêter. Rouges. Essoufflées. Les yeux brillants d’excitation. Elles l’ont fait pivoter, remis dans l’autre sens et elles ont éclaté de rire…
- Ca lui a bien plu, on dirait, à ce grand dégoûtant… Non, mais regardez-moi ça comment il bande !…
- Oui, elle veut faire sa fière… Et pas qu’un peu… T’as fini, oui ?… Est-ce que t’as fini ?
Une petite chiquenaude dessus. Une autre. Encore une autre. Tout un tas de chiquenaudes. Sans obtenir le moins du monde l’effet escompté. Au contraire : elle a semblé se dresser davantage. Elle a battu en l’air comme si elle voulait saluer et elle a explosé. Les filles se sont précipitamment reculées dans un grand éclat de rire. Ca s’est répandu un peu partout sur l’estrade. Tout le monde a applaudi…

En bas, aux cuisines, Adeline était toute seule…
- Il sont aux approvisionnements comme l’autre fois… On va se la couler douce… Mais d’abord tu vas me raconter…
- Te raconter ?… Te raconter quoi ?
- Ben ce matin… Le type… Vous vous y êtes toutes mises pour lui en coller une à ce qu’il paraît …
- Pas toutes… Six ou sept…
- T’étais dedans ?
- Non…
- Oui, ça, évidemment… J’aurais dû m’en douter… Eh bien raconte, quoi !…
Elle m’a écoutée sans m’interrompre avec une attention intense…
- Et c’est tout ?
- Ben oui !…
- Comment j’aimerais ça voir un type en recevoir une, moi, un jour !… Mais alors une vraie… Une carabinée…
- Inscris-toi pour l’année prochaine…
- Ah ben non, non!… Parce qu’il faut en prendre aussi et alors là, moi, c’est complètement exclu…
- Il y a Basile… Ca va bien finir par lui arriver…
- Ca, c’est pas sûr !… Depuis le temps qu’il nous amuse Fournier… Il lui fera jamais… Il a un truc qui bloque grave là-dessus avec les mecs… Non… Et puis Basile de toute façon… Tu l’as bien regardé ? Je veux pas être méchante, mais c’est tout sauf un homme Basile… Alors ça pourrait être rigolo, oui, comme ça, en passant… Sans plus… Tandis qu’un vrai mec, beau, viril, avec du style, de la classe, une personnalité, tout, quoi !… qui s’en prend une… Alors là… Là… Il était comment celui de ce matin ?
- Félicien ?… T’hallucinerais !…
- C’est vrai ?… Comment elle est mal faite la vie…
- Tu veux que je te le fasse connaître ?
- Tu pourrais ?… Quand ?… Comment ?…
- Samedi en boîte… Je te l’amène si tu veux… Et je te le présente…
- Si tu fais ça… Alors là si tu fais ça…





18ème JOUR


- Tu te lèves pas ?
C’était Trianne, penchée sur moi…
- Hein ?… Tu te lèves pas ?… Tu vas être en retard…
- Je suis crevée… J’ai pas fermé l’œil de la nuit…
- Va à l’infirmerie… Tu pourras dormir… Tu veux qu’on t’emmène ?
Elle n’ont pas attendu ma réponse. On m’a soulevée, entraînée, tirée, portée, fait monter, redescendre pour finalement me déposer, dans l’obscurité, sur un lit aux draps délicieusement frais. Je m’y suis aussitôt rendormie…

C’est la voix sèche de l’infirmière, une femme d’âge canonique, qui m’a – définitivement cette fois – extirpée du sommeil…
- Qu’est-ce qu’elle fait là, celle-là ?… D’où elle sort ?
Elle était en train de tirer les rideaux. La lumière m’a éblouie. Fait cligner des yeux. Il y avait trois autres lits dans la pièce, tous les trois occupés. Par des types. Qui se sont étirés. Qui ont baîllé. Qui ont murmuré un vague « Salut ! »… C’était les trois garçons – ils ont une trentaine d’années – qui se tiennent toujours à l’écart des autres dans la cour et qui n’adressent pratiquement la parole à personne… « On dirait qu’ils sont là par erreur » disaient les filles, intriguées, au début. Avant de se désintéresser complètement d’eux…
- Encore une qui veut tirer au flanc, c’est ça ?… Je vais t’en faire passer l’envie, moi, ma petite, tu vas voir !… T’as mal où ?
- Nulle part… Mais je me sens vraiment pas bien… Epuisée… Vidée… J’ai plus de ressort…
- Oui… Eh bien faut commencer par te secouer… C’est pas en t’apitoyant à longueur de journée sur ton sort que ça va arranger les choses…
Elle m’a posé la main sur le front, l’y a laissée quelques secondes…
- En tout cas t’as pas de fièvre…
Elle a tiré draps et couvertures jusqu’au pied du lit…
- Retire-moi ça !…
Ca, c’était ma chemise de nuit…
- Eh bien ?!… Tu attends quoi ?… Le déluge ?… Oh la la !… Ma pauvre petite !… Ils vont pas en perdre la vue… Et c’est sûrement pas la première fois que… Allez, dépêche-toi !… Ne fais pas l’enfant… Là… C’est bien… Tu vois que tu peux être une grande fille raisonnable quand tu veux…
Elle m’a palpé le ventre longuement, consciencieusement, sur toute la surface…
- Il y a rien… Absolument rien !… Assieds-toi !… Tu as quel âge ?
- 42…
- Ils tiennent bien encore !… Des vrais seins de jeune fille… Allonge-toi maintenant !… Mets-toi sur le ventre… T’en as pris une belle, dis donc !… Et au martinet !… Il y a pas longtemps… Faut croire que tu fais partie de ces quelques fortes têtes qui ne savent pas quoi inventer pour se faire remarquer ici…
Elle m’a tapotée, de la phalange, tout au long du dos…
- Il y a rien… Absolument rien… Je vais quand même te garder un jour ou deux en observation. Par précaution. Mais arrête de t’écouter avec complaisance: tu te sentiras beaucoup mieux, tu verras… En attendant tu vas aller prendre une douche… Ca te dégourdira… Lionel va t’accompagner…

- Viens, c’est par là !…
Un couloir. Un coude. Encore un morceau de couloir. Il a ouvert une porte, m’a laissé passer, est entré derrière moi, a refermé…
- Oui, ben c’est bon maintenant !… Merci… Je vais me débrouiller toute seule…
- J’ai pas le droit… Faut que je reste… C’est le réglement… A l’infirmerie on laisse jamais personne tout seul sous la douche… A cause que si il y aurait un malaise faut pouvoir intervenir tout de suite… De toute façon ça fait un quart d’heure que je te vois à poil… Alors un peu plus un peu moins…
Il s’est tranquillement adossé à la porte…
- C’est vrai – elle a raison – t’en as pris une bonne… Qu’est-ce que t’avais fait ?… Oh, t’es pas obligée de répondre si tu veux pas, hein !… Moi, ce que j’en dis c’est surtout histoire de causer pendant que tu te laves… Parce que j’en ai strictement rien à foutre… C’est drôle cette manie qu’ils ont les gens de faire semblant de s’intéresser à ce qui leur arrive aux autres. En réalité chacun s’intéresse qu’à soi… T’es pas de mon avis ?… Ben dis donc t’es pas très bavarde, toi !… T’es toujours comme ça ou c’est juste avec moi ?
Il s’est tu quelques instants…
- J’aime bien ta chatte… Si, c’est vrai… J’aime bien quand elles se ferment complètement comme ça, que t’as juste la fente… Parce que quand ça déborde de partout, que t’as l’impression que ça dégouline, moi, c’est pas mon truc… Mais chacun ses goûts, hein !… Ah, ça y est ?!… T’as fini ?…

Il m’a ramenée…
- Bon, ben à mon tour maintenant !… Faut qu’il y en ait un qui m’accompagne, les gars… Tu viens, Martial ?
Le troisième s’est assis précautionneusement sur le bord de mon lit…
- Qui c’est qui t’a dit de venir ici, à l’infirmerie ?
- Les filles dans le box, ce matin !… Pourquoi ?
- Non… Comme ça… Et Noémie, elle est aussi dans ton box ?
- Non… Dans celui d’en face…
- Tu la connais bien ?
- Assez, oui !… Mais c’est quoi toutes ces questions ?
- C’est rien… C’est juste pour savoir…

Noëlle est passée en tout début d’après-midi…
- Je te dérange pas ?… Je veux pas te déranger…
- Mais bien sûr que non…
- Tu es malade ?… C’est pas grave au moins ?… Tu me le dirais, hein ?
- Mais non, c’est rien du tout… Un peu de fatigue… J’ai perdu l’habitude de me lever si tôt…
Elle m’a pris timidement la main. Je la lui ai laissée. Elle l’a serrée. Ses yeux se sont embrumés de bonheur. Elle a été sur le point de dire quelque chose, s’est retenue… Est brusquement devenue volubile…
- T’as pas perdu grand chose, tu sais… En Maths ça a été comme les autres fois… Sans aucun intérêt… Il y a quelque chose qu’il a pas compris… Ou alors c’est nous… Pour le reste le train-train… Il s’est rien passé… Rien qui vaille la peine… On s’emmerderait presque il y a des jours…
Elle a baissé la voix… Regardé ailleurs…
- De toute façon, moi, quand t’es pas là il y a plus rien qui m’intéresse…
Je me suis levée…
- On va faire un tour dans le couloir ?… Ca me dégourdira les jambes…
Quelques pas. Je l’ai attirée contre moi. J’ai posé mes lèvres sur les siennes. Elle m’a enveloppée de ses bras. On s’est longuement embrassées…
- Merci… Oh, merci…
Et elle s’est enfuie…





19ème JOUR


Des chuchotements dans la nuit. La lueur tamisée d’une lampe de poche. Des rires. Un regroupement autour du lit de Martial…
- Elle dort… De toute façon elle dort…
- Non… Je vais pas rester… Ca craint… Non… Laissez-moi !
- C’est ta copine ou c’est pas ta copine ?
- Ben si, mais…
- De quoi t’as peur ?… Qu’elle aille nous dénoncer ?
- Non… Ca non… Mais ça me gêne de la savoir là…
- Tu parles !… Qu’est-ce t’en as à foutre ?… Elle sait bien ce que c’est quand même à son âge, non ?…
- Et puis elle dort, on t’dit…
- Et si elle se réveille ?
- On la fera participer…
- Ou on l’assommera…
Il y en a un qui a ri. Tout s’est tu. Un souffle plus court. Encore des chuchotements. Le lit qui grince. Un souffle éperdu. Un gémissement. D’autres. Un cri étouffé. Un autre. Une psalmodie de plaisir. Eperdue. Ca s’est apaisé. Ca a repris. Ca s’est envolé. Des bruits de baiser…
- Faut que j’y aille… Si, faut que j’y aille… Si jamais on s’aperçoit que j’y suis pas là-bas…

- Comment ça va ce matin ?… Bien dormi ?
Elle est passée de lit en lit, a pris la tension, la température dans l’oreille…
- Vous vous portez comme des charmes… Demain je vous vire… Tous… Alors profitez bien de votre journée…
Elle s’est retournée sur le pas de la porte avant de disparaître…
- Et n’oubliez pas la douche…

- C’est moi qui l’emmène… Tu y es allé hier…
Fermement. Par le bras. Il ne m’a lâchée que dessous…
- Tu t’es branlée cette nuit…
Sur le ton de la simple et tranquille constatation…
- Hein ?!… Mais ça va pas !… Jamais de la vie… T’es pas bien !…
- Si !… Tu t’es branlée… Je t’ai entendue… Oh, mais il y a pas de honte, hein !… Faut dire qu’il y avait de quoi… Elle en était Noémie… Trois types pour elle toute seule c’est la fête… Elle aurait tort de pas en profiter…
Il a marqué un long temps d’arrêt…
- Ca te tenterait pas, toi ?
- Oui, ben alors là sûrement pas !… Il y a pas de risques !…
- C’est bien vrai ce mensonge ?… Personne te connaît ici… Personne le saurait… Même pas Noémie… Il y a des occasions qui se laissent pas passer, tu sais ! Parce qu’elles ne se représentent jamais… Et qu’il ne nous reste, plus tard, que le regret de ne pas les avoir saisies et d’avoir laissé les préjugés décider à notre place…
- Mais non, c’est pas ça, non, mais…
Il s’est emparé, d’autorité, de mon gant de toilette…
- Donne !… Tu fais pitié, là, à te contorsionner dans tous les sens pour essayer, sans succès, de te laver le dos…
Il a vigoureusement frotté. Les omoplates. Entre les omoplates. Plus bas. Les reins. Plus bas encore. J’étais incapable de dire quoi que ce soit. De faire quoi que ce soit. Incapable d’empêcher quoi que ce soit. Au contraire : j’ai imperceptiblement écarté les fesses pour qu’il puisse s’insinuer entre elles. Dans mon cou il y a eu son souffle. Tout près. Ses mains sur mes seins. Qui en ont fait rouler les pointes. Son désir d’homme plaqué contre moi…
- Viens !… Viens !… On va rejoindre les autres…
Je n’ai pas protesté. Je n’ai pas résisté. Il m’a soulevée à bras le corps. Emportée. J’ai fermé les yeux…

Il m’a ramenée sur mon lit. Il y a eu ses mains. D’autres mains. Il y a eu sa bouche. Une autre. Encore une autre. Leurs doigts. Leurs lèvres. Qui ont couru sur moi. Qui m’ont parcourue. Apprise. Habitée. Je me suis abandonnée à eux. A leur désir de moi. Il y en a un qui s’est fait impatient. J’ai rouvert les yeux sur lui. Il voulait. Il me voulait. Tant. J’ai refermé les jambes sur lui. J’ai emprisonné son plaisir. Et j’ai définitivement perdu toute notion de tout. Il y a eu lui. Un autre. Les deux autres. Encore lui. Il y a eu mes cris. A pleine gorge. Mes feulements. Mes ruades. Houle. Ressac. Vagues. Tempête…

Ils m’ont déposée sur la rive. S’y sont échoués avec moi.Satisfaits. Repus…
- Tu n’as pas honte ?
- Hein ?… Honte ?!… Honte de quoi ?…
- Et elle demande de quoi !… Non, mais tu te fiches de nous ?!… Est-ce que tu te rends seulement compte de ce que tu as fait ?
- Vu son air ahuri ça m’étonnerait…
- Bon, alors on te résume… Tu débarques ici hier avec une flemmingite aigüe… T’y trouves trois mecs installés… Au lieu de repartir aussitôt, comme aurait fait n’importe quelle fille à ta place, tu t’incrustes, ravie de l’aubaine…
- Mais non, mais…
- Laisse-nous finir !… L’infirmière vient t’examiner… Normal… Tu aurais pu lui demander d’aller faire ça dans la petite pièce à côté… Elle aurait pas refusé… Mais non, penses-tu !… T’étais bien trop contente de pouvoir tout nous déballer sous le nez…
- Mais c’est pas vrai !…
- Après ça Lionel veut gentiment te montrer où se trouve la douche… Tu trouves rien de mieux que de l’enfermer là-dedans avec toi…
- Mais c’est lui !… C’est lui !… C’est obligatoire, il a dit…
- N’importe quoi !… Vraiment n’importe quoi…
- Et quand bien même il l’aurait dit !… Tu l’aurais cru ?… Personne croirait une chose pareille… Même la dernière des dindes…
- Quant à ce qui vient de se passer là, maintenant, tu admettras avec nous que tu t’es comportée de façon parfaitement inqualifiable… Une femme qui se respecte vraiment ne s’offre pas, comme ça, au premier venu…
- Surtout quand ils sont trois…
- Et de façon aussi délibérément impudique…
- Non… Tu sais ce que tu mériterais ?… C’est une bonne correction… Tu l’aurais vraiment pas volée…
Sans un mot je me suis retournée sur le ventre…
- En plus !… Alors là !… Ah oui que tu la mérites !… Ah oui !…
Une main s’est posée sur mes fesses. Une autre… Elles se sont élancées…





20ème JOUR


- Qu’est-ce que je t’avais dit, toi ?… Demandé ?…
- De venir sans rien à vos cours…
- Parfaitement !… Eh bien alors ?!… Tu feras en sorte dorénavant que je n’aie pas à me répéter…
Noëlle s’est levée sans un mot, est montée sur l’estrade, s’est déshabillée… La prof est restée un long moment, immobile, à la contempler en silence…
- C’est fabuleux… Absolument fabuleux… Tu es d’une beauté fabuleuse… On devrait t’obliger à rester nue en permanence... Partout… Toujours… Il y a des trésors qu’en aucun cas on ne devrait avoir le droit de soustraire au regard de qui que ce soit… C’est criminel… Véritablement criminel… Bon, mais que ça ne nous empêche pas d’aller voir aussi comment sont faites tes petites camarades… Et, tiens, tu sais pas ?… C’est toi qui vas choisir… Tu vas m’en trouver une qui paie pas de mine à première vue comme ça, mais qui en dessous cache de véritables trésors… Je te fais confiance… Vas-y !…

Son regard a couru de fille en fille, s’est arrêté sur moi, s’y est brièvement attardé. Est reparti. Revenu. S’est fait insistant. M’a interrogée…
- Elle te plaît celle-là ?
- Oh oui, oui !
Elle a aussitôt rougi…
- Oh non, non !… Pas elle…
- Qui alors ?
- Stéphanie…
- C’est qui Stéphanie ?… Toi ?… Eh bien viens là… Déshabille-toi !… Ou plutôt, non !… Attends !… C’est Noëlle qui va te déshabiller… Ce sera beaucoup plus amusant… Catherine de Médicis aussi se délectait de voir ses suivantes se dépouiller mutuellement de leurs vêtements… Allez !…
Et Nöelle l’a fait. Du bout des doigts. En gestes gauches et hésitants…
- Carrément !… Carrément !… Dépiaute-la !… Elle est pas en sucre, tu sais !… Là, c’est mieux… Le soutien-gorge maintenant !… Oui… Oui… Mais c’est qu’ils sont mignons comme tout ces petits nénés… Minuscules, mais tellement attendrissants… Tu as bon goût… Tu as très bon goût…
Elle les a recouverts de ses mains, fait disparaître…
- Ils sont doux et chauds comme des oisillons tombés du nid… Tiens, touche, toi aussi !… Touche !
Noëlle a avancé la main, l’a précipitamment ramenée en arrière, à nouveau avancée, s’est arrêtée…
- Mais si !… Touche, n’aie pas peur !
Elle s’en est emparée, d’autorité, la lui a posée dessus. Noëlle ne s’est pas dérobée, l’y a laissée…
- Tu sais que Catherine adorait les voir se mignoter entre elles ?… Surtout quand elles n’y étaient pas spontanément portées… Elle aimait leurs réticences… Leur dégoût parfois… Et le plaisir très vif qu’elles finissaient le plus souvent manifestement par y prendre quand elle les avait obligées à le surmonter…
Elle lui a pesé sur la nuque…
- Vas-y !… Va !… Avec tes lèvres… Je veux…
Stéphanie a ondulé. Doucement gémi… Lui a rendu ses caresses… Noëlle a glissé la main dans sa culotte. Elles se sont enlacées…

A midi elle n’était pas au réfectoire…
Elle pleurait à chaudes larmes, affalée sur son lit…
- Va-t-en !… Laisse-moi !… Je veux voir personne… Elle a tout gâché l’autre salope… Tout…
- Mais non !… C’est pas si grave !
- Si, c’est grave, si !… Déjà que tu t’étais complètement détachée de moi !… Mais je me disais que j’avais quand même peut-être encore une toute petite chance… En te pesant pas trop… En me faisant toute légère… C’est foutu… Après ce qui s’est passé là c’est foutu… Non, mais comment j’ai pu faire ça !… Devant tout le monde !… Et en prenant mon pied en plus… Et pas qu’un peu !… Qu’est-ce qu’elles doivent penser les filles !… Pour qui je dois passer maintenant… Je vais plus jamais oser regarder personne en face… J’ai plus qu’à faire mon sac et à disparaître… J’ai bien trop honte…
- Il y a vraiment pas de quoi…
- Tu sais ce que j’aurais dû faire ?… C’est te choisir, toi, tout à l’heure en classe… Au moins j’aurais eu une dernière fois du bonheur avec toi avant de sortir de ta vie pour toujours… J’ai pas osé… J’ai pas voulu… Pourtant il y avait que de toi que j’avais envie… Il y a que de toi que j’ai envie… C’est vrai, tu sais !… Mais pas devant elles… Notre histoire à nous elle est seulement à nous et à personne d’autre… Tu me crois ?
- Bien sûr que je te crois !… Mais à quoi ça t’avance de te mettre dans des états pareils… Allez, calme-toi !… Calme-toi !…
- Tu veux pas me prendre dans tes bras ?… Juste un peu… Un tout petit peu… Merci… Oh, merci… Je suis si bien là… Je te demande rien, tu sais… Je veux pas que tu penses que je te demande quelque chose… Que tu te sentes obligée à quoi que ce soit avec moi… Je n’attends rien… Je ne veux rien… Juste ce que tu veux, toi…
Elle s’est tue. Je l’ai embrassée. On est restées serrées l’une contre l’autre. Elle m’a caressé le cou. La nuque…
- Tu m’en veux pas trop ?
- Je t’en veux pas du tout… Au contraire…
- Au contraire ?… Comment ça au contraire ?
- J’ai aimé te voir jouir… Sans retenue… Comme une petite folle… Devant tout le monde…
- Oui, mais non… C’est parce que…
- C’est parce que ça te met dans tous tes états qu’on te trouve belle… Qu’on t’admire… C’est parce que sentir que tu excitais la prof t’excitait… C’est pas vrai peut-être ?
- Si !… Tu comprends trop de choses… Tu comprends tout…
- J’aime qu’on te désire… Tu es très exactement faite pour ça… Pour que le désir se pose sur toi, s’affole de toi…
- Il n’y a que toi qui compte… Que toi qui as de l’importance… J’irai avec qui tu voudras… Devant qui tu voudras… Chaque fois que tu voudras…
J’ai pris sa tête entre mes mains. Je l’ai attirée entre mes cuisses…

Basile faisait la vaisselle. Une vaisselle monumentale. Et tout seul…
- Il est où Fournier ?…
- Je sais pas… Je l’ai pas vu…
- Dis-moi… Tu le connais bien Félicien ?
- Un peu que je le connais… On est dans le même box…
- Alors ça t’ennuierait de lui faire une commission ?… De lui dire qu’il vienne en boîte demain soir sans faute… T’oublieras pas ?…
- J’oublierai pas, non… Mais c’est indiscret de te demander ce qui se trame ?
- C’est Adeline… Elle a entendu raconter comment il avait ramassé l’autre jour… Elle veut absolument le connaître…
- Il sera ravi… Les femmes de caractère le fascinent… Et avec Adeline il va être servi…
- Et toi ?
- Quoi, moi ?
- Tu aimes quoi ?… Tu as envie de quoi ? Tu cherches quoi ?… Ca fait trois semaines qu’on travaille ensemble ici tous les après-midi et je sais rien de toi… Absolument rien…
- C’est peut-être qu’il y a pas grand chose à savoir…
- T’es pas venu ici pour rien quand même !… Il y avait bien une raison…
- Tu veux vraiment savoir ?…
- Evidemment puisque je te le demande…
- Si je suis ici c’est pour le seul et unique plaisir de te voir recevoir la fessée… Et je dois reconnaître que, jusqu’à présent, j’ai été tout particulièrement gâté…
- Idiot !… Quel idiot tu fais…
- Pas tant que ça… Pas tant que ça…





21ème JOUR


Noémie s’est littéralement jetée sur moi…
- Faut que tu me rendes un service… Faut absolument que tu me rendes un service…
- Si je peux… Mais qu’est-ce qui se passe ?… T’as une de ces têtes !…
- C’est Eric… Il se doute de quelque chose…Faudrait que tu lui dises – il va sûrement te demander – faudrait que tu lui dises qu’on était ensemble toutes les deux hier soir… Qu’on s’est pas quittées de la soirée… C’est important… Très…
- Et on était où ?… On faisait quoi ?
- Rien… On s’est promenées en ville… On a bu un coup… On a discuté… Et on a pas vu le temps passer…
- Et tu crois qu’il va gober ça ?
- J’ai pas le choix… J’ai pas d’autre explication… Du moins qui tienne la route… Et faut absolument que je réussisse à le garder Eric… A tout prix… Parce que jamais je retrouverai une occasion pareille… Jamais…
- Et t’étais où en fait ?
- Ben là-bas !…
- Où ça là-bas ?
- Oh, tu sais bien !… Fais pas l’idiote… Me dis pas que tu m’as pas vue l’autre fois…
- Ah, à l’infirmerie !?
- A l’infirmerie, oui… Ceux-là aussi faudrait les prévenir pour bien faire… Leur dire que j’y remettrai pas les pieds… Bon, mais enfin eux je m’en fiche un peu… Complètement… L’important c’est Eric… Et là je compte sur toi, hein ?… Tu mets le paquet…

Un pied posé sur la margelle, il était absorbé dans la contemplation de quelque chose tout au fond de la grande vasque à jet d’eau…
- Qu’est-ce que tu regardes ?
- Les poissons rouges… Et je me demandais ce qu’ils devenaient l’hiver quand il gèle…
- Ca, alors là, j’en sais rien du tout…
- Tu as quelque chose à me dire ?
- Non… Rien de spécial… Pourquoi ?
- Ca fait un quart d’heure que tu me tournes autour… C’est Noémie qui t’envoie, hein ?!…
- Pas du tout !… Pas du tout !… Pourquoi elle m’enverrait ?…
- Pour me jurer que t’étais avec elle hier soir alors qu’en réalité elle était en train de se faire tirer je sais pas trop où par je sais pas qui…
- Hein ?!… Mais jamais de la vie !… Avec le temps qu’il faisait on a voulu aller faire un tour et…
- Te fatigue pas !… Et puis tiens, je vais te mettre complètement à l’aise… Elle peut bien s’envoyer en l’air avec tout le pays si elle veut j’en ai strictement rien à foutre…
- T’en as rien à foutre d’elle tout court, quoi !
- C’est pas du tout ce que j’ai dit… Elle se croit très maligne Noémie… Elle est persuadée qu’elle mène le jeu à sa guise… Ce n’est peut-être pas aussi simple que ça… Elle ne me manipule peut-être pas aussi facilement qu’elle se l’imagine… Mais bon, ça c’est moi que ça regarde… En ce qui te concerne toi maintenant, concrètement, t’as deux solutions : ou bien tu lui dis que ses salades j’en crois pas un mot, que je suis absolument pas dupe et ça va être des histoire et des complications à n’en plus finir… Auxquelles tu vas forcément être mêlée… Et qui vont à l’évidence te retomber dessus… Ou bien tu lui laisses sagement croire que tu t’es acquittée avec succès de la mission qu’elle t’avait confiée et j’abonderai dans ton sens… Il n’y a guère, je crois, d’hésitation à avoir…

Je les ai présentés l’un à l’autre… « Adeline… Félicien… » Il lui a souri, lui a tendu la main. Elle ne l’a pas prise. Elle l’a toisé, glaciale…
- Alors comme ça c’est vous ?… C’est vous qui épiez dans les douches comme un gamin de huit ans ?
Asséné d’une voix forte. A la table voisine les conversations se sont tues. Filles et garçons ont a levé les yeux sur lui avec curiosité. Il a tiré une chaise…
- Quelqu’un vous a dit de vous asseoir ?
- Non, non, mais…
- Eh bien alors laissez cette chaise tranquille… Et je vous ai posé une question, il me semble…
- C’est moi, oui !…
- Et vous n’avez rien de mieux à faire ?
Il n’a pas répondu. Il a baissé la tête…
- Ici on vous a pris sur le fait et appliqué la sanction méritée, mais ailleurs ?… Parce que je suppose qu’ailleurs vous vous adonnez au même genre d’activités… Sous cette forme ou sous une autre… En toute impunité… Est-ce que je me trompe ?
- Non…
- C’est ignoble… Ignoble de s’introduire dans la vie privée des gens comme ça… Chacun a droit à son intimité… A sa tranquillité… La loi n’est pas assez sévère avec les gens comme vous qui empoisonnent la vie des autres… Ce qu’il faudrait…

On m’a touché le bras. C’était Pernelle. Pernelle qui m’a fait signe de la suivre. Je me suis levée. Adeline ne s’est pas interrompue…
- Alors là, ma petite, là, cette fois…
Elle m’a saisie et traînée par l’oreille, aussitôt la porte franchie, à travers tout le parking…
- Ah, tu cherches !… Eh bien tu vas trouver…
Deux ou trois groupes de jeunes qui fumaient en discutant se sont esclaffés sur notre passage. Elle ne m’a lâchée qu’une fois de l’autre côté sur le petit chemin qui se faufile entre les jardins…
- Alors ça t’a pas suffi ?… Qu’est-ce que je t’avais dit ?… Je t’avais interdit de traficoter avec cette fille… Qu’est-ce que vous êtes encore allé manigancer ?
- Mais rien !… Rien du tout… C’est juste qu’elle voulait faire la connaissance de Félicien…
- Tu n’as pas à lui faire faire la connaissance de qui que ce soit sans m’en demander d’abord l’autorisation…
- Je croyais…
- Tu n’as pas à croire quoi que ce soit… On te l’a déjà dit… Et dès le premier jour… Tu as à appliquer le règlement… Un point c’est tout… Est-ce que c’est compris ?
- Oui…
- J’aimerais quand bien même savoir ce que tu cherches à te prouver en prenant comme ça systématiquement le contre-pied de ce qu’on te demande… As-tu si peu de personnalité qu’il te faille constamment te donner l’illusion, en en affichant haut et fort l’apparence, qu’elle existe bel et bien ?… En attendant que tu trouves une réponse à cette intéressante question, moi, je vais faire mon devoir… Allez !… Mets-toi en position…
- Ici ?… Là ?… Maintenant ?… Mais on peut nous voir !…
- Et alors ?… Estime-toi encore heureuse que ce ne soit pas là-bas, à l’intérieur, que je te punisse puisque c’est là-bas, devant tout le monde, que tu as désobéi…





22ème JOUR


Ils étaient encore couchés…
- Salut !
- Tiens, une revenante !…
- Je m’arrête pas… Je passe juste, en vitesse, pour vous faire une commission de la part de Noémie… Elle m’a demandé de vous dire qu’elle pourra plus venir ici la nuit…
- Ca fait rien… C’est pas grave… Du moment qu’on t’a, toi, à la place, on perdra pas au change…
- Oui, non, mais moi… Non… Bon… Faut que j’y aille… De toute façon faut que j’y aille là…
- On est dimanche… T’as bien le temps de boire un café avec nous quand même !…
- Vous vous faites du café ?!
- Ben oui, tu vois, on s’organise à la longue…
- Et elle dit rien l’infirmière ?…
- Oh, l’infirmière !… On en fait ce qu’on veut de l’infirmière… Sinon il y a belle lurette qu’on serait plus ici… Vingt fois elle a voulu nous chasser et vingt fois on est restés… Elle en a pris son parti… Tu veux combien de sucres ?
- Pas de sucre, non, merci…
- Bon, ben assieds-toi !… Reste pas plantée là… Assieds-toi et raconte-nous… Pourquoi t’es venue ?…
- Hein ?… Mais je vous ai dit… C’est Noémie qui m’a demandé de…
- Non… La vraie raison…
- Mais c’est ça… Il y en a pas d’autre…
- Tu sais quoi ?… Eh bien on parlait justement de toi hier soir tous les trois avant de s’endormir… Et on se disait que le meilleur souvenir qu’on allait garder d’ici c’est la nuit qu’on a passée ensemble tous les quatre l’autre fois…
- Et même que parmi tous les souvenirs qu’on peut avoir celui-là va forcément occuper une place toute particulière… A part de tout… Toujours…
- Vous êtes gentils…
- Et que si tu voulais…
Je me suis levée. J’ai posé un doigt sur mes lèvres…
- Chut…
Je me suis enfuie…

En bas Noémie m’a hélée, rattrapée…
- Ben alors… T’étais passée où ?… Ca fait une heure que je te cherche…
- Fallait que je passe à l’infirmerie…
- Ah oui… Ils doivent se demander ce que je suis devenue ceux-là là-haut… Il faudrait que je… Oh, et puis je m’en fous… Je leur dois rien… Ils pensent bien ce qu’ils veulent… En tout cas bravo, hein, pour Eric !… Je sais pas comment tu t’es débrouillée, mais il a tout gobé… Non… Parce que ça m’aurait vraiment fait chier que tout tombe à l’eau à cause de ces trois idiots là-haut… Juste au moment où ça prenait tournure en plus… Où le poisson était ferré et où il y avait plus qu’à le ramener sur la berge…
- Qu’est-ce tu vas faire maintenant par rapport à eux ?…
- Eux ?!… Mais rien… Absolument rien… Je vais laisser tomber… C’est pourtant pas l’envie qui m’en manque… Surtout qu’ils savent y faire… Et qu’un plan avec trois mecs tu prends vraiment ton pied… Mais bon faut savoir ce qu’on veut aussi dans la vie… J’ai joué avec le feu… C’est passé une fois… Ca passerait sûrement pas deux… Surtout maintenant qu’Eric a la puce à l’oreille… Mais c’est pas grave… Je me rattraperai après quand je l’aurai complètement dans la poche… Non… Ce qui me préoccupe surtout, là, maintenant, c’est Eric… Et de savoir si j’ai intérêt à frapper un grand coup ou si, au contraire, je dois plutôt continuer à resserrer patiemment les mailles du filet… Parce qu’il y a des moments où je me dis que c’est vraiment mûr, que j’ai plus qu’à le cueillir et d’autres où j’ai peur de tout gâcher en voulant trop précipiter… J’ai deux solutions en fait… Tu m’écoutes ?
- Mais oui, je t’écoute, oui… Je fais que ça…
- J’ai deux solutions… Ou bien je lui sors la grande scène du trois dans le registre « J’ai plus de boulot… Bientôt plus d’appart… Qu’est-ce que je vais devenir ? » en espérant qu’il va tilter et me proposer de venir m’installer chez lui… Ou bien je la lui joue lointaine et indifférente – celle qu’en a strictement rien à foutre – et je le laisse venir… Dans les deux cas de toute façon il y a des risques… Va bien falloir que je prenne une décision pourtant… Et rapidement…

- Ca devient une tradition notre banc du dimanche après-midi…
- On est comme les petits vieux… On a nos habitudes…
Eric et Noémie ont disparu à l’angle de l’allée centrale…
- Et pourtant j’aurais plutôt intérêt à prendre la fuite dès que je t’aperçois… Chaque fois je veux te rendre service et chaque fois ça me retombe sur le coin de la figure…
- Oui… Tu t’en es pris une sévère hier soir il paraît…
- C’est le moins qu’on puisse dire…
- Désolé…
- Pas tant que moi…
- On est là pour ça, non ?
- Dans certaines limites quand même… Je ramasse quasiment tous les jours, moi, en ce moment… J’ai le cul dans un état !
- Ca te déplaît tant que ça ?
- Je ne répondrai qu’en présence de mon avocat…
- Si ça peut te consoler moi aussi j’en ai pris une bonne cette nuit…
- Ah oui ?… De qui ?
- Et elle demande de qui…
- Adeline ?
- Evidemment Adeline… Et je peux te dire qu’elle a pas fait semblant… Jamais on m’en avait flanqué une comme ça… Jamais… Personne… Et puis elle, elle y a vraiment pris du plaisir… Sans aucun doute possible… Et alors ça pour moi…
- Vous allez vous revoir ?
- Je sais pas… Je lui ai demandé… Elle a répondu qu’elle avait pas encore décidé… Que je verrais bien… Et que de toute façon j’avais pas à lui poser de questions…
- Ouais… Ouais… Alors tu attends quoi de moi au juste ?… Que j’essaie de percer ses intentions à jour ou que je m’efforce de la convaincre de te revoir ?
- Ni l’un ni l’autre… J’ai déjà suffisamment abusé de ta gentillesse comme ça… Non… J’ai son adresse… Je sais où elle va travailler la semaine prochaine quand tout sera fini ici… Ce serait bien le diable que je n’arrive pas à obtenir qu’elle m’en colle d’autres… Surtout en faisant tout pour ça… Et je sais me montrer patient quand il le faut…
- Tu vas rester un peu dans le coin du coup alors ?
- Et peut-être définitivement si mes projets aboutissent…
- Quels projets ?
- Ah ça, j’en parle pas… Tant que ça n’aura pas vraiment abouti j’en parle pas…








23ème JOUR


On était à peine installées qu’un vent de fronde s’est mis à souffler ouvertement sur le cours de Français…
- C’est le dernier lundi, M’sieur !… Et vous savez combien il y en a des filles à qui vous l’avez donnée ?
- Trois ou quatre, il me semble…
- Deux !… Seulement deux… Noëlle et Jezabel… Parce que Laetitia ça compte pas… C’est monsieur Tixier qui lui a fait…
- Oui… Et alors ?
- Et alors on est seize… Ca veut dire qu’il y en a quatorze qui y ont jamais eu droit…
- Il y a d’autres cours que les miens…
- Oui, mais il y a des tas de filles c’est de vous qu’elles voulaient la recevoir…
- Et puis le prof de Maths de toute façon il s’intéresse qu’aux garçons…
- Et celle d’Anglais elle a ses têtes… Et quand on dit ses têtes…
- Non… Ce qu’il y a c’est qu’on va pas tarder à repartir et qu’il y en a plein elles en auront même pas eu une…
- Il reste encore pas loin d’une semaine… Et en une semaine…
- En une semaine tout le monde y passera pas… C’est impossible…
- Mais enfin c’est incroyable, ça !… Où avez-vous lu, où que ce soit, dans le règlement, qu’on garantissait, au cours du séjour, au moins une fessée à chacune des pensionnaires ?
- C’est quand même pour ça qu’on est venues…
- Eh bien il faut croire qu’au fond de vous-mêmes vous n’en aviez pas suffisamment envie… Qu’il subsistait en vous des réticences dont vous n’aviez pas forcément conscience… Quand on désire vraiment quelque chose on fait en sorte de l’obtenir… Il n’était quand même pas sorcier de vous conduire de façon telle que vous auriez été inéluctablement fessées… Pendant mon cours ou ailleurs… Certaines d’entre vous y sont parvenues sans la moindre difficulté… Alors je conseille vivement aux autres de s’interroger sur leur propre comportement plutôt que de se chercher des boucs émissaires à droite et à gauche… Bien… Mais je conçois malgré tout parfaitement que vous ayez pu ressentir comme profondément injuste le traitement de faveur dont ont bénéficié vos deux camarades… Nous allons donc nous efforcer de rééquilibrer au mieux les plateaux de la balance… Noëlle !… Jezabel !… Au tableau !…
Elles ont obéi sans un mot…
- Vous avez parfaitement conscience, j’imagine, d’être toutes les deux des privilégiées… Sans que cet état de fait puisse, aux dires de vos camarades, recevoir le moindre commencement de début de justification… Il est donc, vous en conviendrez, tout à fait légitime que vous soyez sanctionnées pour avoir obtenu indûment des avantages auxquels vous n’étiez pas en droit de prétendre… Non ?… Vous n’êtes pas de cet avis ?…
- Si !…
- Très bien… Alors vous allez gentiment me baisser ces petites culottes et vous mettre dans la position appropriée pour recevoir la punition méritée…

Mina a écarquillé les yeux…
- Une fessée ?… Toi ?… A un type ?… A qui ça ?…
- Felicien… Tu sais bien !… Le vieux qui les espionnait là-haut dans les douches…
Elle a donné un petit coup de menton dans ma direction…
- C’est elle qui me l’a fait connaître… En boîte…
- Et pourquoi tu lui en as mis une ? Qu’est-ce qu’il t’avait fait ?
- A moi rien… J’avais envie, c’est tout…
- Et alors ?… Eh bien raconte, quoi !
- Il y a pas grand chose à raconter… Une fessée, c’est une fessée…
- Raconte quand même !…
- Ben je lui ai fait la leçon… A cause de l’histoire des douches justement… Longtemps… Il était trop drôle… Il osait pas me regarder en face… Tu aurais dit un petit garçon pris en faute… Quand j’ai trouvé qu’il était juste à point je l’ai emmené, parce qu’elle habite tout près, chez Clotilde… Qui est tombée des nues… « D’où tu me sors ça ? »… Qui s’est assise à côté de moi sur le canapé… Qui m’a regardée lui ouvrir sa ceinture, en prenant tout mon temps, lui déboutonner le pantalon, le lui faire dégringoler sur les chevilles… le slip aussi… Je l’ai fait basculer sur mes genoux… C’était encore tout rouge de la fois d’avant quand elles, elles lui ont fait en classe… Je lui en ai remis une couche… Et je peux te dire que j’y suis allée de bon coeur…
- Il faisait quoi ?
- Qu’est-ce que tu voulais qu’il fasse ?… Il gigotait et il glapissait comme quelqu’un qui se prend une fessée…
- Et Clotilde ?
- Elle était au spectacle Clotilde… Et je peux te dire qu’elle appréciait… Elle était encore plus rouge que lui à la fin… De figure je veux dire…
- Et toi ?…
- Oh, moi…
- Tu recommenceras ?
- Un peu que je recommencerai…
- Avec celui-là ?
- Avec celui-là ou avec d’autres… Parce que jusque là je savais pas, mais comment tu jubiles de leur rabattre leur caquet !… Ils veulent toujours avoir le dessus avec nous… Etre les plus forts… les plus ceci… les plus cela… Faut toujours qu’ils cherchent à nous rabaisser… Ca, ils savent faire… Normal qu’il y en ait qui paient… Ca rétablit l’équilibre… Dans une certaine mesure…

- Ca y est !… Tu sais pas quoi ?… Eh bien ça y est !…
- Qu’est-ce qui y est ?
- Eric… On a eu une longue conversation tous les deux… Et il va m’héberger… Pour un temps il a dit… « - Le temps que tu te trouves un appart… Et du boulot… » Mais enfin ça !… Une fois que je serai dans la place il est pas près de me déloger… Parce que je vois pas pourquoi j’irais débourser sept ou huit cents euros par mois pour le plaisir de me dire que je suis chez moi et que je dois rien à personne… Si je sais m’y prendre – et je saurai m’y prendre – je serai plus chez moi chez lui que lui… Quant à devoir quelque chose à quelqu’un c’est pas demain la veille… Et franchement faudrait être complètement idiote pour aller se crever au taf alors qu’il est kiné et qu’il gagne des cents et des mille qu’il a même pas le temps de dépenser… Faut bien que quelqu’un s’en occupe à sa place… Ah, je peux te dire que ça va être la belle vie… Et que je vais m’éclater…
- T’as pas peur qu’un jour ou l’autre ça finisse tous les deux et que tu te retrouves le bec dans l’eau ?
- Oh pour ça, non !… J’en fais ce que je veux… Et j’en ferai de plus en plus ce que je veux… C’est d’un fonctionnement hyper simple un mec finalement… Et celui-là encore plus que les autres… Quand t’as compris ça t’as tout compris… Et t’en fais ce que tu veux… Oui… T’as raison… Un jour ça finira peut-être… Sûrement même… Mais ce sera parce que moi je l’aurai décidé… Parce que j’en aurai fait le tour… Qu’il pourra plus rien m’apporter… Ou que j’aurai trouvé mieux ailleurs…
- Dans ces conditions…


24ème JOUR


- Avouez, Mademoiselle !…
La Mac Miche tapotait le bout de sa chaussure avec celui d’une longue règle plate toute neuve…
- Avouez que vous espériez bien, après ce qui s’est passé mardi dernier, que j’aurais oublié que vous êtes en dette avec moi…
Cynthia s’est aussitôt rebiffée…
- J’avoue rien du tout…
- Mais j’ai une excellente mémoire… Surtout quand il s’agit de ramener à la raison des petites péronnelles effrontées… Venez ici !
Elle a obtempéré d’un pas décidé, s’est immobilisée au pied du bureau…
- Bien… Vous savez ce qui vous reste à faire…
Elle l’a fait. Avec détermination. Tout. Tous ses vêtements. Jetés n’importe comment, en vrac, sur le bureau. Et elle a attendu…
- Décidément, toi, ma petite, je n’aime pas du tout, mais alors là pas du tout, tes manières… Tourne-toi !… Et accroche-toi bien, des deux mains, au bureau… Tu vas en avoir besoin… Accroche-toi et compte !… Surtout n’oublie pas de compter…
Et elle a tapé. En prenant, chaque fois, de très loin son élan. Elle a tapé et Cynthia a compté…
- Trente-sept… Trente-huit… Vingt-neuf…
Mac Miche s’est arrêtée. Elle a arpenté la classe de long en large. De la fenêtre à la porte et de la porte à la fenêtre…
- Très bien… Très bien… Ah, c’est comme ça !… C’est comme ça… Oh, mais elle va voir !… Si elle compte avoir le dernier mot avec moi !… Si elle se figure que je vais laisser une petite mijorée dans son genre faire la loi pendant mes cours… Sûrement pas !… Alors là sûrement pas ! Rira bien qui rira le dernier…
Elle s’est arrêtée…
- Bon… Tu sais ce qu’on avait dit, toi !?… T’étais prévenue… Alors on recommence… A zéro… Et cette fois tâche de ne pas te tromper… Parce que ça pourrait aller mal, très très mal, pour ton matricule…
Et c’est reparti… Cynthia ne pleurait pas, ne gémissait pas, ne se plaignait pas, ne criait pas. Elle comptait…
- Trente-sept… Trente-huit… Vingt-neuf…
Un cri de rage et la Mac Miche a jeté la règle, de toutes ses forces, à travers la classe. Jezabel a dû se coucher précipitamment sur son pupitre pour l’éviter…
- Fous le camp !… Fous-moi le camp !… Dehors !… Dégage !
Elle l’a poussée vers la porte…
- Je veux plus te voir… Remets jamais les pieds ici… C’est qui sa chef de box ?
Pernelle a levé la main…
- C’est moi…
- Emmène-moi ça chez le directeur !…
Elle a voulu lui récupérer ses affaires, sur le bureau, au passage…
- Non… Laisse-les là… C’est sans rien qu’elle va se présenter chez le directeur… Que ça lui serve de leçon…
Elle a claqué la porte sur elles…
- Et qu’elle se pointe la prochaine fois pour voir !…
Jezabel a tranquillement constaté…
- Il y a pas de risques, M’dame… C’est votre dernier cours aujourd’hui…
- Oui, ben heureusement !… J’en ai soupé de vous toutes… Vous pouvez être sûres d’une chose, c’est que je vous regretterai pas…
- Nous non plus, M’dame !
- Vous n’êtes qu’une bande de petites écervelées incultes…
- Merci, M’dame…
Elle a haussé furieusement les épaules, elle a pris son sac et elle est sortie…

- Alors ?… Il t’a dit quoi le directeur ?
- Oh, rien… Rien… Pas grand chose…
- Il t’en a mis une autre ?
- Non… Il m’a fait la morale… Le couplet habituel… Qu’on est là pour apprendre… Pour préparer notre avenir… Qu’on regrettera plus tard de pas avoir travaillé quand c’était le moment… Qu’on a des professeurs d’une qualité exceptionnelle… Etc, etc… J’écoutais pas… Il a fait durer tant qu’il a pu… Histoire de se rincer l’œil vu que j’étais à poil devant lui de l’autre côté du bureau… En tout cas, au bout du compte une chose est sûre : c’est elle qu’a calé… C’est pas moi…

- Tiens, tu m’aides ?
On a attrapé la grande bassine chacune d’un côté, Adeline et moi... On l’a vidée dans l’évier…
- Hou !… C’est lourd que le diable ces machins-là…
Elle s’est assise sur le rebord de la table de la cuisine…
- Je l’ai revu Félicien… Hier… Vite fait…
- Ah oui ?!… Et alors ?
- Tu le connais bien, toi ?
- Sans plus… J’ai discuté deux trois fois avec lui… Pourquoi ?
- Je sais pas… Il m’a dit des trucs…
- Quels trucs ?
- Pour ici l’année prochaine… Qu’il y en aurait plus des stages-fessée… Que c’était fini… Que ça allait être vendu les bâtiments et complètement transformé… T’as entendu parler de quelque chose ?
- Non… Rien… Mais c’est possible après tout…
- Il avait des airs de conspirateur… Comme s’il en savait beaucoup plus que ce qu’il voulait bien dire… Mais ce qu’il y a surtout c’est qu’il avait l’air d’insinuer que ça allait changer plein de choses pour moi si je voulais… Je vois vraiment pas ce que ça pourrait changer… C’est juste un truc d’appoint l’été pour moi ici… Le reste du temps j’ai mon boulot… Je sais pas ce qu’il a dans la tête, mais j’ai intérêt à me méfier, je crois…
- Peut-être, mais pas forcément… Parce que, pour autant que je puisse en juger, il est quand même pas mal plombé… Il a énormément apprécié – il me l’a dit – la fessée que tu lui as donnée samedi… Alors qu’il ait commencé à bâtir des châteaux en Espagne c’est plus que vraisemblable… Toute la question est de savoir s’ils restent dans le domaine du possible ou s’ils sont purement chimériques… Une chose me paraît évidente en tout cas, c’est qu’il est prêt à consentir bien des sacrifices pour continuer à recevoir des fessées de ta main…
- S’il y a que ça pour lui faire plaisir !… Je peux pas dire que, de mon côté, je trouve ça vraiment désagréable… Bien au contraire…
- C’est justement ça qui le met dans tous ses états…





25ème JOUR


Leurs baisers étaient doux. Leurs caresses délicieusement savantes. Je m’offrais à eux. Eux trois. Là-bas, à l’infirmerie. J’étais tout désir, toute volupté, toute attente, tout abandon. Une fille a crié. Je me suis réveillée en sursaut. En sursaut et en nage. J’ai soupiré. J’étais dans mon lit. J’avais rêvé…

Tout autour on s’est tourné. Retourné. On s’est paisiblement rendormi. Et si ?… Ah non, non !… Tu vas pas faire une chose pareille !… Non… Faut être raisonnable… Et puis si tu te fais prendre… Pourquoi voudrais-tu te faire prendre ?… Il n’y a aucun espèce de raison… Et quand bien même !… Et alors ?… La belle affaire… Oui, mais non… Non… Faut quand même reconnaître : t’es incroyable, ma pauvre fille !… T’es toute seule… T’as personne dans ta vie… T’as l’occasion de t’offrir du bon temps avec trois types absolument charmants qui te prennent pas la tête et faut que t’ailles t’inventer des tas de prétextes pour pas le faire… Mais quand est-ce que tu te débarrasseras enfin de cette éducation à la con ?… Mais vas-y !… Vas-y !… Réfléchis pas !… Fonce !… Allez, fonce !

J’ai foncé… Jusqu’en haut de la cage d’escalier. A côté, dans sa chambre, Tixier ronflait. Je me suis arrêtée. J’ai posé un pied sur la première marche… Je l’ai retiré… Bon, alors tu te décides, oui ?… Une bonne fois pour toutes ?… Oui… Oui… Mais d’abord un petit tour à la salle de bains. Au pied du lavabo une pièce brillait. C’était un signe… Pile, j’y descends… Face, je vais me recoucher… Je l’ai lancée… Face… Non… J’ai haussé les épaules… Le genre de superstition débile… Non, mais tu vois à quoi t’en es réduite ?… Bon, allez, assez tergiversé… J’y vais…

Le premier lit juste à côté de la porte c’était celui de Martial. Je m’en suis approchée à tâtons. Je me suis penchée sur lui. Il respirait paisiblement. Profondément. Plus près. Encore plus près. Il a surgi brusquement du sommeil…
- Qu’est-ce que c’est ?… Qui c’est ?
- C’est moi, Raphaëlle…
- Ah, c’est toi ?!… Qu’est-ce qui se passe ?
- Rien… Rien, je…
- Tu… Oui… Viens !… Monte !…
Il m’a blottie contre lui…
- Chut !… Dis rien… Fais pas de bruit… Les réveille pas… J’ai envie que ce soit juste toi et moi… Que nous deux… Tu veux bien ?
Il n’a pas attendu la réponse. Son désir s’est pressé contre moi. A impatienté le mien…
- J’ai envie… J’ai envie de toi… J’ai envie… Tellement…
Il m’a pénétrée, conquérant, impérieux, s’est élancé comme un furieux à la conquête d’un plaisir qu’il a presque aussitôt obtenu…
- Pardon… Désolé… Pardon…
- Ca fait rien… C’est pas grave…
Il est resté en moi, un bras passé sous ma nuque…
- C’est ta faute aussi… On n’a pas idée de donner autant envie…
- J’ai pourtant rien de spécialement canon…
- C’est pas ça qui compte… C’est pas ça qu’est important… C’est que tu as quelque chose… Quelque chose qui n’est qu’à toi… Et qui remue… Tellement…
Son baiser dans mon cou s’est prolongé longtemps. Son désir est revenu. Il m’a habitée. Il m’a enveloppée, toute tendresse. Il m’a éperdue…
- Oui, petite femelle, oui !… Prends ton bonheur !… Prends-le !
Ca a surgi de très loin. Ca m’a emportée. Ca m’a ramenée…

Un autre souffle sur ma nuque. D’autres mains sur mes seins. Sur mes fesses. D’autres lèvres en errements doux... Eux deux… Eux trois…
La lumière a brusquement surgi, aveuglante.
Tixier… Tixier avec l’infirmière…
- Toi, ma petite, tu as gagné le gros lot… En attendant vous nous la mettez à l’isolement, Madame Mercier ?
Elle a silencieusement acquiescé, m’a entraînée jusqu’à une minuscule petite pièce. Indiqué le lit d’un grand coup de menton…
- Le mieux que tu aies à faire maintenant, c’est de te coucher… Et de dormir… Parce que demain la journée sera rude…
Elle a claqué la porte. La clef a tourné dans la serrure. Elle s’est éloignée…

C’est Monsieur Ménisson qui est venu me délivrer… Qui a soupiré…
- Encore toi !… Décidément t’en loupes pas une !… Mais cette fois c’est le bouquet… Bon, mais on va aller régler ça… Suis-moi !
A travers les couloirs. Sans se retourner…
- M’sieur Ménisson…
Il n’a pas répondu. Il a accéléré le pas…
- M’sieur Ménisson…
Plus fort…
- Qu’est-ce qu’il y a ?
- Faudrait que je passe au dortoir…
- Pour quoi faire ?
- Ben, pour m’habiller… Je…
- T’es à poil, oui… Et alors ?… Pour ce qui t’attend c’est la tenue la plus appropriée…
Il s’est arrêté devant la porte du réfectoire…
- Bouge pas de là… Je reviens…
A l’intérieur il a parlé. Longtemps. Mais impossible d’entendre ce qu’il disait. Même en collant l’oreille contre la porte…
- Entre !
Dans un silence absolu. Tous les regards braqués sur moi.
- Avance !
Sans rien voir. Sans regarder personne. Jusqu’à une chaise qui avait été placée en plein milieu du réfectoire, à égale distance de la table des garçons et de celle des filles…
- Approchez, vous autres !…
Tous les trois…
- Qui commence ?
Lionel s’est avancé…
- Moi !…
Il s’est assis sur la chaise. Monsieur Ménisson m’a poussée vers lui, fait basculer en travers de ses genoux. C’est tombé…





26ème JOUR


- C’est le dernier cours aujourd’hui…
- On vous aura l’année prochaine, M’sieur ?
- Vous verrez bien…
- On aura le droit de vous écrire en attendant ?
- Et si on a besoin de cours particuliers, vous en donnez ?
- Oh oui, parce que moi, j’en ai vachement besoin…
- Moi aussi… Bien plus qu’elle… Et puis d’abord on dit pas « vachement »… Hein, M’sieur, qu’on dit pas vachement ?
- Vous allez commencer par vous taire… Et par vous asseoir correctement… Tu comprends le Français, Emilie ?… Bien… Alors quelles sont celles d’entre vous qui estiment que des cours d’appoint leur sont nécessaires ?
Des mains se sont spontanément levées. D’autres – dont la mienne – ont hésité. Ont fini par s’y résoudre. Il a compté…
- Treize… Vous êtes treize à faire preuve d’une lucidité qui vous honore… Quant aux trois autres… Etes-vous si imbues de vous-mêmes que vous soyez dans l’incapacité d’admettre l’état pitoyable de vos connaissances ?… Hein ?… Eh bien répondez !… Ca va, Aglaé, tu es contente de toi ?… Tu estimes sans doute que tu as une maîtrise suffisante de la langue pour pouvoir te dispenser de la travailler ?…
- Mais non, mais…
- Mais non, mais quoi ?… S’il y en a une ici qui aurait dû se précipiter pour lever la main c’est bien toi… Au cours de ma déjà longue carrière je n’ai encore jamais eu d’élève qui soit capable d’aligner autant de fautes que toi au centimètre carré … Et toi, Emma ?… Je défie n’importe qui de comprendre quoi que ce soit au charabia qui semble te servir de langue maternelle… Quant à toi, Cynthia, je préfère m’abstenir de tout commentaire… La virulence de mes propos traduirait avec beaucoup trop d’exactitude le fond de ma pensée… Alors c’est vous, vous trois – et vous seules – qui bénéficierez de cours de soutien… Vous viendrez me voir toutes les trois, à la fin de l’heure, pour que nous puissions prendre les dispositions nécessaires…
Cynthia m’a poussée du coude…
- T’as vu ça ?… Bien joué, hein ?… Mais je commence à savoir comment il faut le prendre, lui…

Avec Adeline et Mina aussi, aux cuisines, c’était le dernier jour…
- Vous aviez promis, M’sieur Fournier, pour Basile…
Penché sur les fourneaux, il faisait celui qui n’entendait pas. Adeline a haussé les épaules…
- On n’a pas besoin de lui… Moi aussi, je sais la donner aux mecs la fessée maintenant si je veux…
- T’es pas cap…
- Alors ça, c’est ce qu’on va voir… Depuis le temps qu’il m’agace ce Basile avec ses regards par en-dessous…
Elle s’est approchée de lui…
- Alors comme ça on te plaît que t’arrêtes pas de nous mater le cul en douce ?…
- Hein ?… Mais non, mais…
- Et menteur avec ça !… Tu crois qu’on te voit pas faire ?… Depuis le début… Depuis le tout premier jour tu penses qu’à ça… T’es un vicieux… Et de la pire espèce… De ceux qui assument pas… Les sournois… Les « qui veulent pas avoir l’air »… Regarde-moi quand je te parle…
Il a brièvement levé les yeux sur elle, les a aussitôt baissés…
- Regarde-moi, j’ai dit !… Là… Reconnais que t’en as mérité une… Et une bonne !… Eh bien ?… Tu réponds ?
C’est Fournier qui a répondu…
Vous allez lui ficher la paix à ce pauvre garçon, oui ?… Venez, Basile, venez… Vous allez m’aider à remettre le réfectoire en ordre…
- Quel salaud !… T’as vu comment il m’a cassé mon coup ?… C’était mûr, là… Ca allait le faire… Oh, mais j’ai pas dit mon dernier mot… Il finira par se la ramasser… Un jour ou l’autre il se la ramassera…
- Je vois pas comment maintenant… On le reverra pas Basile… Ou alors l’année prochaine… S’il revient…
- Il a vraiment un problème avec ça Fournier… Vu comment il s’est précipité pour me l’arracher des mains… C’est à lui qu’il faudrait en coller une, tiens !
- Oui, ben ça faut pas rêver… Ca arrivera jamais…
- Qui sait ?… Qui sait ?… C’est tellement bizarre la vie des fois…

Noëlle s’est jetée à l’eau…
- Tu comptes faire quoi ?… Pour nous – pour nous deux – tu comptes faire quoi ?
- Comment ça « Je compte faire quoi ? »
- J’en peux plus d’attendre, Raphaëlle… De me demander sans arrêt… C’est trop cruel…
- De te demander quoi ?
- Ben, tes intentions… Si tu veux qu’on se revoie toutes les deux quand on sera parties d’ici…
- Tu as ta vie… J’ai la mienne… On va pas tout bousculer, tout mettre sens dessus dessous pour s’apercevoir trois mois après, si ça tombe, qu’on s’est complètement plantées… Et qu’on n’est pas faites – mais alors là pas du tout – pour vivre ensemble…
- Non, non, mais je veux pas ça… J’ai pas demandé ça…
- Mais tu y as pensé…
- Oui, j’y ai pensé, oui… Mais juste comme ça… On fera ce que t’as envie, toi… Seulement ce que t’as envie, toi… Tout ce que t’as envie, toi… Même qu’on se voie que de temps en temps pour que tu me mettes la fessée ou que tu me la fasses donner par quelqu’un que tu voudras ça me va… Ca me va très bien… Et t’auras même pas besoin de faire tous les kilomètres entre nous… Je viendrai… Je viendrai, moi… Suffira que tu m’appelles… Que tu me dises…
- Oh, mais je pourrai bien venir aussi… Chacun son tour…
Son visage s’est illuminé…
- Mais alors ça veut dire que tu veux bien qu’on continue à se voir…
- Ben bien sûr !…
Elle s’est jetée dans mes bras. Elle s’y est blottie…





27ème JOUR


Les tables avaient été repoussées contre les murs. Recouvertes d’un monceau de boissons, de gâteaux et de friandises diverses. Deux baffles avaient été diposés sur l’estrade, de chaque côté du bureau…
- C’est quoi ce chantier ?
- Entrez, Mesdemoiselles, entrez !…
Quand la prof d’Anglais a vu que Noëlle était nue son visage s’est illuminé…
- Tu es une bonne petite… Bien obéissante… Tu es une très bonne petite… Eh bien faites comme elle, vous autres !… Restez pas plantées là comme des bûches… Retirez-moi tout ça !… Vous n’imaginez tout de même pas que je vais vous laisser rentrer chez vous sans même savoir comment vous êtes faites là-dessous ?!… Toutes !… Toutes !… Allez !… Et on se dépêche…
C’est Roxane qui a commencé à l’autre bout là-bas… Et puis Jezabel… Et puis Trianne… D’autres… D’autres encore…
Elle, elle sautait d’un groupe à l’autre…
- Allez, allez !… Vous aussi !… Qu’est-ce que vous attendez ?… Ne sois pas ridicule, toi !… Allez, comme tout le monde !… Très bien !… Tu vois que c’est pas si difficile !… Et tu es mignonne comme tout en plus !… Et vous là-bas… Bon ça y est ?… Vous y êtes ?… Toutes ?…
Son regard a couru sur nous, s’y est troublé, longuement alangui. Elle s’est enfin tournée, comme à regret, vers le bureau…
- On fait la fête maintenant… C’est le dernier jour… Une fête à tout casser… Et tout le monde s’amuse… Tout le monde…
Et elle a lancé la musique. A pleine puissance. A rythme endiablé. Elle a fait signe…
- Allez !… Allez !…
Une fille a commencé à danser. Une autre. Une autre encore.
- Allez !… Allez !…
De plus en plus. Toutes…
- Allez !… Allez !… Que ça saute !…
Pour sauter ça sautait.. Ca sautait et tressautait. A pleines poitrines. A pleines mamelles. Les petites. Les grosses. Les dodues. Les décharnées. De plus en plus vite. De plus en plus fort. De plus en plus haut. Fascinée, elle ne nous quittait pas des yeux. Elle ne les quittait pas des yeux…
Ca s’est brusquement arrêté. Ca a repris. Un slow. Noëlle m’a regardée venir vers elle. On s’est enlacées. Elle a laissé tomber sa tête dans mon cou…

Monsieur Fournier nous a envoyés, Basile et moi, porter des chaises jusqu’au grand terrain plat qui prolonge, à l’ouest, la cour de récréation…
- Il en faudra bien une bonne centaine… Oh oui… Largement…
- Des chaises ?… Pour quoi faire des chaises ?
- Ben pour demain, tiens, cette question…
Et il nous a plantés là…
Là-bas des types – parmi lesquels Eric et Félicien – étaient en train de monter une estrade…
- Qu’est-ce que vous faites ?… C’est quoi ce truc ?…
- Le podium pour la distribution des prix demain…
- Il y a une distribution des prix ?
- Evidemment qu’il y a une distribution des prix… T’as déjà vu une école sans distribution des prix, toi ?
- A qui ils les donnent ?… Comment ?… On n’a jamais eu de notes…
- Il y a pas besoin de notes…
Leurs chefs de box les ont rappelés à l’ordre…
- Vous êtes là pour bosser… Pas pour discuter… Et vous deux, vous faites ce que vous avez à faire et puis vous circulez…

- On y va ?… On va danser ?
Je me suis levée pour les suivre…
Pernelle a exigé…
- Non, toi, tu restes là…
Elle m’a regardée me rasseoir, m’a soufflé sa fumée à la figure…
- Ca t’a pas suffi ce matin en Anglais ?… Tu t’es pas assez donnée en spectacle comme ça ?… J’en avais honte pour toi… Mais tout se paie un jour… Tout… Tôt ou tard… Pour ça aussi tu paieras… Parce qu’on est appelées à se revoir toutes les deux… Ca fait pas l’ombre d’un doute… Pas ici… Puisque – c’est maintenant officiel – les bâtiments sont vendus… Mais ailleurs… Quelqu’un finira bien, un jour ou l’autre, par organiser quelque chose d’analogue quelque part… Moi peut-être… Qui sait ?… Mais de toute façon tu me retomberas entre les griffes… Quand je voudrai… Quand je le jugerai bon… Et tu sais pourquoi ?… Parce que tu es dans l’incapacité totale de me refuser quoi que ce soit… Tu as besoin de ça… De quelqu’un qui te dirige… Qui te prenne en mains… Qui décide de tout ce qui te concerne à ta place… C’est dans ta nature… Enraciné au plus profond de toi… C’est pas vrai peut-être ?…
Je n’ai pas répondu. J’ai fixé quelque chose très loin au-dessus d’elle…
- Et quand bien même tu voudrais le nier ça te transpire de partout… Tu cherches d’ailleurs encore de temps à autre à le nier… Avec l’énergie du désespoir… En pure perte… On ne va pas contre soi-même… Tu ferais beaucoup mieux d’en prendre une fois pour toutes ton parti et d’admettre que tu ne pourras t’épanouir que sous la coupe de quelqu’un qui aura accepté de te prendre totalement en charge… Il y a des personnalités faites pour diriger et d’autres pour être dirigées… C’est comme ça et ça n’a absolument rien de déshonorant… Bien au contraire…
Elle m’a pris le menton dans la main par-dessus la table…
- Regarde-moi !…
Obligée à rester dans ses yeux…
- Accepte-toi !… Accepte enfin d’être toi-même et tu seras pleinement heureuse…
Elle m’a lâchée…
- Tu seras à moi… C’est pas encore tout à fait mûr… Tu seras à moi… Je ne te lâcherai pas…





28ème JOUR


Nous, les filles, debout à droite de l’estrade. Et les garçons debout à gauche. En face, sur les chaises, des gens endimanchés qu’on ne connaissait pas. Qu’on n’avait jamais vus. Qui nous examinaient avec curiosité…
- C’est quoi tous ces pantins ?
Qui nous montraient du doigt. Qui commentaient à qui mieux mieux. Qui rigolaient...
- On doit vraiment avoir des billes de clowns…
- Chuuuuut !…
Le directeur arrivait, suivi de monsieur Ménisson et des deux surveillants de dortoir… Les applaudissements ont crépité…
- Merci, merci…
Il a sorti un papier de sa poche…
- Mesdames, Messieurs, Chers amis… C’est un honneur pour moi de vous accueillir ici aujourd’hui… Laissez-moi d’abord vous remercier d’avoir pris sur votre temps – si précieux – pour venir assister à cette cérémonie des prix qui nous tient tant à cœur… Votre présence ici est en effet la plus belle des récompenses pour nos pensionnaires qui ont fourni, tout au long de ce stage, des efforts méritoires n’ayant pas – il faut bien le dire – toujours été couronnés de succès malgré la patiente sollicitude de nos professeurs et la mise en œuvre obstinée des méthodes qui ont fait notre réputation… C’est pourquoi, comme les autres années – vous en avez maintenant l’habitude – ce n’est pas en fonction des résultats obtenus dans les différentes disciplines que nous avons établi notre palmarès, mais compte tenu du courage et de la docilité dont ont fait preuve nos élèves quand il s’est agi de recevoir les punitions qu’ils avaient méritées…
Il a regardé alternativement vers nous et vers les garçons. Encore nous. Encore les garçons. Encore nous…
- Honneur à ces demoiselles…
Il a marqué un long temps d’arrêt, s’est éclairci la gorge…
- A l’unanimité le prix d’Excellence a été attribué à… Raphaëlle…
- C’est toi !… Eh bien vas-y !…
- Allez !… Qu’est-ce t’attends ?… Faut que tu y ailles…
On m’a poussée. Je me suis laissé dériver jusqu’au directeur qui, tout sourire, m’a fait claquer deux bises sous les applaudissements nourris du public…
- Toutes mes félicitations !…
Monsieur Ménisson s’est avancé et m’a présenté quelque chose sur un joli petit coussin rouge…
- Ton prix…
C’était un martinet…
- Eh bien prends-le !
J’ai failli le faire tomber, l’ai rattrapé au vol…
- Tu sauras en faire bon usage, je n’en doute pas… Ou plutôt le confier à quelqu’un qui saura en faire très bon usage… Pour ton plus grand profit…
Dans le public on a réclamé…
- Qu’est-ce que c’est ?
- On voit pas !…
- Qu’elle le montre !…
Je l’ai brandi. Il y en a qui se sont avancés, pour mieux voir, tout au bord de l’estrade. On a encore énergiquement applaudi. Le directeur m’a fait signe de regagner ma place, a patiemment attendu que le calme soit revenu…
- Bien… Bien… Aux garçons maintenant…
Il a déplié un autre papier…
- A la majorité absolue le prix d’Excellence a été attribué à… Basile…
Qui s’est avancé à son tour…
- Quel salaud !…
Deux ou trois filles se sont retournées sur moi…
- Non, mais comment il cachait bien son jeu ce salaud !

Au dortoir, le martinet est passé de main en main…
- Ils se sont pas fichus de toi… Ca doit coûter une fortune un truc pareil… Tout sculpté et serti de pierres précieuses comme ça…
- C’est pas des vraies, tu parles !
- Quand même !… C’est de l’ébène le manche… Ou un truc comme ça…
- Et là, c’est de l’ivoire vous croyez ?
- Moi, c’est les lanières surtout qui m’impressionnent… Vous avez vu les lanières ?… Quand on te cingle avec ça tu dois le sentir passer…
Il n’arrêtait pas d’arriver des filles de tous les côtés. De tous les autres box…
- Tu vas t’en servir ?
Pernelle le leur a arraché des mains…
- Evidemment qu’elle va s’en servir… Et pas plus tard que tout de suite…
Elle m’a fait agenouiller au bord de mon lit…
- Relève ta robe !… Baisse ta culotte !… Là… Et maintenant explique-nous !… Explique-nous comment tu t’es débrouillée pour l’avoir le prix…
- Hein ?!… Mais c’est pas vrai !… J’ai pas…
- Ben voyons !… Non, mais à qui tu veux faire croire ça ?… Allez, dis-nous !… Dépêche-toi !…
- Je savais même pas que…
Elle a cinglé. A toute volée. Trois fois…
- Alors ?… Lequel tu t’es mis dans la poche ?… Le directeur ?… Ménisson ?… Tixier ?
- Mais personne !…
Une dizaine de coups. Rapprochés. Bien appuyés. J’ai gémi…
- Lequel ?
Encore d’autres. Plus rapides. Plus forts…
- Monsieur Ménisson…
- Ah, tu vois que tu peux te montrer raisonnable quand tu veux… Ménisson !… Je l’aurais parié… Tu lui as sorti le grand jeu, hein ?… Elle vous l’a volé, les filles, ce prix… Et en beauté !… Alors si il y en a qui veulent, vous gênez pas…
Elle m’a pesé de toutes ses forces sur la nuque, écrasé la figure dans les couvertures. Il y en a qui ont voulu. Je n’ai pas vu qui. Je n’ai pas su qui…

Elle m’a fait relever. A enfoui le martinet dans son sac…
- Confisqué… Il n’est pas à toi… Mais rassure-toi !… Tu auras l’occasion d’en tâter encore…





29ème JOUR


Sur le terre-plein en bas c’était des embrassades à n’en plus finir. Des larmes. Des serments…
- On s’écrira, hein !?… On se téléphonera… On se perd pas de vue…
Noëlle, elle, était assise à l’écart, ses sacs entre les jambes, sur la dernière des marches qui mènent à la cour de récréation…
- Qu’est-ce tu fais là toute seule ?
Elle a haussé les épaules. Elle avait pleuré…
- Tu seras chez toi le 12 ?
- Le 12 qui vient, là ?… Oui… Oui… Pourquoi ?
- Je peux passer te voir alors ?
Elle s’est jetée dans mes bras…
- Merci… Oh, merci… Tu viendras, c’est sûr ?
- Si je te le dis…
- Je pars… Je file… Je supporte pas les adieux… Je vais encore pleurer… A bientôt… A bientôt… Je t’aime…
Elle ne s’est pas retournée…

- Bon… Dites, les filles, s’il y en a pour le train de 10h.18, il serait temps qu’elles y aillent… Parce que sinon…
Il y avait Trianne, Jezabel… Et puis nous deux, Cynthia et moi…
On a jeté nos bagages dans les filets. On s’est installées…
- Bon, ben voilà !…
- C’est le plus dur, là, maintenant…
- Oui, ça te met un de ces bourdons…
- Va falloir reprendre la routine…
- Tais-toi !… Tais-toi !… Rien que d’y penser…
- Et le pire c’est qu’on peut même pas se remonter le moral en se disant qu’on remet ça l’année prochaine…
- J’arrive pas à y croire que ça aura plus jamais lieu…
- Faudrait trouver autre chose… Ailleurs… Ca doit bien exister…
- Sûrement !… Mais ce sera jamais vraiment la même chose…
- Sans compter le risque de tomber sur une galère…

Après Angoulême on s’est retrouvées toutes les deux toutes seules, Cynthia et moi…
- Tu sais que j’ai son adresse ?
- A qui ça ?
- A la mère Mac Miche…
- Qu’est-ce que tu vas en faire ?!
- Devine…
- Tu vas quand même pas aller la voir ?
- Je vais me gêner…
- Ca va t’avancer à quoi ?
- A ce qu’elle aura pas le dernier mot… A ce qu’elle aura jamais le dernier mot avec moi…
- Ca peut vous mener loin…
- Et alors ?
- T’es folle !… T’es complètement folle…
- Pas plus que toi avec ta pétasse blonde… Parce que maintenant pour t’en débarrasser de celle-là je te la souhaite bonne… Déjà que t’arrives pas à échapper à ta mère…
- Oui, ben alors ça, c’est comme si c’était fait… Je prends un appart à moi… Que ça lui plaise ou non… C’est décidé… Je reviendrai pas là-dessus…
- Quand ?…
- Tout de suite, là… Dès demain je m’en occupe…
- On en reparlera…

Je ne suis pas rentrée tout de suite. Je me suis inventé deux ou trois courses indispensables. J’ai voulu voir où en étaient les travaux de la piscine couverte. J’ai un peu flâné sous les arcades et puis… il a bien fallu…

Elle m’attendait sur le pas de la porte…
- Alors ?… Alors ?… Ces vacances ?… Raconte !…
- Bien… Oui, bien…
- Ah, tu vois, je te l’avais dit !… J’en étais sûre… Quand on est jeune il faut sortir, s’amuser… Parce que la compagnie d’une vieille femme comme moi – forcément – ce n’est pas tous les jours bien drôle… Si, si !… Ne dis pas le contraire… Même si je fais tous mes efforts pour être aussi peu encombrante que possible… Bon, mais alors raconte !…
- Oh, il y a pas grand chose à raconter, tu sais !… Un stage-découverte, c’est un stage-découverte… On partait le matin de bonne heure… Le plus souvent à pied… Ou à vélo… Plus rarement en car… On passait la matinée à visiter des églises, des châteaux, des moulins… A midi on rentrait déjeuner au manoir ou bien on pique-niquait sur place… Et l’après-midi à nouveau des visites…
- Vous étiez nombreux ?… Vous étiez combien ?
- Une trentaine… A peu près…
- Mais vous faisiez pas que ça quand même !?…
- Oh non !… Non !… On allait à la plage… On se baignait…
- Et le soir ?
- Il y avait la veillée… On discutait…
- Et parmi tous ces garçons t’en as pas trouvé un qui…
- Oh, écoute, maman, je te l’ai déjà dit dix mille fois… Ca, pour moi, c’est vraiment pas la priorité des priorités…
- Et tu as bien raison… Parce que les deux seules fois où tu as voulu t’essayer à la vie de couple… Une catastrophe… Une véritable catastrophe… Bon, mais on va manger… Que tu puisses aller te coucher… Tu dois être vannée après un voyage pareil…

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