lundi 19 octobre 2009

Aux délices d'Adeline

A U X D E L I C E S D’A D E L I N E




1- L’EMBAUCHE


- Raphaëlle ?… C’est Adeline… Tu te rappelles ?
- Adeline !… Evidemment que je me rappelle… Quelle question !… Qu’est-ce tu deviens ?
- Oh, plein de choses !… Tu devinerais jamais !… Tu sais où je suis, là ?… Au pensionnat… Au pensionnat, oui !… C’est Félicien qui l’avait racheté finalement cet été… Sans rien dire à personne… On y a fait des tas de travaux et on l’a complètement transformé… En hôtel-restaurant… « Aux délices d’Adeline » je l’ai appelé… On ouvre le 1er Mai… Alors je te dis pas dans quel état je suis…
- Ce qui veut dire que Félicien et toi…
- Oui… enfin si on veut… Ca t’étonne ?
- Oh non, non !
- Et tu sais pas l’idée que j’ai eue ?… C’est de pas en faire un truc classique, mais un établissement où le personnel, quand il le mériterait, recevrait la fessée devant les clients… Des clients qui sauraient à quoi s’en tenir évidemment !… On les prendrait pas en traître… On a un peu testé la formule sur Internet et j’te dis pas le succès que ça a… Il nous tombe des réservations de partout… On est pleins jusque fin juin… De ce côté-là on n’a pas trop de souci à se faire… Non… Le point noir, c’est plutôt le personnel… Parce que si en cuisine on a à peu près ce qu’il nous faut question service en salle ça coince vraiment… Pour l’entretien et le ménage aussi… C’est pas qu’on trouve personne, non… Avec les salaires qu’on propose il y a des candidates à foison, mais des candidates qui manquent singulièrement de motivation… Qui n’acceptent qu’avec mille réticences les termes du contrat… Bref, le genre de filles dont tu peux être à peu près sûre qu’au bout d’un mois – trois au grand maximum – elles t’auront plantée là sous un prétexte quelconque… Si bien que, pour le moment, on n’a pu procéder qu’à deux embauches… Et sans le personnel adapté à notre projet on court à la catastrophe…
- Ca… ça fait pas l’ombre d’un doute…
- Tu bosses, toi, en ce moment ?
- Oui… Toujours à la caisse de ma grande surface…
- Et ça te tenterait pas ?… Sachant que c’est pas une proposition en l’air… Qu’il est hors de question de te faire quitter ta place pour ne rien t’offrir de consistant en échange… Tu réfléchis ?… Tu réfléchis et tu me tiens au courant ?





1er JOUR


C’est une jeune fille inconnue qui est venue m’ouvrir…
- Bonjour… Elle est là Adeline ?… Je voudrais la voir…
- Mademoiselle Ternat ?… Elle est là, oui !… Mais elle veut pas qu’on la dérange… C’est pour quoi ?
- Je suis Raphaëlle et…
- Ah, c’est toi Raphaëlle !… Ce que j’ai entendu parler de toi !… Moi, c’est Coralie… On va bosser ensemble… Tiens, viens !… Viens, je vais te montrer… Il y a que nous encore pour le moment… Tout le monde arrive demain… Là, c’est la salle de restaurant…
Le réfectoire… Qui avait été repeint dans des tons roses et gris souris. Dont tout un pan de mur avait été abattu pour laisser place à une grande baie vitrée donnant sur la cour de récréation transformée en terrasse…
- Et là-bas il y a un grand parc… C’est magnifique, tu verrais ça !
- Je connais un peu, tu sais !
- Ah oui, c’est vrai, que je suis bête !… T’as envie de visiter les chambres ?
Luxueusement aménagées dans les anciennes salles de classe et une partie des dortoirs…
- Nous, le personnel c’est là-haut qu’on nous a mis… Tout là-haut… Tu veux que je t’aide à monter tes affaires ?
Les box, eux, par contre, étaient restés rigoureusement identiques à ce qu’ils étaient…
- C’est celui-là, le nôtre… Le box des serveuses…
- Je l’aurais parié !
- Oui… Il l’a fait exprès Monsieur Ménisson… « Ca lui rappellera des souvenirs à Raphaëlle…» il a dit…
- Monsieur Ménisson ?!… Il est là ?… Mais qu’est-ce qu’il fait là ?
- Elle a voulu le garder Mademoiselle Ternat… Il est maître d’hôtel et chef de rang… Les deux… Et même un peu plus… Il s’occupe de tout en fait… En tout cas il a pas l’air commode… Faut pas s’y frotter, il paraît…
- C’est pas trop conseillé, non… C’est qui les autres filles avec nous ?
- Je sais pas… Il y en a une qui va venir de Belgique et l’autre d’Alsace, il paraît… Dans le box juste à côté, là, ce sera les mecs qui travaillent aux cuisines… Monsieur Ménisson a encore dit en rigolant que ça t’éviterait de courir jusqu’à l’infirmerie en cas de besoin… Pourquoi il a dit ça ?
- Oh, une vieille histoire… C’est sans intérêt… Et en face ?
- Là, les filles qui feront le ménage, les chambres, tout ça… Et là les deux lingères et les deux nanas qui aideront les types aux cuisines…

J’étais sûre de le trouver là Félicien. Sur notre banc. Je me suis assise à ses côtés sans un mot. On est restés un long moment silencieux…
- Alors ?
- Alors quoi ?
- Après-demain le grand jour ?
- Pas vraiment, non… Pour moi c’était avant le grand jour… Le jour où elle a accepté… Maintenant je n’ai plus rien à voir là-dedans… Je n’ai plus aucun pouvoir de décision… Aucun droit de regard… Pas plus que toi… Pas plus que n’importe lequel d’entre vous… Je suis un employé comme les autres… Ni plus ni moins…
- Pas tout-à-fait quand même !
- Si !… Ca fait partie des conditions qu’elle m’a imposées… Et que j’ai acceptées… Plus rien ici n’est à moi… Je travaillerai aux cuisines avec les autres… Je dormirai au dortoir avec vous… Je serai puni quand elle estimera que je l’ai mérité… Ou que quelqu’un à qui elle aura donné autorité sur moi estimera que je l’ai mérité…
- Elle a remarquablement su mener sa barque, dis donc !…
- A moins que ce soit moi… Pour obtenir ce dont j’avais toujours rêvé…
Il s’est levé…
- Tu devrais passer la voir… Sans trop tarder… Si elle sait que tu es là et que tu ne t’es pas précipitée chez elle…

- Entrez !… Ah, c’est toi ?!
Elle est venue à ma rencontre, m’a chaleureusement embrassée…
- T’as vu ?… T’as vu où je me suis installée ?
Dans le bureau du directeur dont elle avait fait repeindre les murs et changer la moquette…
- Avoue… Avoue que c’était quand même le lieu le plus approprié à mes nouvelles fonctions, non ?… Bon, mais sers-moi un whisky, tiens, en attendant !… Le bar est derrière toi… Le meuble dans l’angle à droite…
Elle s’est laissé tomber dans son fauteuil…
- Tu vois que ça sert de savoir ce qu’on veut dans la vie… Quand on est suffisamment déterminé on finit toujours par l’obtenir… Merci… Ah oui, et tu sais pas ?… Tu sais pas qui j’ai embauché comme cuisinier ?… Je te le donne en mille… Fournier…
- Fournier ?!…
Eh oui !… Juste retour des choses… A chacun son tour d’être le chef de l’autre… N’empêche : qu’est-ce que j’ai dû le lutter !… Il voulait pas signer… Enfin, si !… Il demandait que ça, mais il voulait absolument qu’en ce qui le concerne la clause-fessée soit supprimée… J’ai fini par céder… C’est un excellent cuisinier et j’avais vraiment trop envie de l’avoir sous mes ordres… Mais je n’ai pas dit mon dernier mot : l’an prochain quand il faudra renouveler le contrat… Je mettrai le temps qu’il faudra, mais il finira par y passer… Et ce jour-là je le louperai pas… Il s’en souviendra un moment… Un en attendant qui va pas y couper – et sans tarder – c’est Basile…
- Basile ?!… Il est là lui aussi ?
- Et je peux te dire qu’il s’est pas fait prier pour accepter… Et qu’il va être le premier à y attraper… Parce que je garde encore en travers de la gorge la façon dont Fournier me l’a arraché des mains – il y a pas d’autre mot – l’an dernier juste comme j’allais lui en coller une… Bon, mais les cuisines, c’est les cuisines et ce qui s’y passe ça n’intéresse pas vraiment la clientèle… Non… Ceux qui décideront de venir passer quelques jours ici le feront bien évidemment dans l’espoir de voir fesser le personnel féminin… Sans que cela leur soit pour autant garanti… Je suis chaque fois, que ce soit par téléphone ou par courriel, très claire avec eux là-dessus : il ne s’agit en aucun cas d’inventer n’importe quel prétexte plus ou moins crédible pour leur offrir le spectacle de derrières rougissants… Aucune de mes employées – je le leur précise systématiquement – ne sera jamais punie sans motif et il est évidemment impossible de prévoir quand sera commise la faute qui lui vaudra la sanction méritée… Personne n’a pour autant, jusqu’à présent, renoncé à sa réservation. Bien au contraire : la perspective d’assister à une vraie fessée, plutôt qu’à un médiocre simulacre, enchante à l’évidence ceux qui envisagent un séjour ici et ils semblent prêts, pour la plupart, à le prolonger jusqu’à ce que cela se soit enfin produit… Du coup c’est bien évidemment à vous, les serveuses, qu’il appartiendra de faire en sorte que leur attente ne soit pas trop souvent et trop longtemps déçue… Mais je sais que, de ce côté-là, je peux compter sur toi…






2ème JOUR


- T’as vu ?… Il a dormi dans le box à côté de nous le type de la patronne…
- Félicien ?… Il y dormira tous les soirs… Avec ceux des cuisines puisqu’il va travailler avec eux…
Elle a étalé une hallucinante quantité de beurre sur sa tartine…
- Même qu’il soit le patron ?… Ils sont vraiment bizarres là-dedans… Je cherche plus à comprendre… En tout cas, je sais pas si c’est vrai, mais paraît que c’est un sacré cochon et qu’il est sans arrêt en train de tourner autour des douches pour voir ce qui s’y passe…
- Les douches, tu sais, on va pas arrêter de s’y croiser et recroiser les uns les autres, mais qui c’est qui t’a raconté ça ?
- Je sais plus… Remarque, moi, j’m’en fous un peu qu’on le voie mon cul… Complètement même… Si ça peut leur faire du bien, moi, ça me fait pas de mal… Et puis de toute façon, avec les fessées, tout le monde va pas arrêter de le voir alors !…
Elle a longuement contemplé le fond de sa tasse…
- T’en as vachement reçu, toi, hein, à ce qu’on m’a dit !… Même que quand ça faisait encore école ici t’as gagné le premier prix… Qu’est-ce t’as de la chance !… Moi aussi j’en ai eu, mais pas tant que ça finalement… Parce que mon copain ça lui plaisait pas vraiment de me la donner… Il disait le contraire, mais je voyais bien que non… Et ça lui plaisait pas parce qu’à moi ça me plaisait trop… Sans arrêt il me faisait des réflexions là-dessus… C’est pour ça que quand j’ai vu l’annonce j’ai pas hésité une seule seconde, tu parles !… Surtout qu’il y avait marqué qu’il faudrait l’avoir devant tout le monde… Et ça c’est un truc rien que d’y penser ça m’a toujours rendue folle… Il y a même eu une période où je dessinais que ça, en cachette, tout le temps : moi en train de la recevoir… Sur une grande place avec plein de gens autour qui regardaient, qui rigolaient et qui se moquaient de moi… Ou bien sur un terrain de foot avec tous les spectateurs dans les gradins… Ou encore à la caisse, dans une grande surface… Dans tout un tas d’endroits… Une centaine j’en ai…
- Et t’en as fait quoi ?
- Je les ai vendus à la kermesse du curé… Non, je déconne… Ils sont là-haut dans mes affaires… Jamais je m’en sépare… J’aurais bien trop peur que quelqu’un tombe dessus et me les pique… Je te les montrerai si tu veux…

Tout un remue-ménage du côté des cuisines. Et la voix d’Adeline furieuse…
- Répète-le que c’est pas vrai… Répète-le pour voir… Ca fait dix minutes que je t’observe… Dix minutes que je te regarde faire et tu as le culot de nier !…
J’ai discrètement entrebaîllé la porte. Coralie s’est penchée par dessus mon épaule…
- Je nie pas… Je nie pas, mais…
C’était Basile…
- Encore heureux !… Manquerait plus que ça !… Bon, mais t’étais prévenu… Je te l’avais dit : Que je te surprenne une fois, une seule fois, à laisser traîner tes regards vicelards sur les femmes qui sont amenées à travailler avec toi, comme tu n’arrêtais pas de le faire l’année dernière, et tu n’y coupes pas… Je te l’avais pas dit ?…
- Si !…
L’une des deux aides-cuisinières a balbutié quelque chose d’incompréhensible…
- Toi, le jour où je voudrai connaître ton avis, je te le demanderai…
La fille s’est empourprée, a baissé piteusement la tête…
- Oui ?… Vous aussi, vous aviez quelque chose à dire, monsieur Fournier ?
- Non… Rien… Rien… Absolument rien…
- Il m’avait pourtant semblé… Mais c’est préférable… Les conditions ont radicalement changé… Vous en avez bien conscience, n’est-ce pas ?… Pardon ?… Je n’ai pas entendu votre réponse…
- Je disais que… oui, bien sûr, les conditions ont changé…
- Parfait… Eh bien puisque tout le monde en est tombé d’accord je vais donc ouvrir le bal avec Basile… Ou plutôt non… J’aurai bien d’autres occasions de le faire danser… Non… C’est vous, monsieur Fournier, qui allez vous en charger… Ca vous donnera l’occasion de tenir enfin votre promesse…
De la main il a esquissé un geste de protestation…
- Pardon ?… Vous auriez déjà oublié nos conventions ?… Si vous ne voulez pas que j’en révèle publiquement la teneur je vous conseille de vous montrer beaucoup plus conciliant…
Un autre de résignation accablée. Elle a fait signe à Basile qui s’est docilement approché…
- Déculotte-toi !
Il a aussitôt obéi et elle l’a poussé résolument vers lui…
- Et vous faites pas semblant, hein, Fournier !… Vous pourriez le regretter amèrement…
Il n’a pas fait semblant. Basile a gigoté. Entre ses fesses les boules ont ballotté. Les deux filles, pétrifiées, ne les ont pas quittées des yeux… Le petit jeune, lui, frémissait à chaque coup qui tombait en fermant les yeux… Rouge écarlate… Violacé…
- Ce sera bon pour cette fois, Fournier, merci… Et toi, dorénavant, tu tâcheras de laisser tes collègues tranquilles…

- Et moi, c’est Clémence…
- Entre!… Installe-toi!… Où tu veux… Elle est pas encore arrivée la quatrième…
Elle a posé son sac sur l’un des deux lits restants près de la porte, a étouffé un baîllement…
- Quel voyage !… Je suis morte de fatigue…
- Couche-toi !… On aura tout le temps de discuter demain…
- Oui… Oui… Je crois que c’est ce que j’ai de mieux à faire…
Et elle nous a tourné le dos pour se déshabiller…
- Eh ben dis donc !… T’as pris de l’avance on dirait… Qui c’est qui te l’a mis dans un état pareil ?
- Benjamin… C’est mon mari, Benjamin…
- Il y va pas avec le dos de la cuillère Benjamin…
- C’est comme ça que j’aime… Que comme ça… Même qu’elle l’a marqué dans mon dossier la patronne… « Préférence marquée pour les châtiments appuyés »
Et elle s’est retournée vers nous avec un sourire ravi…
- Oh, ils te soigneront !… Te fais pas de souci pour ça…
- J’espère… Parce qu’il serait drôlement déçu Benjamin… Et moi avec…
- Tu vas lui raconter ?
- Mais pas seulement… Il va venir… Comme client… Incognito… Alors si je m’en prends pas des bonnes… Oh, mais j’en aurai… Je ferai ce qu’il faut pour…





3ème JOUR


Coralie en avait encore les yeux tout brillants d’excitation…
- Vous savez quoi, les filles ?… Eh bien je viens de prendre ma douche avec les quatre types du box d’à côté…
- Ca t’arrivera d’autres fois…
- J’étais dessous quand ils ont déboulé… « Salut !… Bien dormi ?… » Et ils se sont désapés…
- Parce que tu voulais qu’ils se lavent tout habillés ?
- Ben non, non, mais…
- Mais quoi ?…
- Non… Rien… Mais n’empêche que c’est des conneries ce qu’on raconte sur le patron… Que c’est un obsédé tout ça… Parce qu’il m’a même pas regardée… Enfin si !… Quand même un peu… Mais de l’air de celui qu’en a vraiment rien à foutre…
- Et ça t’a vexée…
- Ben pour être franche… quand même un peu, oui… Quand t’es à poil et que t’as l’impression de faire aucun effet c’est pas vraiment agréable… Ca vous fait pas ça à vous ?… En tout cas il en avait pris une aussi… Comme Basile… Et une belle… A tous les coups c’est mademoiselle Ternat qui la lui a flanquée… Ca peut être qu’elle… Comment c’était trop rigolo de les voir comme ça tous les deux l’un à côté de l’autre avec leurs derrières tout rouges… On aurait dit qu’ils faisaient un concours… Mais quand même !… Faut pas avoir honte !… Quand t’es patron !… Comment tu veux avoir de l’autorité après ça ?…
- Il en a pas besoin… Il compte pas…
- Je sais pas comment ils font… Je pourrais jamais, moi, vivre avec un mec qu’aurait aucune importance pour moi… Et encore moins coucher… Mais peut-être qu’ils couchent pas ?
- Qu’est-ce que tu veux que j’en sache ?… Je tiens pas la chandelle…
- On s’en fiche d’eux n’importe comment… C’est leur vie… Ils se débrouillent… Mais alors, à part ça, les filles, il y en a un !… C’est le petit jeune… Comment il est super mignon, super craquant et tout et tout… Et je peux vous dire – j’ai eu tout le temps de voir – qu’il a tout ce qu’il faut là où il faut… Pas la peine que je vous fasse un dessin…
- Je croyais que t’avais un copain ?
- Oui, oh !… De toute façon je me fais pas d’illusions… On est douze nanas – dont quelques-unes plutôt canons – pour quatre mecs… Et sur les quatre il y en a qu’un de baisable… Alors !…

Monsieur Ménisson s’est éclairci la voix…
- Bien… Alors si je vous ai tous réunis ici ce matin c’est pour régler quelques derniers petits détails avant l’ouverture de ce soir… D’abord qu’il soit bien clair que je serai votre seul interlocuteur… Sous aucun prétexte, à moins qu’elle ne vous ait expressément convoqués, vous ne devez déranger Mademoiselle Ternat…Est-ce bien clair ?
Quelques-uns ont bruyamment approuvé…
- Ensuite – mais cela devrait aller sans dire – je ne veux recevoir aucune plainte, entendre aucune doléance, de quelque nature qu’elles soient, de la part de la clientèle au sujet de n’importe lequel d’entre vous… La sanction serait immédiate… Aucune explication, aucune tentative de justification ne seront recevables… Et en cas de récidive ce serait le licenciement immédiat pur et simple… C’est bien compris ?
C’était compris, oui…
- Et enfin vous aurez à cœur d’entretenir les uns avec les autres les meilleures relations qui soient… Si nous avons délibérément choisi de vous faire vivre en étroite promiscuité c’est pour vous offrir la possibilité de former un groupe solidaire et homogène… J’espère que vous ne nous donnerez pas l’occasion de le regretter… Voilà… C’est tout… Et maintenant au travail !… Ah si !… Encore un dernier mot… N’oubliez pas d’avoir constamment présents à l’esprit les termes du contrat que vous avez signé… Ca vous évitera sans doute bien des déconvenues…

Les premiers clients ont commencé à arriver en tout début d’après-midi… Ils se sont approprié les chambres, ont investi le parc, les escaliers, les couloirs… A cinq heures l’hôtel était complet…
- Et l’autre qu’est toujours pas arrivée…
- Elle a peut-être changé d’avis…
- On va jamais assurer le service en salle à trois…
- Faudra bien…

Il a bien fallu… A sept heures tapantes la salle de restaurant était pleine. Monsieur Ménisson prenait cérémonieusement les commandes. Ouvrait les bouteilles. Faisait goûter le vin. Multipliait les courbettes. Et exerçait sur nous trois une surveillance de tous les instants qui mettait Clémence dans tous ses états…
- Il me stresse… Non, mais comment il me stresse !…
On courait. De la salle aux cuisines…
- Ben alors, Basile, qu’est-ce vous foutez ?… Ca fait dix minutes que je les attends les Saint-Jacques pour la 7…
- J’ai pas douze mains, moi !…
Et des cuisines à la salle…
- On peut avoir du pain ?
- Tout de suite, Monsieur !
- Je l’avais demandé saignant mon steak… Vous appelez ça saignant, vous ?
- Je le signale aux cuisines… Ils vont vous en refaire un…
- Mademoiselle, s’il vous plaît !…
- J’arrive…

Il l’a fait exprès. Délibérément exprès. Un grand type d’une trentaine d’années au sourire fat, puant à cent kilomètres à la ronde le contentement de lui-même… Juste au moment où je passais à sa hauteur avec trois assiettes sur les bras il a brusquement lancé sa jambe dans l’allée et je me suis étalée de tout mon long dans un grand fracas de vaisselle cassée. De la sauce a giclé sur la robe de sa femme qui a poussé un hurlement strident…
- Une robe toute neuve !… Où c’est qu’ils sont allés la chercher cette bonne à rien ?
Je me suis relevée aussi vite que j’ai pu. Clémence et Coralie se sont précipitées pour m’aider à réparer les dégâts. On n’a pas eu le temps. Monsieur Ménisson m’a fermement empoignée par le bras, tirée en arrière…
- Toi !… Evidemment, toi !… Tu n’en loupes pas une, hein !
Tout s’est tu. Plus un bruit. Plus le moindre cliquetis de couvert...
- Déculotte-toi !
D’un ton qui ne souffrait pas la moindre réplique. Et j’ai obéi. Dans le fond, près de la baie vitrée, des gens se sont levés pour mieux voir. Du regard j’ai cherché, tout autour de moi, où poser ma culotte. Le type au croche-pied a tendu la main. Je la lui ai machinalement donnée. Et voulu aussitôt précipitamment la reprendre en rougissant. Il ne me l’a pas rendue. En me fixant droit dans les yeux il l’a enfouie sous sa chemise. Monsieur Ménisson m’a obligée à me tourner vers lui. Il a posément dégrafé ma petite jupe noire, enfermé dans l’une de ses mains les deux miennes derrière lesquelles je m’efforçais maladroitement de dissimuler ma nudité. De l’autre il a tiré une chaise, posé le pied dessus. Il a pris tout son temps. Il m’a soulevée, couchée en travers de sa jambe et il a tapé. Ils étaient là eux aussi. Sortis tous les quatre des cuisines ils regardaient. Monsieur Ménisson ne m’a pas ménagée. Fort. Longtemps. Incroyablement brûlant. J’ai hoqueté. J’ai fini par crier. Il m’a reposée…
- Là… Pour cette fois ce sera tout… Retourne travailler…





4ème JOUR


- Entrez !
Ils y pensaient. Tous. Dès qu’ils voyaient que c’était moi…
- Bonjour, Messieurs dames… Le petit déjeuner…
Ils y pensaient. Ils ne pensaient qu’à ça. C’était dans leurs yeux. C’était dans leurs sourires. C’était dans leurs voix. C’était dans leurs silences. Dans leurs regards – je les sentais – posés avec insistance sur mes fesses dès que je leur tournais le dos pour regagner la porte…

A la 116 c’était eux. Le couple du croche-pied…
- Je vous mets le plateau où ?
- Là… Sur le lit… Entre nous…
Il ne m’a pas laissé le poser. Il s’est emparé de mes poignets… Les deux…
- Et si tu le renversais ?… On sait jamais… T’en serais bien capable, maladroite comme tu es… Tu imagines ?… Tu imagines les dégâts que ça ferait, là, sur le lit ?… Il serait pas content l’autre pingouin… Tu te ramasserais encore un de ces panpan cucul… Comme hier soir… Pire même… C’est une bonne idée, non ?… Parce que… qu’est-ce qu’on a apprécié, nous !… Quelle belle vue panoramique – et délicieusement approfondie – tu nous offrais sur tes replis les plus secrets !… Tu le faisais exprès ou tu pouvais pas t’en empêcher tellement il tapait fort ?… Tu veux pas le dire ?… Ca fait rien : on la connaît la réponse… En tout cas on en redemande… Encore !… Encore !… Il suffirait de pas grand chose, hein, regarde !… Que je te fasse un peu pivoter les poignets et tout basculerait… La catastrophe !… Ca viendra… En temps voulu… Faut jamais abuser des bonnes choses… Mais ça viendra…
Il m’a lâchée…
- Pose !… Vas-y !… Pose !… Mais tu trembles !… Qu’est-ce qu’il y a ?… C’est nous ?… On t’intimide ?… Il y a vraiment pas de quoi…
J’ai filé vers la porte. Sa femme lui a chuchoté quelque chose à l’oreille…
- Ah oui… Attends !… Attends !… Te sauve pas comme ça… T’es bien pressée…
Il a ouvert le tiroir de la table de nuit…
- Tiens !… Ta culotte… Tu l’as oubliée en bas hier soir…
Il me l’a lancée. Elle est tombée à mes pieds…

La quatrième serveuse – Laurianne – il a fallu aller la chercher à la gare…
- Tu t’en occuperas, Raphaëlle…
Elle était affalée sur un banc au milieu de ses sacs…
- Je crois pas que je vais venir…
- Ah bon !?… Pourquoi ?… Qu’est-ce tu vas faire ?
- Rentrer chez moi… Là-haut… En Belgique…
- C’est toi qui vois… Mais avoir fait tout ce voyage pour rien !…
- Non, je viens pas… Non…
- Bon, ben salut alors !… Moi, je retourne là-bas… Il y a du boulot en pagaille…
Elle m’a rattrapée dans le hall…
- Non… Attends !… Attends !… Je sais pas en fait… J’en sais rien… J’ai envie, mais en même temps je t’ai une de ces trouilles…
- Ca, c’est normal, tu connais personne… Mais tu seras vite dans le bain, tu verras…
- C’est pas ça qui me fait peur…
- C’est quoi alors ?!… T’en es quand même pas à ta première fessée ?
- Ben si !… Justement !…
- C’est pas vrai !… Mais ils recrutaient que des serveuses vraiment expérimentées, ils avaient dit…
- J’ai menti…
- Ah !
- Oui… Je lui ai raconté des tas d’histoires à la femme pour qu’elle me prenne… J’ai beaucoup d’imagination…
- Mais pourquoi t’as fait ça ?
- Parce que j’avais envie que les trucs que j’inventais ils m’arrivent en vrai… De loin comme ça ça me paraissait tout simple… Ca allait de soi… Mais au fur et à mesure que l’échéance approchait… Et ça fait un mois que je sais plus où j’en suis… Il y a des jours où je suis super excitée, où j’ai hâte qu’on y soit… Et d’autres où je me dis que c’est une connerie monumentale, que je suis complètement folle… Hier soir encore je me jurais de ne jamais mettre les pieds ici… Et ce matin, à la première heure, je prenais le train… Et maintenant…
- T’as plus qu’une idée, c’est de t’enfuir… Bon… Tu vas rentrer chez toi… Il va se passer quoi ?… Tu vas t’en vouloir à mort… Tu vas te traiter de tous les noms… Et tu vas te remettre à en rêver… Nuit et jour… A danser d’un pied sur l’autre… Des occasions se présenteront… Que tu ne saisiras pas… Jusqu’au jour où tu finiras enfin par te jeter à l’eau… N’importe où… N’importe comment… Avec n’importe qui… Ici au moins on sait où on va… On ne court pas de véritable danger… Et une fois qu’on y a goûté…
Elle a repris ses sacs…
- On y va… Je te suis… C’est par où ?

Il a recommencé. A tendu la jambe dans l’allée. Mais plus mollement. Et en me laissant largement le temps de l’éviter…
- Qu’est-ce tu croyais ?… Que j’allais encore te faire tomber ?… Mais non !… Je suis pas comme ça… Faut savoir varier les plaisirs… Et puis il faut bien que tes petites camarades s’amusent, elles aussi. Il a fait signe à Coralie. Qui s’est approchée…
- Alors ?… Paraît que c’est ton tour aujourd’hui ?… Qu’on te réserve une jolie petite surprise pour le dessert…

- Pourquoi il a dit ça ?… T’es au courant de quelque chose ?…
- Rien… Non… Rien… Mais de toute façon faudra bien que t’y passes un jour ou l’autre…
- Oui, mais de savoir qu’il y a un truc qui se manigance derrière mon dos… Qu’est-ce ça peut bien être ?
- Tu verras bien…

- Mademoiselle, s’il vous plaît…
- Oui…
- Une petite question… C’est encore tout rouge d’hier soir ou ça a déjà commencé à s’estomper…
- Excusez-moi !… J’ai du travail…
Mais ils sont revenus à la charge. Trois types. Deux vieux, mais vraiment vieux. Et un jeune…
- Vous nous avez pas répondu…
Chaque fois que je passais à leur hauteur…
- C’est très désagréable… On est en droit de savoir…
- Si ça continue on va se plaindre au majordome là-bas…
- Il vous le fera bien dire… Ou il en remettra une couche…
- Mais qu’est-ce que vous voulez savoir au juste ?
- Ben ça !… Dans quel état c’est…
- Ben oui, c’est rouge !… Evidemment que c’est rouge…
Ils ont paru se satisfaire de la réponse, se sont lancés dans une longue conversation animée à voix basse…

Au dessert il ne s’était rien passé. Coralie a soupiré…
- C’est sûrement pour demain alors… Mais qu’est-ce que ça peut bien être ?





5ème JOUR


Clémence – c’était son tour – était partie servir les petits déjeuners. Coralie, elle, s’était précipitée sous la douche dès qu’elle avait entendu que ça commençait à bouger dans le box des garçons. Laurianne s’est levée, est venue s’asseoir au bord de mon lit. Avec des mines de conspiratrice. Et un sourire radieux…
- Tu sais quoi ?… Eh bien ça y est…
- Qu’est-ce qui y est ?
- Le monsieur, là, qui s’occupe de tout…
- Monsieur Ménisson…
- Oui… Il voulait me voir hier pour remplir des papiers et m’expliquer des trucs… Eh ben comment il m’a engueulée d’être arrivée en retard et de pas avoir été là pour l’ouverture…
- Il avait pas complètement tort, non ?
- Il y a longtemps qu’on m’avait pas engueulée comme ça… Et aussi longtemps… Et il y a pas que ça… Parce que à la fin il m’en a mis une… Et une bonne…
- Ca aura pas traîné, dis donc !…
- Il m’a obligé à la réclamer… A dire que je l’avais méritée… A demander pardon… Et à enlever ma culotte… J’étais morte de peur… Mais comment j’ai aimé !… A ce point-là j’aurais jamais cru…
- Bon, ben tu vois finalement… C’aurait été un peu idiot de rentrer en Belgique, non ?
- Et comment !… Mais c’est quand que je vais en avoir une autre, tu crois ?… J’ai trop envie maintenant…
- Oh, pour ça t’inquiète pas… Ca viendra… Et peut-être bien plus vite que tu crois…
- Il faut faire quoi ?…
- Même si tu fais rien… Les clients s’occuperont de t’en faire avoir… Il y en a de tout particulièrement motivés ici…
- Devant tout le monde on me la donnera ?
- Evidemment devant tout le monde…
- Dis, s’il te plaît, tu le dis pas aux autres filles que j’en avais jamais eu avant, hein !… J’aurais bien trop honte…

- Mademoiselle Ternat demande que tu lui montes un thé…
Adeline était allongée de tout son long sur le divan dans le bureau…
- Merci… Alors ?!… Raconte un peu !… Comment ça se passe ?
- Oh, il y a pas grand chose à raconter…
- C’est toi qui as pris la toute première il paraît ?
- C’est moi, oui !… Enfin je crois…
- Fais voir, ça me rappellera des souvenirs… Eh bien fais voir !… Qu’est-ce que t’attends ?… Non, mais désape-toi… Carrément… Oui… Oui… C’est pas franchement terrible… Tu marquais beaucoup plus l’année dernière… Ou alors c’est Ménisson qui manque de conviction… Faudra que je lui dise qu’il se montre un peu plus explicite… Les clients seront déçus sinon… Qu’est-ce que tu fais ?… Mais non, te rhabille pas !… Reste comme ça… Ca me passera un moment… Parce que si tu savais ce que je peux m’emmerder… Je suis pas faite pour ça, moi, passer mes journées à rien faire… C’est encore une idée à Ménisson, ça… « Vous avez tout intérêt à ne pas trop vous montrer, à rester inaccessible si vous voulez jouir d’un certain prestige, d’une autorité sans faille. Surtout sachant que vous avez occupé auparavant des fonctions beaucoup plus subalternes… » Tu parles !… A mon avis ce qu’il a surtout voulu Ménisson, c’est me mettre au placard pour pouvoir régner sur tout ça comme bon lui semble… Mais j’ai pas dit mon dernier mot… C’est moi la patronne, oui ou non ?… Alors le jour où je vais débouler là-dedans et prendre vraiment les choses en mains il aura qu’à bien se tenir… Lui aussi, comme les autres… Tu sais que s’il apprenait que je t’ai fait venir il serait furieux ?… Déjà qu’il supporte tout juste que Félicien me rende visite de temps en temps… S’il ne tenait qu’à lui Félicien serait confiné aux cuisines comme les autres et ne mettrait jamais les pieds ici… Faut tout de même pas exagérer… Parce que sans Félicien je serais pas là… J’aurais pas tout ça… Alors qu’il vienne se ramasser sa fessée de temps en temps je lui dois quand même bien ça… Même si pour moi, maintenant, c’est devenu une corvée beaucoup plus qu’autre chose… Au début, oui, je prenais mon pied… Et pas qu’un peu !… Mais à force… Il est trop prévisible Félicien… Trop répétitif… Il manque d’imagination… Et il bave beaucoup trop d’admiration devant moi… Tu t’enfonces dedans comme dans du beurre… C’est gonflant à force… Non… Le seul sur qui ça me motiverait vraiment maintenant c’est Fournier… Pour plein de raisons… Je t’ai déjà dit… Mais surtout parce que la fessée c’est pas du tout son truc… Et j’y arriverai… Je me suis juré d’y arriver… Mais pour ça encore faudrait-il que je puisse aller et venir ici comme bon me semble, Ménisson ou pas Ménisson…
Elle a soupiré…
- Ca va être son heure à celui-là… File !… Parce que s’il te trouve là je vais encore avoir droit à tout un tas de réflexions sur mon rang à tenir… File !… Je te rappellerai un de ces jours… On discutera… Ca me fait du bien…

- Tu fais voir ?
Elle a précipitamment dissimulé la feuille sous son oreiller…
- Oh, mais fais voir, quoi !
- Oui, mais alors vous en parlez pas aux autres, hein !… Vous me promettez…
- Pourquoi on irait faire une chose pareille ?… Ca regarde personne…
Elle nous l’a tendue. Elle s’était dessinée, elle, sous la douche qui coulait, couchée en travers des genoux de Milàn, le petit jeune des cuisines, qui la fessait. Il y mettait tout son cœur. Il la fessait et, en même temps, il assistait à sa fessée. Il était le seul spectateur, cloné en une dizaine d’exemplaires qui observaient la scène avec une attention soutenue, la mine surprise, ravie, scandalisée, gourmande, moqueuse, indifférente, effrayée ou compatissante, selon les cas. Plusieurs d’entre eux se masturbaient, les uns frénétiquement, les autres avec une retenue inquiète…
- En tout cas t’as un sacré coup de crayon…
Et on a voulu voir ses autres dessins qu’elle ne s’est pas fait prier pour nous montrer. Elle en était systématiquement l’héroïne principale. Et elle y était systématiquement fessée. Dans les endroits les plus peuplés qui soient : Au Stade de France juste avant la finale de la Coupe du Monde 98. Place de La Bastille à la fin d’une manifestation unitaire. Sur les remparts de Carcassonne au milieu d’une foule de touristes éberlués…
- C’est fou comment t’arrives à donner une impression de foule sans vraiment la dessiner…
- Il y a pas de risque qu’un jour ça t’arrive vraiment devant autant de monde. Ou alors tu finiras en taule… Et le type avec…
Laurianne a fait mine de s’enfuir avec la pile de dessins…
- Eh !… Où tu vas ?
- Les montrer à Monsieur Ménisson… Histoire qu’il t’en colle une bonne…
- Ca va pas, non ?
Elles ont lutté mi-joueuses mi-sérieuses. Quelqu’un a donné des coups dans la cloison…
- Oh, les filles, c’est fini ce boucan ? Il y en a qui voudraient dormir…
C’était la voix de Milàn…





6ème JOUR


- Tu vas où avec ça ?
Ses dessins. Qu’elle a précipitamment emportés…
- J’ai pas le temps… Je sers les petits déj… Je te raconterai… Mais si tu savais !… Si tu savais !…

La seule place libre sous la douche c’était entre Milàn dont il fallait bien avouer que la nature l’avait effectivement généreusement pourvu…
- Salut, Raphaëlle !
- Salut, Milàn !
et l’une des filles qui s’occupent du ménage…
- Salut, Raphaëlle !
- Salut !
- Salut, qui ?…
- Je sais pas… Je suis désolée, mais je le connais pas ton prénom… C’est quoi ?
- Tu le connais pas, non !… Parce que vous, les serveuses, vous en avez strictement rien à foutre de nous… Sans doute qu’on n’est pas assez bien pour vous…
- Mais non, c’est pas ça, non, mais…
- Si, c’est ça, si !… La preuve !… Ca va bientôt faire une semaine qu’on est là et tu sais même pas comment je m’appelle… Et pourtant tu m’as croisée vingt fois… Dans les couloirs ou ailleurs… Tu m’as toujours dit poliment bonjour, toi et tes copines… Et ça s’est arrêté là… Jamais vous n’avez cherché à discuter avec nous… Jamais… Mais nous aussi on existe… Et on est là pour les mêmes raisons que vous…
Elle s’est rageusement essuyée et elle est partie furieuse. Milàn a ri…
- Elle mâche pas ses mots, elle, hein ?! Elle est comme ça… Faut pas lui en vouloir… Mais elle a pas tout à fait tort non plus… Parce que vous vous mélangez pas beaucoup avec les autres toutes les quatre…
- Il y a le boulot…
- Nous aussi on a le boulot… Ca nous empêche pas de nous retrouver, pendant nos heures de liberté, pour tailler une bavette et être un peu ensemble…
Il s’est enroulé dans sa serviette de bain…
- Ah oui… A propos… Elle s’appelle Claire…

- Vous le voyez, le type tout seul, là-bas, à la 8 ?
- Ben oui, on le voit, oui !… Qu’est-ce qu’il a ?
- Regardez-le bien !… Je vous dirai tout à l’heure…
Clémence a haussé les épaules…
- C’est quoi tous ces mystères ?

A la 15 le plus vieux des trois a poussé un cri scandalisé…
- C’est une honte !… Un scandale !… Qu’on m’appelle la direction…
Monsieur Ménisson s’est précipité…
- Il y a quelque chose qui ne va pas ?
- Regardez !… Non, mais regardez !… Voyez vous-même !… Des mouches à merde… Deux… Confites dans mon œuf en gelée… Ah, ça doit être beau dans vos cuisines… Bonjour l’hygiène !… Vous mériteriez que je vous déclenche un contrôle, tiens !… Et c’est ce que je vais faire d’ailleurs…
Clémence a murmuré…
- Il les a mises lui-même ce salaud !… Je l’ai vu faire…
- Ils viennent là pour nous voir prendre des fessées… Un peu logique qu’ils fassent ce qu’il faut pour, non ?
Monsieur Ménisson a envoyé Laurianne chercher Fournier. Qui s’est platement excusé… Il avait confié ce travail à deux jeunes apprenties qui, manifestement, ne s’étaient pas acquittées de leur tâche avec toute la rigueur et l’attention nécessaires… Oh, mais la coupable allait être punie. Sévèrement. Et sur le champ…
Il est revenu des cuisines avec elles. Qui baissaient piteusement la tête…
- Alors ?… Laquelle de vous deux ?
- C’est pas moi !…
- Ni moi !…
- J’y ai pas touché aux œufs… Je faisais la salade…
- Moi non plus !… Je mettais la crème anglaise dans les pots…
- Si je comprends bien c’est personne… Non, mais vous allez vous moquer du monde comme ça longtemps ?
Monsieur Ménisson a tranché…
- Assez perdu de temps… Si elles peuvent pas se décider ce sera celle-là…
Il en a attrapé une au hasard, l’a enserrée par la taille, courbée sur sa cuisse...
- Mais c’est pas juste !… C’est pas moi !…
Il lui a relevé la jupe, baissé la culotte. Avant même qu’il ait commencé à taper elle poussait des cris à ameuter tout l’hôtel. Il y a des gens qui ont ri. D’autres qui se sont levés et approchés pour mieux voir. Il a fait durer. Elle hurlait de plus en plus fort et battait l’air en mesure d’une jambe lancée de plus en plus haut… Les gens riaient de plus en plus ouvertement. De bon cœur…
- Ca t’a bien plu à toi aussi on dirait…
L’autre fille a protesté…
- Hein ?!… Mais non !… Non !… Pas du tout…
- C’est pas beau de se réjouir comme ça du malheur de ses petites camarades… Allez, viens ici !… A ton tour !…
Elle avait des fesses toutes blanches, fendues très haut, qu’elle a gardées soigneusement serrées, sans un gémissement, sans un cri, aussi longtemps qu’elle a pu. Quand il a enfin réussi à les lui faire entrouvrir il l’a laissée retomber, satisfait…
Le vieux a voulu du champagne…
- Et du bon !… Qu’on fête ça !…

- Oui, les filles, oui, alors le type de la 8, là, tout à l’heure, vous savez pas qui c’est ?
- Ben vas-y !… Accouche !
- C’est Escobar…
- Escobar !!??… C’est pas vrai !…
- Qui c’est ça, Escobar ?
- Tu viens de Belgique et tu sais pas qui c’est Escobar !
- Ben non !…
- C’est un type qui dessine des lapins…
- Mais non !… L’embrouille pas… Il dessine des fessées… Que ça… Que de nanas… Et que par des nanas… Ou plutôt il dessine presque rien que des filles qui viennent de s’en prendre une… Quand t’as le cul tout rouge et que ça te chauffe un max… Et il y en avait un de dessin comme ça – pas fini – sur sa table quand j’y ai posé le petit déj… J’ai tout de suite reconnu que c’était lui, tu parles !… Et, comme une conne, je me suis plantée là, près du lit, les yeux écarquillés… Lui, ça l’a fait rigoler… Et tout ce que j’ai trouvé à dire, c’est… « - Moi aussi, je dessine, vous savez ! » Plus nunuche on fait pas… Et j’en ai rajouté une couche… « - Vous voulez que je vous montre ?… - Si vous voulez… » Je me le suis pas fait dire deux fois… Il y a jeté un œil comme ça vite fait et il m’a dit de repasser ce soir après mon service… Qu’on en parlerait…
- Et tu vas y aller ?
- Evidemment que je vais y aller… T’as de ces questions… Je suis morte de trouille, mais je vais y aller…





7ème JOUR


- Tu dors ?…
- Qu’est-ce qu’il y a ?… Qu’est-ce qui se passe ?… Quelle heure il est ?
- Deux heures du matin… Ca y est… Je suis revenue de sa chambre à Escobar… Tout ce temps-là on a discuté…
- Eh ben dis donc !… Et alors ?
- Et alors il les a trouvés pas trop mal mes dessins… Du moins c’est ce qu’il a dit… Mais je sais pas s’il le pense vraiment ou si c’était juste pour me faire plaisir…
- Pourquoi il le penserait pas ?… Ils tiennent drôlement la route…
- Il m’a dit qu’il me montrerait des trucs… Qu’il me donnerait des astuces… Et moi je lui ai proposé… Je lui ai dit comme ça que si il voulait je pourrais lui servir de modèle quand on me l’aura donnée la fessée… Tu crois que j’ai bien fait ?… Qu’il va pas se mettre à imaginer des choses ?
- Quelles choses ?
- Ben attends !… Une nana qu’il connaît ni d’Eve ni d’Adam… Qui se pointe comme ça dans sa chambre et qui veut se mettre les fesses à l’air il y a quand même de quoi se poser des questions…
- C’est pas ça qui doit l’émouvoir, tu parles !… Il a dû en voir des milliers des fesses depuis le temps qu’il dessine… Alors un peu plus un peu moins… Et si t’en avais pas parlé c’est lui qui te l’aurait demandé si ça tombe…
- Le mieux, évidemment, ce serait que ce soit lui qui me la mette la fessée, mais bon ça… Faut pas rêver…
- Ben pourquoi ?… Pourquoi ça se pourrait pas ?
- Parce que… Parce que je crois pas que ce soit ça qu’il aime… Regarde ses dessins : t’as jamais un mec qui la donne la fessée… C’est toujours des femmes…
- Ca veut peut-être rien dire…
- Oh ben si, si !… Forcément…

Elles étaient six – les quatre filles du box D et les deux lingères – engagées, à l’entrée du parc, assises à même le sol, dans une conversation animée qui s’est interrompue à mon approche…
- Je dérange ?
- Non… Bien sûr que non… Assieds-toi et excuse-moi pour hier… J’étais sur les nerfs… Mais reconnais que quand t’as l’impression qu’on te snobe…
- C’est pas ça… C’est pas ça… Mais personne nous l’avait dit à nous que tout le monde se retrouvait là l’après-midi…
- Elles ont pas voulu venir les trois autres ?
- Il y en a deux qui dorment… Elles sont crevées… Quant à Laurianne je sais pas où elle est passée… Mais je croyais qu’il y aurait ceux des cuisines aussi… Ils sont pas là ?
- Ils devraient pas tarder… En principe…
Il s’est échangé des sourires gênés. Des regards entendus…
- Oui… Alors que je t’explique… Ce sera plus simple… Sarah – Sarah, c’est la fille qui est assise tout au bout là-bas en rouge – Sarah, elle est amoureuse folle de Milàn depuis le tout premier jour qu’on est arrivées ici… C’est aussi la meilleure amie de Caroline, l’une des deux filles qui s’est fait tambouriner le derrière au restaurant hier soir… Jusque là tu suis ?… Bon… Sauf que ce matin, aux cuisines, Caroline elle lui a fait du rentre-dedans comme c’est pas permis à Milàn… Et que là maintenant personne sait ce qu’ils sont devenus tous les deux… On peut imaginer tout ce qu’on veut… Quant aux trois autres ils se sont prudemment défilés… Pas question pour eux d’être mêlés à cette histoire… De devoir prendre parti… C’est courageux les mecs, mais seulement jusqu’à un certain point…

A la grande table du fond il y avait tout un groupe de jeunes. Qui commandaient bouteille sur bouteille. Qui parlaient fort. De plus en plus fort. Qui riaient haut. De plus en plus haut. Qui, chaque fois que l’une d’entre nous faisait son apparition avec un plat ou des assiettes, applaudissaient à tout rompre…
- C’est celle-là ?
- A poil !
- Bon alors ?!… C’est quand qu’on leur claque le cul ?… Ils vont se grouiller, oui ?
Monsieur Ménisson s’est approché, leur a dit quelque chose qu’on n’a pas entendu…
- Toi, le vieux, tu dégages !… On t’a pas sonné…
Le « vieux » l’a tranquillement soulevé de sa chaise par le col de sa veste. L’a laissé un bon moment gigoter en l’air, suspendu, sous les rires du reste de la salle. Et puis il l’a lâché. L’autre s’est étalé de tout son long, relevé et enfui sans demander son reste…
- S’il y a d’autres candidats…
Personne n’a plus bronché...

Là-haut, dans le box, Laurianne en riait encore…
- Cette tête qu’il faisait…Il est pas près de revenir s’y frotter… Mais tu sais que j’ai cru un moment que c’était lui qui allait s’en prendre une de fessée !… Ca pourrait arriver peut-être un jour, hein, que ce soit un client qui y attrape !… On n’aurait pas fini de rigoler… Qu’est-ce t’as, Clémence ?… T’en tires une tronche !
- Non, rien… Laisse !… Vous occupez pas !… Ca va passer…
- Mais si, dis !… On y est pour quelque chose ?
- Pas vous, non !…
- Qui alors ?
- C’est mon mari… Il se fout carrément de moi, j’ai l’impression… Parce qu’on s’était bien mis d’accord : je venais faire la serveuse ici et lui le client, sans dire qui il était, pour me voir en ramasser… Ca nous plaisait autant à l’un qu’à l’autre cette idée… Le 2 il devait venir… Et demain on est le 6… Et…
- Ben pour le moment il a pas perdu grand chose… T’en as pas eu…
- Oui, mais ça il pouvait pas le savoir… Non… Ce qu’il y a surtout c’est que chaque fois que je l’appelle il a toujours un bon prétexte pour pas arriver tout de suite… Il y a le voisin qu’a absolument besoin de lui pour sa gouttière qui fuit… Ou sa mère qu’est justement en train de faire les arrangements de famille et il veut pas laisser le champ libre à ses frères et sœurs… Il y a toujours quelque chose… La vérité c’est qu’il en profite que je sois pas là pour s’envoyer en l’air derrière mon dos avec son espèce de Nathalie… La v’là la vérité… Il m’a expédiée ici pour pouvoir la sauter tranquille… C’est cousu de fil blanc… Et moi, comme une conne, je suis tombée les deux pieds joints dans le panneau… Seulement s’il s’imagine que je vais le laisser me rouler comme ça dans la farine… Le jour où je vais dégoupiller il sera pas déçu du voyage…





8ème JOUR


J’ai frappé. Il n’y a pas eu de réponse. J’ai fait comme si. Il était enfermé dans la salle de bains Escobar. Il sifflotait sous la douche. J’ai pris tout mon temps pour aller déposer le plateau sur la petite table près de la fenêtre et j’en ai profité pour tout bien examiner en détail dans la pièce. Oui, ben il y a rien d’extraordinaire en fait. On dirait vraiment la chambre de n’importe qui. Même des dessins j’ai pas réussi à en voir. Il doit les planquer dans l’armoire. Ou dans sa valise. Elle a eu de la chance Coralie. Elle est tombée au bon moment. Juste quand il les avait sortis. Faudra que je demande à une des filles qui font le ménage où il les range. Parce que les regarder en vrai c’est quand même pas pareil que sur Internet. Et puis tu peux te dire que t’es la première à les avoir vus. Et le dire aux autres…

A la 116 le type était tout seul, assis au bord du lit. Il y avait pas sa femme…
- Posez-le là-bas, s’il vous plaît !…
Et il a recommencé. Recommencé à tendre la jambe chaque fois que je voulais passer…
- C’est peut-être aujourd’hui que tu vas faire ta maladroite, qui sait ?… Que tu vas t’étaler avec ton plateau… Peut-être aujourd’hui… Ou peut-être la prochaine fois…
Dix tentatives. Quinze tentatives pour l’enjamber. Auxquelles il a systématiquement fait obstacle. J’ai voulu poser le plateau à côté de lui sur le lit…
- Non… Non… Pas question… Là-bas j’ai dit…
Et, contre toute attente, il m’a enfin laissé passer...
- Là… C’est bien… Merci…
Il l’a fait au retour. Quand je ne m’y attendais plus. Et je me suis étalée de tout mon long le nez dans ses chaussures…
- Tu peux pas faire attention, non ?… C’est incroyable d’être empotée comme ça…
Il m’a aidée à me relever. Fermement. Par le bras. Qu’il n’a pas lâché. Sa voix en chuchotement à mon oreille…
- Tu aimes, hein que tu aimes qu’on te traite comme ça ?!…
Je n’ai pas répondu. Je n’ai pas cherché à me dérober non plus. Il a serré un peu plus fort…
- Réponds !
Encore plus fort…
- Oui… J’aime…
Dans un souffle…
- Non… Tu n’aimes pas… Tu adores…
Et il m’a congédiée d’une petite claque sur les fesses…

Sarah l’a regardée approcher…
- T’étais où ?
- Hein ?!… Mais nulle part !… Qu’est-ce que ça peut te foutre n’importe comment ?
- Avec Milàn t’étais !…
- Pas du tout… Jamais de la vie…
- Menteuse !…
Elle s’est levée. L’autre n’a pas reculé. Une gifle est partie. Aussitôt rendue. Une pluie de gifles. Basile et Félicien en ont tiré une en arrière. Les filles s’y sont mises à quatre pour entraîner l’autre. Qui se débattait tant et plus. Qui hurlait comme une possédée…
- Lâchez-moi !… Lâchez-moi !… Je vais lui faire la peau… Je vous dis que je veux lui faire la peau…
Ca s’est éloigné. Ca s’est tu. L’autre s’est rassise…
- Quelle conne !… Mais si elle compte avoir le dernier mot avec moi…

Toutes les deux. A la même table. La prof d’Histoire et celle d’Anglais. D’avant. La mère Mac Miche et Catherine de Médicis…
- Ben t’en fais une tête !… Ca te fait pas plaisir de nous voir ?
- Oh si, si !…
- Ca tombe bien… Parce qu’on est là pour un moment…
- Et on n’a pas l’intention de s’ennuyer…
Clémence a longé leur table, les bras chargés d’assiettes. Elles l’ont suivie des yeux…
- Regarde-moi ça !… Ca mérite pas qu’on s’en occupe un petit derrière comme ça ?
- Et l’autre là-bas !… T’as vu comment elle le tortille ?… Quand il gigote sous les claques ça doit être un enchantement… Un véritable enchantement…
- Je sens qu’on va bien s’amuser…
- Oui… Ah, on va leur mettre de l’ambiance… Tu pourras leur dire à tes petites camarades… Beaucoup d’ambiance…

- Vous savez pas ce qu’il m’a fait Escobar ?…
On savait pas, non…
- Eh ben il a dessiné les deux filles des cuisines qu’en ont reçu une l’autre soir… Les fesses à l’air toutes rouges contre le mur du fond du resto il les a mises… A moitié retournées pour voir si ils regardent les gens… Evidemment qu’ils regardent… C’est dégueulasse, non ?… Parce que attends !… Moi, je lui propose gentiment de lui faire le modèle et lui il a rien de plus pressé que d’aller en croquer d’autres… Remarque, dans un sens, je le comprends aussi… C’est un artiste alors normal que ça le travaille… Faut que ça sorte… Et si moi j’ai pas un cul tout rouge à lui montrer qu’est-ce que tu veux que je l’intéresse ?… C’est pour ça maintenant faudrait vraiment que j’en prenne une… Et une bonne… Qu’il soit pas déçu… Et sans tarder en plus !… Parce qu’il va peut-être pas rester ici une éternité non plus… Pour bien faire c’est tout de suite qu’il faudrait que j’y aille avec les fesses toutes chaudes… Je suis sûre que ça le ferait craquer…
Elle nous a regardées l’une après l’autre…
- Vous voudriez pas me le faire, vous, les filles ?… Ca me rendrait drôlement service… Parce que vous voulez que j’aille demander ça à qui à part vous ?
- Oh, si il y a que ça pour te faire plaisir !
Elle s’est déshabillée. Elle s’est allongée sur le ventre…
- Allez-y carrément, hein !… Ayez pas peur de me faire mal… Faut qu’il soit content…
On y est allées carrément. Chacune son secteur. A grandes claques élancées de très haut. Elle a gémi. Elle a crié. On a arrêté…
- Merci…
Elle s’est précipitée dans la salle de bains. Au retour elle faisait la moue…
- Franchement c’est pas terrible… Il va être déçu… Vous voulez pas m’en remettre une couche ?
On voulait bien, si !
- Mais alors même que je gueule tant que je peux vous en tenez pas compte… Vous continuez, hein !… Jusqu’à ce que ce soit vraiment rouge de chez rouge…
Elle a gueulé tant qu’elle a pu. Et ça a vraiment été rouge de chez rouge…





9ème JOUR


- C’est Fournier qui m’a dit ça juste comme j’attrapais son plateau à l’une des deux vieilles d’hier soir au resto… « - Ah oui, Clémence !… D’un peu plus j’oubliais… La 201 faut que tu lui montes son petit déj à poil… - Quoi !… Non, mais ça va pas !… Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?!… - Oh, moi j’en sais rien !… Si ça te va pas tu vois avec Ménisson… » Et Basile – il était là lui aussi – m’a dit comme ça qu’il avait pas de conseils à me donner, mais qu’à ma place il irait parce qu’il la connaissait la bonne femme et que si elle me prenait dans le collimateur elle avait pas fini de m’en faire voir… « - D’autant qu’elle a la cote ici… Qu’est-ce que tu risques n’importe comment ?!… Elle te touchera pas si c’est ça qui te fait peur… » C’était pas ça, non, mais… « - De toute façon c’est toi qui vois… C’est toi qui décides… Moi ce que j’en dis, tu sais ! »…

- Et alors ?… Tu y es allée ?…
- Ben oui… Oui… Elle était encore au lit la vieille… « - Ah !… En tout cas voilà une petite bien obéissante… C’est bien !… C’est très bien !… Pose-le là le plateau… Et assieds-toi !… T’as bien deux minutes… - Les autres clients… - Ils attendront les autres clients… Il y a pas le feu… Laquelle tu es alors, toi ?… Clemence, c’est ça ?… Et Clémence, c’est celle qui est mariée… Il a bien de la chance ton mari… Il en a conscience au moins ?… Il s’occupe bien de toi ?… Oui ?… Parce que les hommes souvent… En tout cas tu le mérites… Tu es mignonne comme tout… Si, c’est vrai… - Faut que j’y aille !… Si jamais on se plaint de moi… - Je t’arrangerai ça, n’aie pas peur !… Depuis le temps que je le connais Ménisson… On était hauts comme trois pommes que déjà… Tu es vraiment très belle… Laisse-toi voir !… Allons !… Ne sois pas ridicule !… Ne fais pas l’enfant !… Tu m’écoutes, oui ?… Ne m’oblige pas à me fâcher… J’ai horreur de ça… Allez !… Là… C’est bien… Tu vois que tu peux te montrer raisonnable quand tu veux… Quand on est aussi bien fichue que tu l’es on en laisse profiter les autres… C’est la moindre des choses… Et tu sais ce qu’il faudrait ?… Eh bien c’est que toutes les quatre, dans la salle, en bas, vous assuriez systématiquement votre service toutes nues… C’est une bonne idée, non, tu trouves pas ?… Mais je vais voir ça… Je vais en parler à qui de droit… »
- Ca, c’est son grand truc à elle… Faut qu’elle fasse mettre les nanas à poil… N’importe où et tout le temps…
- Ils vont quand même pas nous obliger à servir au restaurant comme ça ?
- Oh, alors là !… Ils en sont bien capables… Ca va dépendre… De tas de choses…
- Et si on veut pas ?
- Personne nous retiendra…

A l’entrée du parc c’était l’effervescence…
- Paraît que vous allez servir à poil ce soir ?!…
- Et qu’après ce sera notre tour à nous, aux cuisines… Non, mais ils sont vraiment pas bien !… Ils ont de ces idées !… On bosse avec des types, nous !
- Et nous pareil aux ménages !… Vous imaginez ?… Passer l’aspirateur dans les couloirs avec les clients qui vont pas arrêter d’aller et venir pour se rincer l’œil…
- Il y a encore rien de fait…
- Oui, mais il s’en parle !… Et pas qu’un peu…
- J’m’en fous !… Moi, s’ils m’obligent, je me mets en grève alors là…
En contrebas, derrière la fontaine, elles ont toutes les deux – la Mac Miche et la Catherine – fait leur apparition en compagnie de Monsieur Ménisson. Tout le monde s’est tu…

- Il s’est passé quoi au juste hier soir dans votre box ?
Adeline s’était absorbée dans la contemplation attentive de ses deux mains croisées sur le sous-main du bureau…
- Oh rien !… Rien d’extraordinaire…
Elle a violemment repoussé le fauteuil, s’est mise à arpenter la pièce, à grandes enjambées, de la fenêtre à la porte et de la porte à la fenêtre…
- Vous avez fait un boucan à ameuter tout l’hôtel… On vous entendait jusque dans le parc à ce qu’il paraît… Des clients se sont plaints… Ont menacé d’écourter leur séjour… Et toi tu viens tranquillement me soutenir qu’il ne s’est rien passé ?!… Est-ce que tu te fiches de moi ?…
- Coralie voulait une fessée… On la lui a donnée… C’est tout…
- Et tu trouves ça normal ?…
- C’était pour qu’Escobar la dessine…
- Je me fiche de savoir pourquoi c’était… Vous n’avez en aucun cas à vous administrer des fessées entre vous… C’est nous, Monsieur Ménisson et moi, qui déterminons laquelle d’entre vous doit la recevoir, comment et pourquoi… Et qui doit la donner… Est-ce que c’est clair ?…
- Oui, oui, mais…
- Il n’y a pas de mais qui tienne… Je ne te cacherai pas que cette affaire aura des suites… En temps voulu… Pour le moment tu rejoins tes camarades… Et pas un mot à qui que ce soit de cet entretien… C’est bien compris ?…

- Ben alors !… Tu me reconnais pas ?
Un type, d’un certain âge, installé tout seul, à la petite table, près de l’entrée…
- Non…
- Cherche bien !… Tu vas trouver…
J’avais beau, mais non… Son visage, sa voix me disaient bien vaguement quelque chose, oui, mais quoi ?
- Je vois pas…
- C’est agréable !… Ca fait plaisir !… Faut croire que ça t’a marquée !…
- Je suis désolée… Vous êtes qui ?
- Ah ça !… Compte pas sur moi pour te le dire… T’auras qu’à te creuser un peu les méninges… Apporte-moi du pain en attendant… Et le plateau de fromages…

Bon, mais alors ?… Elle nous avait pas dit… On n’avait pas eu le temps… Mais ça s’était passé comment hier soir avec Escobar ?
Elle a souri, lointaine, extatique…
- Bien… Très bien… Tellement bien…
Il l’avait dessinée ?
- Oui… Entre autres…
- Entre autres ?… C’est-à-dire ?… Ben raconte, quoi !…
Elle pouvait pas. Elle avait pas envie. Et valait mieux qu’on arrête de lui poser des questions. Elle préférait. Comment on la trouvait plutôt ?… Ca lui allait habillée comme ça ?… Ca faisait pas ridicule ?… Non ?… On était sûres ?…
- Je sais pas si je fais bien finalement…
- Si tu fais bien de quoi ?
- D’y retourner ce soir… Faudrait pas qu’il me trouve collante…
- Et si t’y retournes pas il va croire que t’en as rien à foutre…
- Ouais, c’est le genre de situation…
- C’est le genre de situation où ça sert à rien de se poser la question pendant des heures vu que de toute façon on finit toujours par y aller…
- Oui… T’as raison… J’y vais… Mais vous pensez à moi, hein, les filles…





10ème JOUR


Le lit de Coralie était vide…
- Normal… C’est elle qui fait les petits déjeuners aujourd’hui…
Celui de Clémence aussi…
- Ben où elle est passée ?… Il est même pas défait… Où elle a dormi ?
Quant à Laurianne elle avait rêvé…
- Que j’en prenais une… Mais alors carabinée… C’était quelque chose… Faut croire que ça me manque… Si on nous en flanquait plus souvent aussi… Parce que moi à part Ménisson le tout premier jour… Tout le monde d’ailleurs… Au compte-gouttes ils nous les mettent ici… Et je vais sûrement pas continuer à attendre une éternité après eux comme ça… Non, non, non… Je vais me débrouiller pour en ramasser une… D’une façon ou d’une autre… Avant ce soir ce sera fait… Tu me crois pas ?… Tu verras… En attendant je vais me laver… Tu viens ?

Elle a regardé Milàn sous la douche et elle a ri. Il n’y a pas prêté la moindre attention. Elle a recommencé. Un peu plus longtemps. Et un peu plus fort…
- Qu’est-ce que j’ai de si drôle ?
- Rien… Non… Rien… Excuse-moi !… Mais je peux pas m’empêcher… C’est parce que… elles me l’avaient dit les filles que comme t’es fichu en bas c’était vraiment trop rigolo, mais je croyais quand même pas que c’était à ce point… Une faite comme ça j’en avais encore jamais vu…
Il s’est jeté un coup d’œil dessus, a fixé le mur d’en face…
- Qu’est-ce qu’elle a de si bizarre ?
- Je sais pas… Ca s’explique pas… C’est juste que quand on la voit on est forcément obligée d’avoir envie d’éclater de rire… Jamais ça m’avait fait ça avant… Avec personne…
- Et pourtant je peux t’assurer qu’il y a des filles qui la trouvent à leur goût…
- Peut-être… C’est possible, mais enfin bon… A choisir – s’il fallait absolument choisir – je préférerais encore celle de Monsieur Fournier…
Qui s’est rengorgé, redressé de toute sa taille. Qui l’a couvée d’un regard attendri…
- Même qu’elle soit vraiment pas trop le top quand même… Fripé comme c’est… Avec les machines qui commencent à dégringoler… On voit bien que c’en est une de vieux…
- De vieux… De vieux… J’ai quand même que 45 ans…
- Ben justement… C’est bien ce que je dis… Vous vexez pas, hein, M’sieur Fournier, mais c’est vrai que pour avoir envie avec vous faudrait quand même être sacrément en manque… Carrément mourir de faim, oui…
- Non, mais elle me cherche cette petite… Elle me cherche vraiment…
Il a quitté la douche et, en passant à côté d’elle, lui a lancé une grande claque sur les fesses…
- Tiens !… De la part du vieux… Ca fait mal, hein !
- Oh pas bien, non !… A votre âge on n’a plus beaucoup de force…
- Je vais te montrer, moi, si j’ai plus beaucoup de force…
- Vous avez que de la gueule…
- Alors là cette fois…
Il l’a empoignée, soulevée, renversée. Et généreusement fessée. Ca s’abattait à plein derrière. A grands coups de ses mains larges comme des battoirs. Avec une régularité de métronome…
- Pouce !… Assez… Pouce !…
Il a accéléré la cadence…
- Demande d’abord pardon…
- Oui… Oui… Pardon…
- Pardon qui ?
- Pardon, M’sieur Fournier…
- Et Milàn ?… On lui demande pas pardon à lui ?
- Pardon, Milàn…

Elle s’est laissé tomber sur son lit…
- J’t’avais dit… J’t’avais dit que j’en aurais une…
S’est longuement frotté les fesses…
- Le salaud !… Il y est pas allé de main morte… Mais comment c’était bon… Et puis t’as vu ?
- Quoi ?
- Comment ça le faisait bander Milàn de m’en voir prendre une… C’est vrai, t’as pas fait gaffe ?… C’était pourtant impressionnant… Quand je pense que c’est moi qui lui faisais cet effet-là !… Ca me rend toute chose… Et je me demande si je vais pas…
- Après ce que tu lui as dit tout à l’heure…
- Oh, mais c’est pas grave, ça… Je lui expliquerai… Il comprendra… Et de toute façon il en a pas cru un mot…
- Fais attention où tu mets les pieds… Parce qu’il y a d’autres filles sur le coup… Dont une qu’est vraiment pas commode…
- Oui, alors ça, si tu savais ce que je m’en fiche !… Chacune pour soi… Et que la meilleure gagne…

La Catherine de Médicis m’attendait sur le banc près de la petite porte de service…
- Belle journée, hein !…
J’ai vaguement approuvé et voulu poursuivre ma route…
- T’as bien deux minutes !… Viens me tenir compagnie un peu…
- Non, désolée… Je peux pas… Si on me trouve assise là pendant les heures de service…
- Passe me voir un soir alors… On discutera toutes les deux… On évoquera le bon vieux temps… Je compte sur toi, hein !…
Elle m’a menacée du doigt…
- Parce que sinon…

- Je sais plus sur quel pied danser avec Escobar… Il y a des jours on dirait qu’il a très envie de me voir… Et d’autres j’ai l’impression de lui casser les pieds… Mais vraiment… Je sais pas quoi penser…
- Ben pense pas… Prends les choses comme elles viennent… Qu’est-ce t’en as à foutre n’importe comment ?… Dans trois jours si ça tombe il sera plus là…
- Oui, non, mais…
- Oui, non, mais t’es amoureuse…
- Je sais pas… Je crois pas… Mais c’est de sa faute aussi: il a qu’à pas dessiner s’il veut pas qu’on tombe amoureuse…

- Vous voulez que je vous dise, les filles ?… Elle se fait un film… Il en a strictement rien à foutre d’elle Escobar… Parce que franchement qu’est-ce qu’un type comme lui irait perdre son temps avec une fille comme ça ? Qui n’a vraiment rien pour elle la pauvre…
- Elle est quand même pas si mal fichue que ça…
- Et faut reconnaître que ses dessins…
Clémence a haussé les épaules…
- Oui, oh, tu parles !… Il doit être vacciné depuis le temps… C’est sûrement pas la première emmerdeuse qui vient lui casser les couilles avec ses gribouillis… Non… Parce que – c’est pas pour me vanter – mais je le connais quand même un peu Escobar depuis le temps que je le croise sur les forums… Et c’est vraiment pas le genre de type à aller s’enticher d’une bécasse dans le genre de Coralie… Bon, mais enfin moi ce que j’en dis… Elle verra bien… Quelle heure il est ?… Hou !… Déjà !… C’est pas tout ça, mais on m’attend, moi !…







11ème JOUR


Sur tous les tons elle le répétait Clémence…
- J’ai un pot !… Non, mais alors là j’ai un pot !… Si vous saviez le pot que j’ai !…
- En tout cas ce qu’est sûr c’est que t’as une tête de déterrée…
- Oui ben ça il y a de quoi !… Ca fait deux nuits que je dors pas… Mais je regrette pas… Ah non alors !… Parce que comment il sait s’y prendre ce mec !…
- Qui ça ?
- Le type de la 108… Il y a longtemps que je m’étais pas éclatée comme ça, moi !… Et sans se prendre la tête en plus !… J’ai envie de baiser… Il a envie de baiser… Ben on baise… Et on fait pas semblant… C’est pour ça… J’ai un pot !… Mais j’ai un pot !… Parce que c’est le moment qu’il choisit pour s’amener l’autre…
- Ton mari ?
- Ben oui, mon mari, oui… Ca faisait plus d’une semaine qu’il me menait en bateau… Qu’il reportait… Qu’il avait soi-disant tout un tas de choses à faire… Et juste quand ça démarre avec Olivier… vlan… Faut qu’il déboule… Je sais bien que c’est incognito et que je suis censée pas le connaître… Mais c’est sûrement pas ça qui va l’empêcher de vouloir que je le rejoigne la nuit… Au contraire… C’est le genre de situation qui l’excite… Et je sens que je vais être bonne pour naviguer sans arrêt d’une chambre à l’autre… Va vraiment falloir que je la joue fine…
Laurianne a prédit…
- Tu te feras forcément gauler… A un moment ou à un autre… C’est obligé…
- C’est ça !… Porte-moi bien la poisse, toi !…
- Non, mais c’est vrai !…
- Il réagirait comment ?
- Alors ça, tu vois, je vais faire tout ce que je peux pour pas le savoir…

Ce petit enclos de verdure, au fin fond du parc, là où je n’ai jamais vu personne s’aventurer, l’année dernière déjà, du temps de « l’école » j’avais pris l’habitude de m’y réfugier quand j’avais envie d’être seule…
- Oh, mais il y a quelqu’un… Pardon !
Quelqu’un qui était allongé dans l’herbe, mains sous la nuque… Quelqu’un qui s’est redressé sur un coude… Quelqu’un qui m’a souri… Milàn…
- Tu peux venir, hein !… L’endroit est à tout le monde…
- T’as peut-être envie d’être seul…
- J’ai surtout envie d’avoir un peu la paix…
- Faut reconnaître que t’as une cour d’admiratrices particulièrement assidues…
- Elles me saoûlent…
- C’est si désagréable que ça de plaire ?
- Non… Bien sûr que non… Mais avec elles c’est des histoires à n’en plus finir… De vraies gamines… Si je souris à l’une il y en a trois qui me font la gueule… Si je discute cinq minutes en tête à tête avec une telle il y en a quatre qui veulent savoir ce qu’on s’est dit… Qui font des hypothèses… Des recoupements… Qui brodent et interprètent… On en viendrait presque à exiger que je me justifie… Mais de quoi, grands dieux ?!… Et devant qui ?… Il ne s’est jamais rien passé… Avec qui que ce soit… Et il ne se passera jamais rien…
- T’es bien sûr de toi…
- Ah non, attends !… J’imagine trop bien ce que ça donnerait… Je suis pas suicidaire… De toute façon…
- De toute façon ?
- Je suis pas là pour ça… Je suis là pour vous voir prendre des fessées… Toutes autant que vous êtes…
- Tu vas être servi…
- Je l’ai déjà pas mal été…
- Oui… Laurianne…
- Toi, surtout !… Parce que voir une femme qui a le double de mon âge recevoir une fessée déculottée devant moi , ça pour moi c’est quelque chose qui…
- Faut que j’y aille… On va se demander où je suis passée…
- T’as bien deux minutes…
- Non, non… Faut que j’y aille…

- Ah ben voilà !… Voilà !… Je savais bien que tu viendrais… Ca me fait plaisir… Eh bien entre!… Assieds-toi !… Alors raconte !… Qu’est-ce que tu deviens depuis le temps ?… Tu sais que tu étais une de mes petites préférées l’an dernier ?… Si, si !… Et quand j’ai su que tu étais là… Tu t’y plais ?… Oui ?… Moi aussi… Presque autant que quand je vous y donnais mes cours d’Anglais… Enfin si on peut dire… Et même si je regrette un peu qu’on ne vous fasse pas servir toutes nues en bas au restaurant… Ce serait quand même nettement mieux, non, tu trouves pas ?… Pour tout le monde… Mais oui !… C’est ce que je me tue à répéter à Ménisson… Je lui ai suggéré qu’on l’impose au moins, dans un premier temps, à celles qui auront été punies… Qu’on les oblige à exposer systématiquement, pendant vingt-quatre heures, leurs derrières rougis… L’idée fait tout doucement son chemin, mais il faudra que je revienne encore et encore à la charge… J’ai déjà obtenu que pour le petit déjeuner en chambre… Ce n’est pas si mal… Et c’est un vrai bonheur, le matin, d’être réveillée par une délicieuse petite servante qui se penche, dans le plus simple appareil, pour déposer son plateau et qui dandine ensuite lentement des fesses jusqu’à la porte… Ca ensoleille toute une journée… C’est toi demain, hein, c’est ça ?… Tant mieux !… Tu sais qu’on s’est disputées Esther, ton ancienne prof d’Histoire – celle que vous appeliez Mac Miche – et moi à ton sujet ?…
- A mon sujet ?… Comment ça ?…
- Oh, c’est parce que… Ils veulent faire un exemple… Vous allez y attraper, toutes les quatre, très bientôt, devant tout le personnel… Faut dire aussi que vous avez fort dans votre box l’autre soir… Vous aviez décidé d’ameuter tout le pays ?
- Mais non, mais…
- Peu importe… Ce qu’il y a de sûr en tout cas c’est que demain ou après-demain vous serez punies et que ça fera pas semblant… Ménisson nous a proposé – il a quand même fallu le lui suggérer avec insistance – de nous en charger… Deux chacune… Si Esther m’a abandonné Laurianne sans problème – elle est adorable cette petite – en ce qui te concerne elle s’est montrée intraitable… Elle te veut… Moi aussi… Elle ne cèdera pas… Moi non plus…





12ème JOUR


- Tiens, t’as la liste là… Te trompe pas…
La liste de ceux qui voulaient que je leur apporte le petit déjeuner toute nue. Une liste interminable…
- Ils y sont presque tous…
- Ca !… Fallait s’y attendre… Dès l’instant où ça s’est su…

Evidemment il y avait la 116…
- Entrez !
La voix de la femme…
- Ah oui !… Elle est à poil…
Ils étaient au lit. Tous les deux…
- Profites-en, mon chéri… Rince-toi l’œil… Eh bien approchez, vous !… Restez pas plantée là-bas… Comment tu la trouves ?… Sincèrement…
Il n’a pas répondu. Il a fait la moue…
- Oui, hein !… Celle d’hier était nettement mieux… Ca se discute même pas…
- Je vous pose le plateau où ?
- Elle te fait quand même un peu d’effet ?… Je suis sûre que non… Fais voir…
Elle a fourragé sous les draps…
- Pas du tout… Rien… Absolument rien… Eh ben dis donc !…
Du menton elle m’a fait signe de poser le plateau sur la table près de la fenêtre…
- Les autres, non… Mais vous, la prochaine fois que ce sera votre tour, vous resterez habillée… Ce sera aussi bien…

- C’est de ma faute aussi !… Si je vous avais pas demandé de me mettre la fessée et si j’avais pas tant braillé…
- C’est la faute d’Escobar plutôt… C’est pour lui qu’il te la fallait…
- On n’est pas à une fessée près n’importe comment…
- Ce sera quand ?
- Ce soir il paraît… Toutes les quatre… Après le service…
- Devant les clients ?…
- Non… Mais tout le personnel… Ils veulent faire un exemple… Que ça se reproduise pas… Qu’il y ait jamais plus de bruit dans les box le soir…
- Et c’est vrai que c’est les deux vieilles qui vont nous la donner ?
- C’est ce qu’il avait l’air de dire Ménisson…
- Pourquoi elles ?… Qu’est-ce qu’elles ont à voir là-dedans ?
- Parce qu’elles étaient là l’année dernière, qu’elles en ont flanqué plein et qu’elles ont l’habitude…

Coralie est venue s’accouder à la balustrade à côté de moi…
- Qu’est-ce que tu regardes ?…
- Rien de spécial… Les autres là en bas…
- Il a toujours douze mille nanas autour de lui Milàn…
- Oui, oh…
- Je crois bien que Laurianne elle en pince sacrément pour lui…
- Et apparemment elle est pas la seule…
- C’est bien ce que je lui ai dit : elle a aucune chance, mais quand ça te tient ça te tient et on peut bien te dire ce qu’on veut…
Il y en a deux qui se sont poursuivies en riant. Félicien nous a aperçues, nous a fait signe. D’autres visages se sont levés vers nous…
- Tu sais ce que je me dis là en les regardant tous ?… C’est que ce soir ils vont nous voir les fesses à l’air en train de gigoter du derrière sous les claquées… Peut-être qu’ils y pensent déjà… Qu’ils sont impatients… Qu’ils en peuvent plus… Au moins les mecs…
- Oh, les filles aussi… Certaines en tout cas…
- Comment j’aimerais être dans leurs têtes… Savoir ce que ça leur fait quand on y passe devant eux…
- Et à toi ça te fait quoi ?
- Là ?… Tout de suite ?… J’ai une trouille bleue… Je voudrais que ça n’arrive jamais… Qu’il se passe n’importe quoi qui empêche… Et en même temps j’ai trop envie d’y être… D’avoir honte… Et d’avoir honte de tellement aimer avoir honte… Je suis complètement tordue, hein ?… C’est ce qu’il arrêtait pas de me dire mon copain…
- On est toujours le tordu de quelqu’un…
- Tu sais ce qui m’embête le plus là ?… C’est qu’il va pas y assister Escobar… J’aurais tellement voulu…
- Il y aura d’autres occasions…
- Je peux te demander un truc ?… A ton avis il a quelqu’un dans sa vie Escobar ?
- Ca, ma pauvre chérie, qu’est-ce que tu veux que j’en sache ?…

Tout le monde. Ceux des cuisines. Celles des ménages. Les lingères. Adeline. Monsieur Ménisson. Tout le monde. Debout. En silence. Un silence total...
Et elles. La Mac Miche. La Catherine. Assises. Chacune sur une chaise…
Et nous. Nous quatre. Toutes nues. Personne ne bougeait. Tout figé. Immobile. Longtemps…

Et puis elles ont fait signe. Catherine à Laurianne et Mac Miche à Coralie. Elles ont obéi. Elles se sont approchées. Elles se sont docilement penchées, courbées, allongées en travers de leurs genoux.
Mac Miche a tapé tout de suite. Fort. Fort et vite. Coralie a voulu se protéger de ses mains. Elle les a sèchement repoussées. Deux fois. Et tapé encore plus fort…
Catherine, elle, a pris tout son temps pour bien caler Laurianne, pour ajuster calmement ses premiers coups, prendre lentement sa vitesse de croisière…
Elles se sont mises à crier. Ensemble. Laurianne très aigu, éperdu, Coralie plus rauque, plus profond. A gigoter ensemble, Laurianne dans tous les sens, les jambes jetées n’importe comment, Coralie en grands bonds du derrière, réguliers et amples…
Ca a ralenti… Ca s’est espacé…
Derrière moi une voix de femme a murmuré…
- Oh non, pas déjà !…
Je ne me suis pas retournée…
Encore quelques coups. Sonores. Vigoureux. Elles les ont relâchées, laissé se remettre debout. Elles sont revenues vers nous en se frottant les fesses…
- A ton tour maintenant !…
La même voix… C’était l’une des deux lingères. Qui a soutenu mon regard. Qui m’a souri, moqueuse, d’un air ravi et gourmand…
- Ben vas-y !… Regarde!… On t’attend…
C’était mon tour, oui. Et celui de Clémence. La Mac Miche m’a attirée par les poignets…
- Installe-toi !… La place est chaude…
Fait basculer. Sur ses genoux cagneux. Terriblement inconfortables. Sa main m’a aussitôt mordue, sèche, osseuse, m’arrachant un cri de surprise et de douleur. C’est tombé… C’est tombé en salve crépitante. Les lèvres jusqu’au sang pour ne pas crier. J’ai crié… Les cuisses soudées l’une à l’autre pour ne pas m’ouvrir. Je me suis ouverte, indécente et mortifiée…
Tout s’est arrêté…
- On échange comme convenu ?
Les genoux de Catherine. Plus tendres. Plus möelleux…
Tout a recommencé…






13ème JOUR


Ma cachette de verdure était vide. Je m’y suis étendue. Sur le ventre : c’est le lendemain que le contact des fesses est le plus douloureux. Saisie d’une douce torpeur, je me suis assoupie. Endormie. Et réveillée en sursaut : on m’observait à travers les feuillages. On a ri. On a passé la tête. Milàn…
- Ah, c’est toi !… Tu m’as fait peur…
- Ben oui, c’est moi, oui… Qui veux-tu que ce soit d’autre ?… Et tu devais bien te douter qu’aujourd’hui je viendrais… Forcément… Après ce qui s’est passé hier… Tu sais que j’ai pas fermé l’œil de la nuit ?
- Si ça peut te consoler, moi non plus !…
- T’arrêtais pas d’y repenser, hein !… De penser qu’on était là… Qu’on voyait tout… Qu’on entendait tout… Et qu’on était plein à être beaucoup plus jeunes que toi… C’est ça le pire de tout, non ?!… Tu réponds pas… C’est que c’est vrai…
Il s’est tu. Deux papillons jaunes nous ont survolés en se poursuivant…
- C’était moi le plus jeune de tous… Et je suis un mec en plus…
Il les a suivis des yeux, regardé s’éloigner…
- Tu peux pas savoir comme j’ai aimé… Encore plus que l’autre fois dans la salle de restaurant…
Ils sont revenus, insistants, au-dessus de nos têtes…
- Comment ça doit te brûler !…
- Pas mal, oui…
- Et comment ça doit être rouge !…
Il l’a demandé si bas, dans un souffle, que j’ai pu faire semblaant de ne pas entendre…
- Hein ?!… Tu veux bien ?… J’en ai tellement envie, si tu savais… Et puis j’ai déjà vu n’importe comment…
Je n’ai pas répondu et il a tranquillement posé la main dessus. A travers la jupe. Et il l’y a laissée. Il se les est appropriées… Mais repousse-le !… Fais quelque chose !… Dis quelque chose !… Incapable. Paralysée. Tétanisée…
- A travers le tissu je la sens la chaleur… Qu’est-ce que ça doit être à même la peau !…
Et il est allé voir. Il est allé toucher. Vérifier. Longuement. Comme si ça allait de soi. Comme s’il n’y avait rien de plus naturel… Comme si… Et ça l’était. Ca le devenait…
- Tu as des fesses magnifiques…
Parcourues et reparcourues du plat de la main. Du revers de la main. Du bout des doigts… Lentement apprises et redessinées. Avec douceur. Avec ferveur…
Et puis – ah non, non, il fallait pas, hein, non !… Mais dis-lui !… Qu’est-ce que tu attends ? – et puis avec la bouche. Avec les lèvres. Tout du long. Tout du large. Et entre elles. Entre les fesses. Avec la langue. Jusqu’en bas. Jusqu’au… Exploré, habité, à petits tourbillons de langue rapides…
Je n’ai pas protesté. Je n’ai rien dit. J’ai enfoui ma tête dans mon bras replié et j’ai tendu ma croupe… J’ai gémi. J’ai ondulé. J’ai joui…

Il m’a prise dans ses bras, m’y a gardée… M’a longuement caressé la tempe du bout du pouce…
- Tu sais que c’est la première fois que je le fais comme ça… A cet endroit-là… Comment c’est trop bon…
Je l’ai fait taire d’un baiser, me suis levée…
- Faut y aller… Ils vont finir par s’apercevoir de quelque chose sinon les autres…

- Il commence à me courir Ménisson, mais à vraiment me courir…
Adeline était furieuse…
- Je suis encore chez moi que je sache… Et qu’est-ce que ça peut lui foutre qui je reçois, quand et combien de temps ?… S’il s’imagine qu’il va gérer aussi mes histoires de cul !… Je lui laisse carte blanche pour tout le reste alors qu’il me fiche la paix dans ma vie privée… Oui, je sors en boîte… Oui, je m’amuse… Oui, je couche… Avec qui je veux… Et c’est sûrement pas lui qui va m’en empêcher… Qu’est-ce qu’il s’imagine ?… Que je vais rester cloîtrée là nuit et jour à faire semblant de gérer je ne sais trop quoi pour lui faire plaisir ?… Soi-disant que j’ai de mauvaises fréquentations… Qui vont me porter commercialement préjudice… Tu parles !… Qu’est-ce qu’ils en ont à foutre les clients que je couche avec celui-ci ou celui-là !… La preuve : que ce soit l’hôtel ou le restaurant c’est plein tous les jours… Alors je vois vraiment pas où est le problème… Enfin si !… Je sais où il est… C’est que depuis le début il veut me mettre sous cloche et être le VRAI patron. Tout seul… Il me considère comme une gamine sans consistance… Il me l’a dit… Pas comme ça, mais ça revenait au même… Il va voir si je manque de maturité… Si j’ai pas d’expérience… Si je serais incapable de faire face au moindre problème un tant soit peu sérieux… Ah, il me met au défi !?… Rira bien qui rira le dernier… Qu’est-ce qu’il croit ?… Qu’il est indispensable ?… Pour qui il se prend ?… On peut très bien se passer de lui… C’est même ce qui lui pend au nez parce que… non, je peux plus, là… J’ai l’overdose… Il va gicler… Et parti comme c’est ça va pas tarder…
- Qui c’est qui les donnera alors les fessées ?
- C’est pas un problème… Les deux vieilles d’hier soir elles raffolent de ça, en coller… Elles demanderont pas mieux que d’en être officiellement chargées…
- Faudrait quand même un homme parce que sinon…
- Je trouverai… T’inquiète pas… Je trouverai… Ce sont pas les candidats qui manquent…

Coralie était partie rejoindre Escobar et Clémence son…
- Son mari ou son amant ?… On a le choix…
- Son mari plutôt à cette heure-ci… Elle le crève tant et plus… Comme ça le lendemain matin il dort et elle peut aller retrouver tranquillement son amant…
- En tout cas ce qu’il y a de sûr c’est qu’on va rester toutes les deux toutes seules une bande de fois maintenant le soir…
- A moins qu’on s’y mette nous aussi… Après tout il y a pas de raison… Et tu sais pas ce que je me dis ?… Eh ben que je suis une vraie conne de pas oser tenter ma chance avec Milàn… Faut que je me lance… Avant qu’il se soit passé quoi que ce soit avec l’une des deux autres… Qui lui font un de ces rentre-dedans que c’en est indécent… Il en a rien à foutre, c’est clair, mais c’est un mec : elles demandent qu’à écarter les cuisses… Il serait bien con de laisser passer l’occasion… Oui… Faut que je me lance… Et sans tarder… Qu’est-ce que je risque ?… Au pire de me prendre un rateau… Ce sera pas le premier… Ni le dernier… Et franchement je crois pas… Il y a des signes qui trompent pas… L’autre matin sous la douche, oui, bien sûr, mais pas seulement… Il a une de ces façons de me regarder par en-dessous par moments quand il pense que je le vois pas avec un air, mais un air… Tu sais ce qui serait sympa, c’est que t’essaies de tâter le terrain, de voir un peu ce qu’il pense de moi, comment il me trouve tout ça… mine de rien… histoire que je sache où je vais…






14ème JOUR


Elle l’a triomphalement brandi…
- Visez-moi ça, les filles !…
Un dessin. D’Escobar. On l’y voyait, elle, étendue en travers des genoux de Mac Miche et Laurianne de ceux de Catherine. Les deux « vieilles » leur tambourinaient à qui mieux mieux le derrière, avec des mines ravies, sous les yeux d’une assistance subjuguée… Clémence et moi, on attendait notre tour au premier rang, en regardant, nues et manifestement pleines d’appréhension, s’empourprer les fesses de nos collègues…
- Mais comment il a pu savoir ?… Il était pas là l’autre soir !…
Coralie a souri d’un air entendu…
- Et la petite terrasse au-dessus derrière ?… De là-haut on voit tout ce qui s’y passe dans le bureau de Mademoiselle Ternat… Comme si on y était… Sans que personne s’en rende compte… Et on entend tout quand la fenêtre est ouverte… C’est moi qui lui ai donné le truc à Escobar… Oh, mais soyez pas jalouses, hein !… Vous aussi il va vous faire… En double même puisque vous avez eu du rab… C’est lui qui l’a dit…

- Je t’ai attendue là-bas tout à l’heure…
- C’est trop dangereux, Milàn…
- Dangereux ?… Pourquoi dangereux ?…
- On peut pas se voir comme ça tous les jours… Ils vont finir par se rendre compte de quelque chose les autres à force…
- Et alors ?!… Qu’est-ce que ça peut faire ?… Tu dois rien à personne… Je dois rien à personne… On a bien le droit de…
- J’ai pas envie… J’ai pas envie qu’ils sachent… Parce que ça va être des tas de réflexions… Des salades à n’en plus finir… Toutes les filles vont me tomber dessus à bras raccourcis… Se foutre de toi qui te tapes des vieilles alors qu’elles ne demandent que ça…
- Elles peuvent bien raconter ce qu’elles veulent… Si tu savais ce que je m’en moque !…
- Mais pas moi, Milàn !… Et je veux pas qu’à cause de moi tu…
- Si je comprends bien tu veux plus qu’on se voie, quoi !…
- J’ai pas dit ça !… J’ai jamais dit ça !… Juste qu’il faut qu’on se montre les plus discrets possible… Qu’on n’attire pas l’attention… C’est à nous ce qui se passe entre nous et à personne d’autre…

L’avis était affiché, en grosses lettres rouges, à l’entrée des cuisines. Comme les fessées semblaient perdre, au fil du temps, de leur efficacité il avait été décidé, en haut lieu, pour leur rendre leur lustre, que tout employé qui se la verrait administrer serait dorénavant tenu d’en exposer les effets, au vu et au su de tout l’établissement, vingt-quatre heures durant…
- Ca veut dire quoi ce charabia ?
- En clair ça veut dire que chaque fois que t’en prendras une faudra que tu restes le cul à l’air pendant vingt-quatre heures… Histoire que tout le monde voie bien que t’as ramassé…
- Et ça veut dire aussi qu’elle a sacrément le bras long la Catherine, qu’elle obtient tout ce qu’elle veut et que c’est qu’une première étape : je donne pas une semaine avant qu’on soit obligées de rester toutes à poil toute la sainte journée…

- Qui c’est qui les a mis à la même table ?
C’était Laurianne…
- Qu’est-ce tu voulais que je fasse d’autre ?… C’est eux qu’ont demandé… Comme ils étaient tous les deux tout seuls ils ont préféré… Plutôt que de rester chacun dans son coin… Surtout qu’ils ont sympathisé il paraît…
- Ben me v’là dans de beaux draps !… Mon mari et mon amant qui dînent ensemble… S’ils se font leurs confidences je suis cuite…

- Et elle insiste en plus !… Non, mais regarde-moi ça !… Si c’est pas une honte !…
Benjamin. Le mari. Bien fort. Pour que tout le monde entende. Pour que tout le monde se retourne…
Clémence est revenue avec une corbeille de pain qu’elle a déposée sur leur table, s’est éloignée…
- Non, mais comment ça se dandine du croupion… Et ça dira que ça cherche pas à allumer… J’t’en foutrais, moi, sale petite aguicheuse !…
Monsieur Ménisson s’est lentement approché. Toutes les conversations sont, les unes après les autres, restées en suspens…
- Il y a quelque chose qui ne va pas, Messieurs ?
- C’est votre serveuse, là… Elle me provoque… De façon éhontée… Olivier est témoin… Hein, Olivier ?
- Absolument…
- Je suis marié… Et fidèle… Les efforts obstinés de cette personne pour me détourner du droit chemin n’en sont que plus inacceptables…
Monsieur Ménisson en a immédiatement convenu…
- Nous allons y mettre bon ordre… Je peux vous assurer que cela ne se reproduira pas… Clémence !…
Elle est accourue…
- Monsieur ?…
- Vous ferez en sorte dorénavant de laisser les clients tranquilles… Vous n’avez en aucun cas à les mettre à contribution pour assouvir des appétits sexuels manifestement démesurés… Est-ce bien compris ?
- Oui, monsieur…
- Bien… Mais vous savez ce qui vous attend… Déshabillez-vous !
Elle n’a pas protesté. Elle a silencieusement obéi tandis que les gens quittaient leurs tables, les uns après les autres, pour venir faire cercle autour d’elle. Une voix de femme a proclamé…
- J’espère qu’il va pas la louper… Parce que je peux pas la sentir celle-là… Elle a un de ces airs de se foutre du monde…
Il ne l’a pas loupée. Une gigantesque fessée. Beaucoup plus longue et appuyée que d’habitude. Sous les yeux ravis d’une clientèle qui ne cherchait pas le moins du monde à dissimuler sa satisfaction. Qui, quand il a fait mine de mettre un terme à la punition, a unanimement protesté…
- Oh, pas déjà !…
- Encore !… C’est grave quand même ce qu’elle a fait…
- S’il s’en tient là elle recommencera ça c’est sûr…
Il a repris de plus belle…

- Alors ?…
- Alors quoi ?…
- Ben tu lui as parlé à Milan ?
- Oui… Non… Pas vraiment en fait…
- Vous avez discuté pourtant… Longtemps en plus… Je vous ai vus…
- Oui… Oui… Mais… je peux te dire les choses franchement ?
- Evidemment…
- J’ai bien essayé de le faire parler de toi, mais… mais il détournait sans arrêt… il y en avait que pour Sarah et surtout Caroline…
- T’inquiète pas !… Je vais m’occuper de leur cas…





15ème JOUR


- Il y a plus personne… Que nous deux…
Nous deux. Sous la douche…
- On sait jamais, Milàn… Si quelqu’un remonte…
- Personne remontera…
- T’en sais rien du tout…
Il m’a prise contre lui. Ses lèvres ont cherché les miennes et ses mains se sont posées sur mes fesses. Le désir de moi a embrumé ses yeux, est remonté contre mon ventre. Il m’a emplie. Il n’a pas bougé. C’est moi qui suis allé chercher mon plaisir sur lui. Très loin. Et lui offrir le sien…

Les filles étaient unanimes, en début d’après-midi, à l’entrée du parc…
- Comment j’aimerais pas être à sa place à Clémence !…
- Oui, ben moi non plus, alors là !…
- Etre obligée de se promener partout à poil comme ça !
- Moi, ce serait surtout de montrer mon derrière tout rouge à tout le monde… Comment j’aurais honte !…
- Ils font exprès les gens en plus… Ils savent où elle va passer et ils s’y mettent…
- Et ils se fichent carrément d’elle certains… Sans se gêner… Faut les voir faire…
- Peut-être que ça va nous arriver aussi un jour…
- Hou la la… Moi, rien que d’y penser…
- Ca nous arrivera pas… Pas à nous… Il y a pas de risques… Les serveuses, oui, parce qu’elles sont tous les jours avec les clients, mais nous, aux ménages !… Ou à la lingerie… C’est pas parce qu’on en croise un de temps en temps dans le couloir…
- Oui, oh ben alors ça !… S’ils veulent ils trouveront toujours quelque chose…

- Si je t’ai fait venir…
Elle a avalé son verre de whisky d’un trait…
- Si je t’ai fait venir c’est que… Sers-toi, si tu veux, la bouteille est derrière toi… Non ?… Sers-moi alors… Vas-y !… Carrément… Oui… C’est que j’ai des dispositions à prendre… C’est fini, Ménisson… On s’est engueulés… Et tu sais pas ce qu’il m’a fait ?… Il m’a menacée d’une fessée… Moi !… Non, mais pour qui il se prend !… Cette fois ça suffit… Je le vire… Je reviendrai pas là-dessus… Comment je vais m’organiser ?… J’en sais rien… Mais il me faut un directeur… Quelqu’un qui ait de la poigne… Il y a pas à sortir de là… J’ai pensé à la Mac Miche… Avec elle au moins ça obéirait au doigt et à l’œil…
- Ca, c’est le moins qu’on puisse dire…
- Et à part elle je vois vraiment pas qui que ce soit ici qui puisse faire l’affaire…
- Moi non plus…
- Je peux pas me louper… Il me la faut… Absolument… Ca l’intéresserait, tu crois ?
- Dans l’absolu, sûrement, oui… Mais elle a sa vie… Ailleurs… Autrement…
- Je sais bien… Va falloir la jouer fine… Tu voudrais pas me la sonder un peu d’abord ?… Discrètement… Histoire que je sache où je vais… Que l’idée fasse son chemin…

- C’est gentil de venir me voir comme ça !… Toi, au moins, tu sais te montrer conciliante… Et compréhensive… On ne peut pas en dire autant de toutes tes petites camarades… Parce qu’il y en a une, là, une petite brunette, toute mignonne, qui fait les chambres le matin…
- Séverine… sûrement…
- Oui, Séverine, c’est ça… un amour de petite bonne femme… eh bien pour en obtenir ce qu’on veut !… Oh, mais elle perd rien pour attendre… Si elle s’imagine qu’elle va pouvoir jouer les mères « la pudeur » longtemps comme ça avec moi… Quand j’ai décidé quelque chose… On verra… On verra si elle ne me mangera pas dans la main… Si elle ne viendra pas gentiment me faire mon ménage les fesses à l’air comme je le lui ai demandé… Et je peux te dire qu’elle va regretter de ne pas s’être montrée docile beaucoup plus tôt… La docilité chez une jeune femme…
Elle m’a posé la main sur la nuque, a pesé, m’a contrainte à la baisser…
- Chez une femme tout court d’ailleurs… Et c’est vrai que toi, de ce côté-là, on n’a pas grand chose à te reprocher…
Elle a retiré sa main…
- Mais reste comme ça… Tête basse… Ca te va si bien… Oui, en ce qui te concerne… On en parlait encore avec Esther tout-à-l’heure…
- Vous savez qu’il y a un bruit qui court à son sujet ?
- Quel bruit ?…
- Que monsieur Ménisson abandonnerait ses fonctions et que c’est elle qui prendrait sa place…
- A ma connaissance il n’a jamais été question de ça…
- Il y en a beaucoup qui aimeraient pourtant…
- Ils déchanteraient vite… Parce que Charles est sévère, oui, mais quand on a affaire à Esther… Tu en as fait l’expérience l’année dernière, non ?…
- Oui… Et pas qu’un peu…
- On est toutes les deux, elle et moi, parfaitement d’accord là-dessus : tu es quelqu’un avec qui il faut faire preuve de beaucoup d’autorité… Beaucoup… Bon, mais file maintenant… J’ai des choses à faire…

Coralie s’extasiait sur le derrière de Clémence…
- Comment tu as marqué !… C’est de la folie… Et il y en a pour un moment, je suis sûre… Tu sais ce qui serait bien ?… C’est que je te dessine…
- Oh, si tu veux… Je suis plus à ça près…
- C’est vrai ?… Ca t’ennuie pas ?… Mais ce qu’il faudrait alors c’est le faire devant Escobar… Qu’il me montre… Qu’il me guide…
- C’est sans problème…
- On pourrait demain matin, dans sa chambre, puisqu’on sert ni l’une ni l’autre le petit déj… Seulement toi le matin…
- Je vais me faire tirer par Olivier, c’est ça ?… Ca me fera un prétexte pour pas y aller… Parce que je sais pas ce qu’ils manigancent derrière mon dos tous les deux, mais il y a quelque chose… Et ça me plaît pas… Vous avez vu comment ils étaient de mèche pour m’en faire attraper une hier soir ?…
- Ca !…
- Ils sont sans arrêt fourrés ensemble… Et j’ai du mal à croire qu’ils se fassent pas leurs confidences. Olivier prétend que non… Mais Olivier sait pas que Benjamin, c’est mon mari… Et j’imagine mal qu’il soit pas allé lui raconter qu’entre lui et moi… Les mecs sont tellement vantards là-dessus… Et si Benjamin est au courant…
- Ce qu’est pas sûr…
- Je me vois mal aller lui poser la question… « - Dis-moi, mon chéri, Olivier t’a dit qu’il te fait cocu ? »
- Il sait pas… S’il savait il y a longtemps qu’il t’aurait volé dans les plumes, non ?…
- A moins qu’il me mitonne une petite vengeance à sa façon… Vous le connaissez pas…






16ème JOUR


- Entrez !… Non, mais qu’est-ce que c’est que cette tenue ?…
- C’est vous qui m’avez dit… Vous m’avez dit de l’apporter habillée le petit déjeuner la prochaine fois…
- Nous ?… On n’a jamais dit une chose pareille… T’as dit ça, toi, Amélie ?
- Jamais de la vie… Elle ment…
- Donne !… Le plateau… Donne !…
Je le lui ai tendu. D’un brusque coup de poing il l’a fait voltiger. J’ai reculé d’un bond . Trop tard. Une tasse de café au lait m’a sauté à la gorge, a ruisselé, le long de la robe, du tablier. L’autre m’a frappée au ventre, dégouliné sur les jambes…
- Ah, ben tu es belle !…
Il s’est levé, m’a empoignée fermement par le bras, entraînée devant la grande glace en pied de l’armoire…
- Regarde-toi !… Non, mais regarde-moi ça !… Une vraie souillon… Tu n’as pas honte ?… Et personne te dit rien ?… On te laisse faire ton service comme ça ?… C’est du propre !… Oui… Eh bien que tu le veuilles ou non tu vas me faire le plaisir d’aller te laver… Et tout de suite…
Il m’a poussée sous la douche. Toute habillée. Il a ouvert. Glacé. A pleine puissance. Longtemps…
- Là… Et maintenant file !… Et rapporte-nous un plateau… Toute nue… Tu risqueras pas de te salir.
Derrière la porte ils ont ri aux éclats…

Clémence posait, tournée vers le mur. Assis sur le lit, le sourcil froncé, Escobar regardait Coralie la dessiner avec application. Elle a relevé la tête…
- Qu’est-ce qui t’est arrivé ?… T’as les cheveux tout mouillés…
- Rien… Oh, rien… Je vous raconterai…
J’ai posé le plateau à côté d’elle sur la petite table près de la fenêtre…

Elles avaient entouré Séverine. Elles la pressaient de tous côtés…
- Qu’est-ce qu’elle te voulait la vieille ce matin ?
- Rien… J’ai fait sa chambre…
- Pendant deux heures ?… Comment ça devait être crade !…
- Non, mais… C’est qu’on a discuté… Elle connaît quelqu’un qui pourrait peut-être m’aider pour partir au Canada… Elle y a vécu, elle, là-bas… Elle m’a raconté, montré des photos… On dirait pas comme ça, mais elle est vachement sympa finalement…

Adeline m’attendait sur le pas de la porte…
- Ben alors !… Qu’est-ce tu foutais ?
- Le service…
- Tu parles !… Ca fait une heure que tu discutes avec les autres dindes… Je vous ai vues par la fenêtre… Bon, mais on s’en fout… Alors ?!… T’as réussi à savoir quelque chose pour Mac Miche ?…
- J’en ai touché deux mots à Catherine…
- Et ?…
- Elle répercutera… Forcément…
- Quand ?… Tu sais pas ?… Parce qu’il y a vraiment urgence, là… On s’est encore pris le chou hier soir avec Ménisson… Et ça faisait pas semblant… Evidemment il y aurait une solution c’est que je la convoque et que je joue cartes sur tables… Mais je la connais… Elle va se croire obligée de donner une réponse tout de suite… Et elle reviendra pas dessus… Elle est beaucoup trop orgueilleuse… Tandis que si on flatte son amour-propre… Qu’on lui laisse entendre qu’elle est absolument IN-DIS-PEN-SA-BLE, mais qu’on hésite à la solliciter par crainte d’un refus… Alors là !… Et pour ça je sais que je peux compter sur toi… Dès qu’il s’agit de se montrer diplomate…

- Le Canada !… J’y ai jamais mis les pieds… Et pas une seule seconde on n’a parlé de ça… Non… Si elle est restée aussi longtemps dans ma chambre c’est que j’ai réussi à la convaincre de se montrer gentille… Très gentille… C’était pas bien sorcier : elle a une peur bleue de devoir déambuler dans tout l’hôtel le derrière à l’air… Ce qui lui serait immanquablement arrivé si j’avais eu à me plaindre d’elle et qu’on avait dû la fesser… Elle a préféré – et c’est tout à son honneur – se montrer raisonnable et me laisser admirer tout mon saoul ses délicieux petits trésors cachés… Avec bien de la retenue et des réticences au début… Au début… Parce que plus le temps passait et plus elle s’enhardissait… J’adore… J’adore ce genre de petite bonne femme qui dissimule, sous des dehors timides et farouches, une nature délicieusement perverse et impudique… Et résolument volcanique quand on sait l’amener à se donner libre cours… J’ai su… Et je peux te dire qu’une fois qu’elle est lancée elle ne recule plus devant rien… Absolument rien… Et qu’elle y a trouvé son compte… Et pas qu’un peu… Toi aussi d’ailleurs, un jour, il faudra que tu me montres comment tu sais bien t’amuser toute seule… Je suis sûre que c’est quelque chose pour quoi tu es extrêmement douée… Non ?… Allons !… Allons !… Ne fais pas ta modeste… Bon… Mais on verra ça… En temps voulu… En attendant, si je peux me permettre de te donner un conseil, tu ne devrais pas trop te mêler de ce qui ne te regarde pas… Et laisser Adeline et Ménisson régler leurs problèmes entre eux… Si tu ne veux pas qu’à un moment ou un autre, d’une façon ou d’une autre, ça te retombe sur le coin de la figure…

Elle s’est déculottée, nous a tourné le dos, la mine ravie…
- Regardez-moi ça, les filles !…
- Eh bien quoi ?… C’est une fessée… Et une bonne…
- Oui, mais c’est Esco qui me l’a donnée… Parce qu’il était nul mon dessin… Enfin, non… Pas parce qu’il était nul… Mais parce que j’y mettais de la mauvaise volonté… Et que je lui faisais perdre son temps… C’était vrai… Je faisais exprès… pour qu’il m’en mette une justement… Ca a pas loupé… Et comment c’était bon !…

17ème JOUR


Laurianne a jeté, d’un air de profond découragement, son peignoir sur le lit…
- Il est homo… Ou impuissant… C’est pas possible autrement…
- Qui ça ?…
- Ben Milàn… Parce que… Non, mais attends… Je lui ai carrément demandé… Proposé… Je lui ai dit que j’avais envie de coucher avec… Et… rien… Il s’est cassé avec un grand sourire… Tu trouves ça normal, toi ?… Parce que je suis peut-être pas une fille canon canon, mais je pense quand même être pas trop mal foutue, non ?
- Je peux te dire qu’il y en a beaucoup qu’aimeraient être faites comme toi…
- C’est pas pour me vanter, mais j’en ai eu des mecs… Et pas n’importe quoi… Du super… Mais alors là… Là, ça me scie… C’est vraiment la première fois qu’on me fait un coup pareil…
- Il est peut-être amoureux…
- Et alors ça empêche quoi ?… Si j’avais dû m’arrêter de baiser chaque fois que je suis tombée amoureuse… Et puis amoureux de qui ?… De l’autre espèce de petite pétasse de Caroline ?… Qui tu veux qui tombe amoureux de Caroline ?… Tu me feras pas croire qu’un mec normalement constitué il peut s’enticher de ça… Ou alors faut qu’il aille consulter… un ophtalmo… ou un psy… Non… Si vraiment il est amoureux de Caroline…
- Elle, elle l’est de lui en tout cas… Ca fait pas l’ombre d’un doute… Sarah aussi… Et elles sont sûrement pas les seules…
- Non, mais qu’est-ce qu’elles ont toutes dans la tête ces pauvres filles ?… Si elles avaient ne fût-ce qu’une once de lucidité… Si elles avaient le courage de se regarder en face… Mais c’est vrai qu’on peut pas trop leur en demander non plus… Elles sont tellement limitées… En tout cas je peux t’assurer d’une chose, c’est que j’ai pas dit mon dernier mot… Il y passera dans mon lit… D’une façon ou d’une autre il y passera… Et qu’il y en ait une qui essaie de se mettre en travers pour voir…

Il était là… Dans notre écrin de verdure…
- J’y viens tous les jours… Au cas où…
- Personne t’a vu ?…
- Personne, non… Viens !… Viens là !… Près de moi… J’ai trop envie…
En caresses douces. Partout. Longtemps. Tendrement. Passionnément. Il s’est posé sur les fesses, s’y est attardé, y est resté…
- Il y a longtemps que t’en as pas pris…
- Ca te manque ?… Fais m’en avoir une…
- Oh, je pourrais, hein !… Il suffirait que je…
- Chut !… Tais-toi !… Dis rien !… Que j’aie la surprise…
Je me suis redressée sur un coude…
- Et toi ?… Jamais t’en as reçu encore…
- Tu aimerais ?
Je n’ai pas répondu. Je l’ai embrassé. On a roulé dans l’herbe… On s’est voluptueusement aimés…

Il était dans le bureau d’Adeline. Seul. Dans le fauteuil d’Adeline… …
- Bien… Alors tu vas commencer par m’expliquer ce que tu mijotes… Et pourquoi tu montes systématiquement la tête à Adeline depuis ton arrivée ici…
- Moi ?!… Mais jamais de la vie !…
- Ben voyons !… Bon, mais j’ai pas de temps à perdre… Alors écoute-moi bien !… Sans moi Adeline n’est rien… Tout ici part à vau-l’eau… Elle n’a absolument pas l’envergure pour gérer une affaire de cette importance… Et elle le sait… Le plus souvent… Parce qu’il y a aussi des moments – elle est jeune – où elle cherche à se donner l’illusion qu’elle peut voler de ses propres ailes… Avec d’autant plus d’acharnement et de véhémence qu’elle est, en réalité, velléitaire et inconsistante... Irresponsable et immature… Il lui faut en permanence quelqu’un derrière elle… Quelqu’un de persuasif qui sache la convaincre, chaque fois, de se montrer raisonnable et de ne pas tout gâcher à grands coups de caprices sans lendemain… J’y suis jusqu’à présent parvenu… Et ça n’a pas été sans mal… Alors dis-toi bien une chose : c’est que je ne laisserai personne – absolument personne – la mettre en danger et l’encourager à emprunter des chemins de traverse sur lesquels elle n’a déjà que trop tendance à s’égarer…
- Mais je n’ai jamais…
- Je n’ai pas l’intention de discuter… Tiens-le toi pour dit, c’est tout… Tu peux disposer…

- C’est plutôt rare !…
- Quoi donc ?…
- Qu’on soit réunies toutes les quatre comme ça le soir dans le box…
- Il avait un truc important à finir Escobar… Pour une revue… Faut à tout prix que ça parte demain matin… Mais il me fait trop rire, lui… Parce que ça fait je sais pas combien de fois qu’il me dit qu’il va s’en aller… Qu’il faut absolument qu’il rentre en Belgique… Et il est toujours là…
- A cause de toi ?…
- Un peu quand même !… J’y suis tout le temps fourrée dans sa chambre… Si ça lui plaisait pas un minimum… Non, mais moi, ce que j’espère surtout, c’est qu’après, quand il sera parti, on continuera à se voir… D’une façon ou d’une autre… Parce que tout ce qu’il m’aura appris en dessin !… Ce serait con d’arrêter… Et puis…
- Et puis ?…
- Comment il sait bien la donner la fessée… C’est toujours juste comme t’as envie que ce soit… Jamais à côté… Même quand elle change ton envie il devine exactement…
- Oui… T’es amoureuse, quoi !…
- Je me demande…
- Te demande plus…

Clémence non plus se demandait plus…
- Tu te demandes plus quoi ?
- Si Benjamin est au courant… Ils se sont bien fichus de moi tous les deux… Et dès le début… Ou presque… C’était couru de toute façon… Dès l’instant où ils ont sympathisé… Mais alors là par contre pour ça qu’ils y comptent pas !…
- Qu’ils y comptent pas pour quoi ?
- Pour qu’on couche tous les trois… Sans arrêt ils reviennent là-dessus… Et qu’est-ce que ça peut faire puisque je couche avec les deux ?… Que ça soit séparément ou ensemble ça revient au même… Ca change rien… Si, ça change !… Si !… S’ils sont pas capables de comprendre ça… De toute façon les mecs !…







18ème JOUR


- Cette fois ça commence à bien faire !…
Et Fournier a empoigné Milàn. Qui n’a pas protesté. Qui n’a pas cherché à se défendre. Il l’a empoigné et il a tapé. A grands coups qui s’abattaient à pleines fesses. Les filles autour avaient toutes arrêté de se doucher, les yeux rivés au derrière de Milàn. Bouche bée, Sarah s’était figée, son gel douche à la main. Caroline, mâchoires serrées, accompagnait chaque claque qui tombait d’un grand mouvement décidé du menton. Penchée en avant à l’équerre, Laurianne ne cherchait pas le moins du monde à dissimuler l’intérêt très vif qu’elle prenait au spectacle. Indifférent à tout le reste, Fournier, lui, martelait le fessier cramoisi de Milàn comme si sa vie en dépendait. Comme si ça devait ne jamais avoir de fin. Milàn gémissait. Un petit grognement obstiné, régulier, de fond de gorge. Il gémissait et bondissait du derrière en soubresauts qui lui serraient et desserraient les fesses en mesure…

Ca s’est arrêté d’un coup. Sans que rien ait pu le laisser prévoir. Sans un mot, sans un regard l’un pour l’autre, ils ont quitté la pièce. Le silence. Qui s’est prolongé. Et puis il y en a une qui a ri. Avec hésitation. Une autre. D’autres. De bon cœur…
- Une comme ça, moi, comment j’aurais pas aimé la prendre !…
- Moi, si, au contraire…
- C’est trop rigolo quand c’est un mec… J’adore…
- Surtout celui-là !…
- Comment il laissait trop tout voir…
- Et il a pas le droit de se rhabiller de la journée maintenant en plus… C’est le règlement !…
- Génial… Il y en a pas une des deux qui veut me laisser sa place aux cuisines aujourd’hui, les filles ?… Exceptionnellement… Allez, un bon mouvement, quoi !…
- T’as le droit de rêver…
- Pourquoi il la lui a donnée Fournier finalement ?… Qu’est-ce qu’il avait fait Milàn ?…
- Ah oui, c’est vrai ça… On n’a pas su… Qu’est-ce qu’il avait fait ?

- Ben oui… Qu’est-ce t’avais fait ?…
Il a souri…
- Je lui ai supposé des mœurs qui le révulsent… Et ça il supporte pas… J’ai mis le paquet en plus… Je savais à quoi je devais m’attendre… Tu as aimé ?…
- Un peu que j’ai aimé !… Et rien que de penser que c’était pour moi que tu la prenais tu peux pas savoir comment ça me remuait à l’intérieur…
- Et moi donc !…
- Pourquoi tu te l’es fait faire par un homme ?… Parce que tu préfères ?…
- Non… Parce que j’ai pensé que toi, tu préférerais… Je me suis trompé ?
- Oui… Non… Je sais pas en fait…
- Tu veux qu’on recommence avec une femme ?…
- Chiche !…
- Mais alors là, cette fois, tu te mettrais à un endroit où je pourrais te regarder regarder… Avoir tes yeux… Tout du long…
J’ai dérivé, à caresses lentes, jusqu’à ses fesses…
- Comme elles sont chaudes !…
Il me les a abandonnées. Je m’y suis promenée du bout des cheveux. J’y ai posé ma joue. Mes lèvres. Je les ai piquetées de rapides petites morsures. Il a frémi. Il s’est soulevé. Ma main sous lui. Je l’ai enserré. Il s’est aussitôt répandu sur mes doigts…

Du plus loin qu’elle m’a aperçue Laurianne est venue à ma rencontre…
- T’étais où ?
- Chez Adeline…
- Ah !… C’est bien ce que je pensais !… Il y en a qui disaient que tu devais être avec Milàn… Comme vous n’étiez là ni l’un ni l’autre… Mais qu’est-ce que t’aurais bien pu fabriquer avec Milàn !… En attendant tout le monde se demande où il peut bien disparaître comme ça pratiquement tous les après-midi… Et les filles elles croient qu’il va retrouver un mec quelque part… Que c’est pour ça que ça a chauffé ce matin avec Fournier parce qu’il y a eu quelque chose entre eux et que Fournier il apprécie pas du tout qu’il le fasse cocu… Du coup ça expliquerait pourquoi il en a rien à foutre des nanas et qu’elles ont beau toutes lui courir après c’est comme si elles pissaient dans un violon… Moi, je veux bien… Mais n’empêche que le jour où j’en ai pris une sous la douche il bandait comme un fou furieux… Et ça je l’ai pas inventé… Je l’ai pas rêvé… Non… Alors moi ce que je crois c’est qu’il marche à la voile et à la vapeur… Mais chut… Qu’elles continuent à s’imaginer qu’il est seulement homo… Moi, ça m’arrange… Elles vont laisser tomber et j’aurai le champ libre…

Ils l’ont fait servir en salle…
- Mais c’est pas sa place !…
- C’est exceptionnel… Dans un souci de justice ils ont dit… Parce qu’il y a pas de raison que quand c’est une nana on la fasse déambuler à poil devant les clients et que quand c’est un mec il ait le droit de rester planqué sous prétexte qu’il bosse aux cuisines… C’est pas complètement faux après tout… Et ça risque d’être amusant en plus…

- Ca l’était pas vraiment…
- Ca l’était pas du tout, oui… Avec l’autre gros lourd et ses croche-pied… Et dire qu’il se croit fin !… Quant aux trois folles au fond avec leurs réflexions à la mords-moi-le-nœud ce qu’elles pouvaient me taper sur le système… A lui aussi d’ailleurs… Ca se voyait…
- Ce qui est un tort… Parce qu’elles en rajoutaient…
- Oui… Tout ce qu’il a pas entendu !… Mais quand même !… J’ai du mal à croire qu’il soit attiré par les hommes… Beau comme il est !…
- Oh, alors ça !… Ca veut rien dire du tout…
- On le saura demain…
- Demain ?… Pourquoi demain ?…
- Parce que… Elles t’ont pas dit ?… Parce que demain elles vont lui tendre un piège pour savoir où il va comme ça tous les jours… Comme il part toujours du côté de la fontaine elles vont aller se planquer un peu partout où il peut passer après… Faudra bien qu’on finisse par savoir qui c’est qu’il va retrouver comme ça…





19ème JOUR


- Vous voulez un scoop, les filles ?… Eh ben ça y est !…
- Qu’est-ce qui y est ?
- Clémence… Quand j’ai porté le petit déj à la 108 tout à l’heure je les ai trouvés tous les trois… Elle au milieu… Entre le mari et l’amant… Ils m’ont même pas entendue tellement ça dormait… Faut croire que la nuit avait été agitée…
- C’était obligé que ça finisse comme ça… Obligé…
- Même qu’elle essaie de se faire croire le contraire je suis bien tranquille qu’au fond elle est ravie… Seulement ça c’est vraiment pas le genre de trucs que tu peux aller t’avouer facilement à toi-même…

- Et tout ça pour quoi ?… A cinq elles s’y sont mises… Fallait les voir ce matin penchées, avec des airs de conspiratrices, sur un plan du parc qu’elles ont passé la moitié de la nuit à peaufiner… Se répartir les postes d’observation au terme de savantes négociations et de besogneuses tractations… Tout ça pour arriver à le laisser s’évanouir dans la nature Milàn… Personne sait ce qu’il est devenu… Et maintenant elles en sont à imaginer qu’il existe un souterrain secret qui, du parc, mène quelque part en ville… C’est vraiment du grand n’importe quoi… Mais si ça les amuse !… Ca les occupera… Et moi, pendant ce temps-là… Parce que j’aurai pas besoin de toutes ces simagrées pour mettre la main dessus !… De l’endroit où il se planque j’ai même déjà ma petite idée… Et si c’est ça… Si c’est ça il va y passer à la casserole… On verra s’il sera encore homo quand je me serai occupée de son cas…

- Je suis nulle par moments… Complètement nulle… Parce que si je l’avais pas Ménisson !… Il porte tout sur ses épaules… Tout… Mon rôle à moi ce serait au moins d’essayer de le seconder… Dans la mesure du possible… Eh bien non !… Au contraire… Je trouve rien de mieux à faire que de lui mettre sans arrêt des bâtons dans les roues… Faut vraiment qu’il ait une patience d’ange avec moi… Je sais pas pourquoi je suis comme ça… Je l’ai toujours été… Avec tout le monde… Dès qu’on veut m’aider je fais tout pour que ce soit impossible… Je deviens odieuse et on n’en a plus du tout envie… Ou bien je rends tout tellement compliqué que c’est obligé de se casser la figure… Il y a quelqu’un qui m’a dit un jour que c’était pour voir jusqu’où je pouvais le pousser le bouchon et que je le poussais toujours tellement loin que c’était impossible de pas finir par tout laisser tomber… Ce qu’ils savent pas les gens c’est que je demande que ça qu’on m’arrête… Que j’attends que ça… Qu’il y ait quelqu’un qui ait suffisamment de poigne et de caractère pour me dire… « Stop !… Tu vas pas plus loin… » et pour l’obtenir… Il y a pas grand monde qui est capable de comprendre ça… Presque personne en fait…

La Catherine de Médicis a mis un doigt sur ses lèvres…
- Chuuuut !… Tu dis rien… Tu parles pas surtout…
Elle s’est effacée pour me laisser passer. Une fille était attachée sur le lit par les poignets et les chevilles. Nue. Les yeux bandés. Les bras tendus. Les jambes ouvertes…
- Tu la reconnais pas ?…
C’était Séverine…
- T’as de la visite, ma chérie !…
Elle a soulevé la tête sur l’oreiller, l’a laissé retomber…
- Oui, t’aimerais bien savoir qui c’est, hein ?!… Ca n’a pas d’importance qui c’est… Ce qui compte c’est que c’est quelqu’un qui va s’occuper de toi… Et qui va y mettre tout son cœur… Et pas que son cœur… C’est bien ce que tu voulais, non ?… Ah, tu vois !… Qu’est-ce qu’il y a ?… Si c’est un homme ou une femme ?… Mais qu’est-ce que ça peut faire si c’est un homme ou une femme !… T’as de ces questions !… L’essentiel, c’est que ce soit quelqu’un qui sache s’y prendre, non ?… Ah, tu vois !… Bon, mais assez perdu de temps… Je suis sûre que tu meurs d’impatience…
Elle m’a fait signe, poussée vers le lit, fait allonger entre les cuisses de Séverine, pesé sur la nuque…
- Vas-y !… Et sois convaincante…
Elle était trempée. Elle a presque tout de suite gémi… La Catherine l’a détachée. Elle a refermé ses cuisses autour de moi, m’a pressé, des deux mains, contre elle, en bas, a imploré…
- Plus fort !… Plus vite !…
Elle a joui, à grands râles éperdus, la tête folle sur l’oreiller. Et elle a réclamé. Voulu encore. Et encore. A fini par retomber…
Catherine m’a doucement tirée en arrière…
- Va!… Va lui donner son goût…
Elle s’est prise sur mes lèvres, lentement savourée, à petits coups de langue gourmande… On s’est enroulées l’une à l’autre…
C’est Catherine qui nous a séparées…
- Bon, mais ça peut peut-être suffire… Faut pas abuser des bonnes choses… Vous aurez d’autres occasions…
Séverine a voulu savoir…
- Quand ?…
- Tu verras bien quand…

Il a ri…
- Pour pas s’en apercevoir faudrait vraiment y mettre de la bonne volonté… Parce qu’elles sont d’une discrétion !…
- Tu les as semées en beauté…
- C’était pas bien sorcier…
- Oui, mais en attendant plus question de nous retrouver dans notre petit chez-nous de verdure…
- On trouvera bien un moyen…
- Je vois pas lequel…
- J’ai ma petite idée… File en attendant… Si jamais on te trouve là…

- Quelle opinion vous devez avoir de moi maintenant, hein, les filles !?…
- Ben pourquoi ?
- Ben parce que… Mon mari et mon amant… Ensemble…
- C’est pas moi que ça dérange…
- Ni moi non plus… C’est toi que ça regarde de toute façon…
- J’avais pas vraiment le choix… Enfin, si, mais bon !…
- T’as pas à te justifier…
- Jamais j’aurais cru qu’un jour je serais capable de ça… Et que finalement…
- Et que finalement ?…
- J’y trouverais autant mon compte…












20ème JOUR


- C’est elle !… Je te disais bien que ce serait elle le petit déj aujourd’hui…
- Et toute nue !… On te l’avait pourtant interdit… On te l’avait pas interdit ?… Eh bien réponds !…
- Non, mais regarde-moi ça !… Regarde-moi comment elle te toise de son petit air supérieur… Et elle te répondra pas… Elle est au-dessus de ça… Pour qui elle se prend celle-là ?… Tu vas quand même pas supporter ça, Paul, enfin !… Tu vas pas la laisser faire…
- Sûrement pas, non !… Baisse les yeux, toi !… Eh bien ?!… T’entends ce que je te dis ?…
- Mais ils sont baissés !…
- Ne réponds pas !… Et regarde-moi quand je te parle !… Eh bien ?!… Tu vas me regarder, oui ?… Non, mais tu cherches, hein !… Tu cherches vraiment… Je t’avais pas dit de baisser les yeux ?…
- Ben si, mais vous…
- Recommence pas à discuter !… Bon, mais cette fois ça suffit !… On s’est montrés suffisamment patients… Tu fais preuve de tellement de mauvaise volonté que tu ne nous laisses pas vraiment le choix… On va devoir aller se plaindre en haut lieu… A moins qu’on règle ça ici tous les trois en interne… Qu’est-ce que tu préfères ?… Une fessée, ici, maintenant, entre nous, ou une fessée publique, plus tard, de la main de tes supérieurs ?
- Ici… Maintenant… Avec vous…
- Alors ce sera plus tard… En public…

Elle lui a dit quelque chose à l’oreille. Ils se sont longuement concertés tous les deux à voix basse…
- Tu as de la chance, beaucoup de chance, que Flora ait décidé d’intercéder en ta faveur… Parce que sinon… J’espère qu’en contrepartie tu sauras lui manifester un minimum de gratitude… Ce serait la moindre des choses…
Il s’est assis au bord du lit…
- Viens là !…
En travers de ses genoux. De son bras gauche il m’a solidement immobilisée contre lui… Elle, elle s’est emparée de mes poignets…
- Parce que j’ai horreur de ça celles qui essaient de se protéger avec leurs mains…
- Bon, ben en avant pour le quadrille…
- Tu la fais bien gigoter, hein, Paul !… Tu sais comment j’aime ça quand elles gigotent…

Il m’a laissée lourdement retomber au pied du lit elle est aussitôt venue me remplacer sur ses genoux…
- Qu’est-ce que tu lui as bien fait !… Beaucoup mieux que les autres filles les autres fois…
Elle a passé ses bras autour de son cou, s’est pressée tout contre lui…
- Mais c’est qu’elle le méritait aussi… Encore plus que les autres… Hein qu’elle le méritait !?…
- Et comment qu’elle le méritait !… File au coin, toi !… Les mains sur la tête !… Et essaie de te retourner pour voir…
Derrière moi il y a eu des bruits de baiser, de succion, des halètements…
- Comment il est rouge !… Comment tu lui as mis rouge !… Oh, je t’aime !… Si tu savais comme je t’aime…
Ca s’est emballé. Le lit a grincé. Elle a psalmodié son plaisir à pleine gorge…

- En tout cas il y en a une qui donnerait cher pour savoir à qui appartiennent ces lèvres qui lui ont donné tant de satisfaction hier…
- Séverine…
- Evidemment Séverine… Mais elle ne saura pas… Elle n’a pas à savoir… Elle a joui : c’est tout ce qu’on lui demande… C’est tout ce que je lui demande : qu’elle m’abandonne le spectacle de son plaisir… Et j’étais sûre qu’en te choisissant, toi, pour t’occuper d’elle, il n’y avait pas le moindre risque que je sois déçue… Je misais sur le bon cheval… Et tu sais pourquoi ?… Parce que toi, tu es totalement inapte au plaisir… Pour être capable d’en donner, d’en donner vraiment, il faut, contrairement aux apparences, être incapable d’en éprouver… Ne pas se reconnaître le droit d’en éprouver… Ou seulement par procuration… Tu comprends ?… Non… Tu ne peux pas… Tu peux seulement soupçonner un peu, de loin, de quoi il retourne… Parce que tu es, par nature, prédisposée à privilégier l’autre au détriment de toi-même… Mais ça ne suffit pas… Des dispositions naturelles ça se travaille… Pour que tu comprennes vraiment, de l’intérieur, il faudrait que je puisse te prendre en mains au quotidien… Tu es douée… Tu ferais des progrès fulgurants… On obtiendrait des résultats spectaculaires… Tu aimerais ?…
- Je sais pas…
- C’est exactement la réponse que j’attendais… La seule qui convienne… Parce qu’elle implique que ce sont toujours les autres qui décident à ta place… Même – surtout ? – quand ça te concerne au premier chef… C’est bien… C’est très bien… C’est parfait… Tu mérites vraiment que je m’occupe de toi… Je vais y réfléchir… Je finirai bien par trouver une solution…

Elles se sont enfin endormies. Le billet de Milàn serré dans ma poche je me suis relevée sans bruit. Le temps de m’habituer à l’obscurité et j’ai entamé l’escalier du grenier tout au bout là-bas. Les marches ne grinçaient pas. Presque pas. La deuxième porte il avait dit. Elle était ouverte. Il était là. Il m’attendait. Il m’a prise contre lui…
- Comme tu m’as manqué !… Si tu savais !…
On a entrelacé nos impatiences, emmêlé nos désirs, perdu pied…

- Milàn !…
- Quoi ?… Qu’est-ce qu’il y a ?…
- On s’est endormis !… T’imagines qu’on se réveille pas à temps demain et qu’on nous cherche partout… On aurait bonne mine…
- Les choses seraient claires au moins… Elles me ficheraient peut-être enfin la paix…
- Oui, ben alors là, ça, c’est pas demain la veille…





21ème JOUR


Laurianne lui a tout juste laissé le temps de prendre place sous la douche à Milàn…
- Tu peux me dire un truc, là ?… Tu disparais où tous les après-midi comme ça ?… Parce que t’as pas l’air de t’en rendre compte, mais tout le monde se pose la question…
- Oh, si, je me rends compte, si !… Discrètes comme vous l’êtes !…
- Si tu cherchais pas aussi !…
- Moi ?…
- Ben oui, toi !… On croirait que ça t’amuse… Que tu sais pas quoi inventer pour attirer l’attention…
- Ben alors ça, c’est la meilleure !…
- Tu crois pas qu’il vaudrait cent fois mieux dire carrément les choses une bonne fois pour toutes, non ?… Que t’aies une nana – ou un mec si tu préfères les mecs – c’est ton droit et c’est toi que ça regarde… Mais à faire tous ces mystères, comme tu fais, comment tu veux que les gens ils essaient pas de savoir, qu’ils aillent pas imaginer tout un tas de trucs ?…
- Mais il y a rien à imaginer !… Ni à savoir !…
- Peut-être !… Mais en attendant tu veux toujours pas dire ce que tu fais tous les après-midi…
- Mais rien enfin !… J’ai besoin d’être seul… De pas parler… De voir personne… C’est tout !… Il y a vraiment pas de quoi fouetter un chat…
- Ca, c’est sûr !… Ni de faire toutes les histoires que tu fais…

- Et voilà !… T’as vu ça ?… J’en étais sûre… C’est comme ça qu’il faut le mener, lui !… Tambour battant… Tu lui rentres dans le lard et t’en obtiens tout ce que tu veux… C’est bon à savoir… Parce que je vais foncer et je donne pas deux jours avant de l’avoir croqué en beauté… D’autant que – tu l’as entendu comme moi – il a personne… Alors si vraiment j’y arrive pas, je me fais nonne, tiens !… Ou un truc dans ce genre-là…

- Si c’était à refaire… Je sais bien que j’en ferais hurler plus d’un… mais si c’était à refaire je m’abstiendrais… Et comment !… Parce que ça m’a apporté quoi tout ça ?… Rien… J’ai du pognon, oui !… Je sais même pas combien… Et j’m’en fous… Pour ce que ça me sert !… Je peux me payer des trucs, ça c’est sûr… Tous les trucs que je veux… J’ai envie de rien… Je les fais même plus les magasins… Parce que toute seule… Tout ce que j’ai gagné dans cette histoire c’est que mes copines m’adressent quasiment plus la parole… Paraît que je me la pète… Que je suis devenue imbuvable… Ben voyons !… C’est facile… Non… Ce qu’il y a c’est qu’elles crèvent de jalousie… Ca se voit comme le nez au milieu de la figure… Si elles savaient !… Même avec les mecs… Parce que je sais pas ce qu’elles vont s’imaginer !… Ils ont qu’une seule chose en tête, les mecs… Pas de me sauter, non, ça, c’est plus qu’en option… De se placer… Parce que avec mon hôtel-restaurant qui tourne du feu de Dieu je suis devenue une fille vraiment intéressante… Ils voudraient bien gagner le gros lot… Tu les verrais faire !… Tout ce qu’ils sont pas capables d’inventer… De raconter… Ils me dégoûtent… Si tu savais ce que j’ai envie de me tirer des fois… De tout plaquer… De foutre le camp… N’importe où… De tout recommencer à zéro quelque part où personne me connaîtrait… Ce serait une belle connerie, oui, je sais… Il a raison Ménisson… Huit jours après je rappliquerais la queue entre les jambes… Le jour où je saurai vraiment ce que je veux… Ca viendra peut-être… Quand je serai vieille ou qu’il se sera passé je sais pas quoi… En attendant ils continuent à s’enculer les uns derrière les autres les jours… Sans qu’il y ait jamais rien dedans… J’en ai marre… Tu peux pas savoir ce que j’en ai marre… Ce qu’il faudrait c’est que… Non… Ce qu’il faut surtout c’est que je me bouge… Demain je vais à Lyon, tiens !… Tu viens avec moi ?…
- A Lyon ?… Pourquoi à Lyon ?…
- Et pourquoi pas à Lyon ?… N’importe où… Ca n’a pas d’importance… Allez, hop, je t’emmène !… Et qu’il essaie de dire quelque chose Ménisson pour voir !…

La Catherine m’attendait sur le pas de la porte de sa chambre, un foulard à la main…
- Eh ben dis donc !… T’en as mis un temps !…
- Désolée… Le service…
- Tourne-toi !… Ce soir à toi aussi je vais te bander les yeux… Et ne demande pas pourquoi… C’est comme ça… Un point c’est tout… Là… Ca serre pas trop ?… Tu vois quelque chose ?… Non ?… Tu le dirais pas n’importe comment… Mais avec ça par-dessus – quelque chose qu’elle a mis en place et ajusté par derrière – il y a pas de risque…
Elle m’a prise par le coude, guidée à travers la chambre…
- Voilà ta petite camarade, ma chérie !… Qui va bien s’occuper de toi… Comme l’autre jour…
Sur le lit ça a bougé… Elle a ri…
- Oh oui, tu es impatiente, hein !… Mais ça vient !… Ca vient !…
Elle m’a poussée vers le lit, installée entre ses cuisses…
- Là… Et tu nous fais ça en artiste, toi, hein ?!… Qu’elle perde complètement pied… J’adore ça quand elles perdent pied…
Elle a perdu pied. Très vite. Elle a battu l’air, le lit, les oreillers. Elle s’est cabrée. Elle a déclamé son plaisir, l’a rugi…

Elles ont chuchoté. La porte. Ouverte. Refermée. On m’a retiré le bandeau. Catherine était seule…
- Bien… Très bien… Tu t’es appliquée… Je suis très contente de toi…
- C’était qui ?…
- Séverine… Qui voulais-tu que ce soit ?…
- Non, c’était pas Séverine… C’était pas son goût… C’était pas son odeur… C’était pas son… C’était pas elle…
- Et alors ?… Qu’est-ce que ça change pour toi ?… Elle ou une autre… Tu fais ce qu’on te demande… Ce que j’ai décidé que tu ferais… Sans poser de questions… Est-ce que c’est clair ?… Eh bien ?… Tu réponds ?
- Oui, c’est clair… Oui…

Là-haut, dans notre cachette, Milàn dormait paisiblement. Je ne l’ai pas réveillé. Je suis redescendue…





22ème JOUR


Elle était là, immobile en bas du perron, dans le petit jour naissant. Elle m’a regardée approcher, a mis un doigt sur ses lèvres, m’a fait signe de la suivre. On a longé silencieusement le parc, contourné le verger. Elle avait la clé de la petite porte en contrebas. Sa voiture était garée juste en face. On a démarré en trombe…
- On va où ?…
- T’avais dit à Lyon…
- A Lyon ou ailleurs… On s’en fout… On fait ce qu’on veut… On est libres… Pour une fois qu’on est libres…
Elle a éclaté de rire…
- La tête de Ménisson tout-à-l’heure quand il va découvrir que j’ai fugué… J’aimerais être une petite souris pour voir ça… Il va être dans une colère, mais une colère !… Et quand il saura que c’est avec toi en plus !… Il peut pas te sentir… Il va dire que c’est toi qu’as tout manigancé… Que tu me manipules… C’est son grand truc, ça… Tu me manipules… Ah, tu peux t’attendre à en ramasser une belle quand on va rentrer… Bon, mais c’est pas tout ça… On va où ?… Parce qu’on roule… on roule… Faudrait bien finir par se décider… T’as envie qu’on aille où ?…
- Où tu veux… Moi, ça m’est complètement égal…
- Et si on allait à la mer ?… Avec le temps qu’il fait !… Ca fait guère plus loin que Lyon en fin de compte… Hein ?!… Qu’est-ce t’en dis ?… Allez, hop !… Direction la mer…

- Comment on est bien !…
Installées côte à côte toutes les deux, en front de plage, sous un large parasol écru, devant une immense assiette de fruits de mer…
- Il y a longtemps que je m’étais pas sentie aussi bien…
Elle s’est offerte au soleil, les yeux clos, les bras abandonnés sur les accoudoirs…
- Tu sais ce que je me demande – souvent – c’est où j’en serais s’il y avait pas eu Félicien… Sûrement au même point qu’avant… Je travaillerais en cuisine… Sans doute toujours avec Fournier… J’aurais un copain attitré… Peut-être Sylvain… On s’entendait bien tous les deux… On ferait des projets tout simples… On n’aurait peut-être pas beaucoup d’argent, mais au moins ce qu’on se paierait on l’aurait gagné… Mais il y a eu Félicien… Je me demande bien pourquoi d’ailleurs… Et comment c’est arrivé… Parce que ça me ressemble pas du tout un truc pareil… Mais bon… On peut pas revenir en arrière… Enfin si, je pourrais, mais ce serait beaucoup trop compliqué… De toute façon j’ai pas vraiment envie… Il m’emmerde pas Félicien… Pourvu que je lui mette une bonne trempe de temps en temps… Et encore !… Je peux bien le laisser des semaines sans en prendre… Il est content quand même… Quoi que je décide, quoi que je fasse il est toujours content… Pourvu que ça vienne de moi… Non… Le vrai problème c’est Ménisson… Qui m’étouffe… C’est rien de le dire… Mais d’un autre côté si je l’avais pas Ménisson… Oh, et puis merde !…
Elle s’est levée…
- Je reviens…

- J’ai appelé là-bas…
- Oui… Et alors ?
- Et alors… il nous met en demeure de rentrer… Tout de suite… Qu’il aille se faire foutre…
- Tu lui as dit ?
- Pas comme ça… Mais le sens y était… Tu viens ?… On va à la plage ?…

C’est d’abord passé… Entre la mer et nous… Dans un sens… Dans l’autre… Revenu… Deux types… Qui ont regardé avec insistance dans notre direction… Avec de plus en plus d’insistance…
- Tu paries qu’ils vont être pour notre pomme ceux-là ?…
Ils se sont mis à dessiner autour de nous des cercles concentriques de plus en plus étroits…
- Ca va être quoi leur truc ?… Nous demander l’heure ?… Si on est du coin ?… En train de bronzer ?… Non… Non… Ca, c’est le genre qui se croit irrésistible… Ils vont y aller franco… Nous proposer d’emblée de nous payer un coup à boire…

- Salut !… On vous offre un verre ?…
On a éclaté de rire…
- Qu’est-ce qu’on a dit de si drôle ?…
- Rien… Justement… Absolument rien… On avait un peu d’espoir… Que vous alliez faire preuve d’un minimum d’originalité… Sortir de l’ordinaire… Ben non !… C’est raté… Alors ou vous êtes très cons ou vous nous prenez pour des connes… Dans un cas comme dans l’autre…
- Non, mais c’est quoi ces pétasses ?… Vous êtes même pas belles en plus !…

- Et voilà !… Bon débarras !… On allait quand même pas se coltiner ces deux blaireaux la moitié de l’après-midi… Parce que c’est vrai que pour une fois que j’arrive à m’échapper je me serais bien payé un petit extra vite fait… Histoire de m’éclater… Depuis le temps que ça m’est pas arrivé… Mais bon… Pas à n’importe quel prix… S’il faut que tu te tartines le gros lourd de service toute une soirée sous prétexte de passer un bon moment au lit !… Et encore !… T’es même pas sûre… Tant que tu l’as pas essayé le type tu peux pas savoir s’il assure… Alors si c’est pour même pas prendre mon pied et me retrouver avec un mec que j’arrive pas à décoller sur les bras merci bien… Je préfère encore m’amuser toute seule… Au moins je suis sûre de mon coup…

- Pauvre connard, va !…
Elle venait de rappeler « là-bas »…
- Mais pourquoi t’as fait ça ?…
- Parce que… Pour savoir… Pour… Oh, et puis merde !… Magne-toi de finir ta glace… On va pas rester à moisir ici… Il doit bien y avoir des boîtes dans le coin…

Quand je suis revenue de la piste elle était au bar, juchée sur un tabouret et en pleine conversation avec un grand costaud brun qui la faisait rire aux éclats…

Elle a passé la tête par la porte de la chambre…
- Tu dors pas ?
Non, je dormais pas, non !… Avec le raffût qu’ils faisaient tous les deux à côté…
- C’est super !… Tu verrais ça !…
Ca avait l’air en tout cas…
- Mais tu me réveilles demain surtout, hein !… A sept heures… Faut absolument qu’on remonte là-haut…





23ème JOUR


- Adeline !… C’est l’heure !…
- J’en ai rien à foutre !…
Et elle s’est tournée de l’autre côté…

Nouvelle tentative sur le coup de neuf heures…
- T’en as pas marre de faire chier le monde ?… J’ai pas fermé l’œil de la nuit, moi !…

Elle a surgi, tout sourire, à midi…
- Vu comment elle est entamée la journée autant rester là maintenant… On rentrera demain… Ce sera bien suffisant… Et s’ils sont pas contents c’est du pareil au même… Bon, mais tu viens ?… On va casser une croûte ?… Je crève de faim, moi !

- Et de toute façon je dois le revoir ce soir Corentin en plus !… On reprend un plateau de fruits de mer ?… Comme hier ?… Tant qu’on est là autant en profiter… Oui… Je dois le revoir… Et c’est lui qu’a proposé, hein !… C’est pas moi qu’ai demandé… Je veux pas me faire un film, mais je crois bien que… Il y a des signes qui trompent pas… Un mec quand tu le chavires ça te saute tout de suite aux yeux… Rien à voir avec celui qu’a juste envie de te tirer… Et là, à lui, je peux te dire que je lui fais de l’effet… Et pas qu’un peu… Ce qui me simplifie pas les choses d’ailleurs… Parce qu’il va se passer quoi après ?… S’il faut que je redescende sans arrêt ici ça va vite coincer… Pour plein de raisons… Quant à l’emmener, lui, s’installer là-haut c’est complètement exclu… Pour plein de raisons aussi… Enfin… inutile de se prendre le chou à l’avance… On verra bien, mais… mais je sais pas pourquoi, j’ai l’impression que ça va me permettre de décanter sérieusement la situation tout ça…

Elle a passé la moitié de l’après-midi dans la baignoire, l’autre moitié devant la glace de sa salle de bains et, à sept heures, elle était fin prête…
- On y va ?…
- Déjà !?
- Faut qu’on y soit à l’ouverture… Parce que t’imagines qu’il me trouve pas en arrivant et qu’il reparte en croyant que je lui fais faux bond !…

- Mais qu’est-ce qu’il fout ?… S’il avait un empêchement il me préviendrait quand même !… Non ?… Tu crois pas ?… Oh, mais il va arriver… C’est juste que… Comment ça me met les boules… Il joue avec mes nerfs là… Il joue vraiment avec mes nerfs… Mais pourquoi ?… Pourquoi il fait ça ?… Qu’est-ce qu’il veut ?… Il y a quelque chose qui m’échappe, là… Il y a vraiment quelque chose qui m’échappe… Il le fait exprès ?… A ton avis ?… Mais évidemment !… Que je suis bête !… Evidemment qu’il le fait exprès… C’est un malin… Je l’adore…

- Alors toi, tu crois qu’il m’a posé un lapin ?… Mais ça c’est parce que t’as pas vu comment il était amoureux hier soir… Et tendre… Tout ce qu’il y avait dans ses yeux… Dans ses gestes… Dans ses mots… Et parce que tu prends toujours les choses du plus mauvais côté… A croire que ça te fait plaisir… Que t’aimes ça quand tout tourne mal…

- Tu devrais pas tant boire…
- J’ai pas tant bu… Juste… Je sais plus… J’ai pas compté… Quand on aime on ne compte pas… Et puis d’abord qu’est-ce que ça peut te foutre ?… T’es pas ma mère… Réponds !… Est-ce que t’es ma mère ?… Ah, tu vois bien… Vaut mieux pour toi d’ailleurs… Parce que si t’étais ma mère t’en prendrais plein la gueule… Ca te ferait du bien… Et à elle aussi… Bon, mais on s’en fout d’elle… C’est mon petit Corentin que je veux… Mon petit Corentin avec ses yeux que tu te noies dedans et sa queue toute douce qui te fond dans la bouche… Qu’est-ce que t’attends pour aller me le chercher ?… Au lieu de rester plantée là, les bras ballants, comme une cruche que tu es… Oui, va me le chercher… Et tâche de le trouver… Parce que sinon je te vire… Allez, hop !… C’est Ménisson qui serait content… Je le vois d’ici… “ - C’est la première fois que vous prenez une décision intelligente, Mademoiselle Ternat… » Mais où il peut être ce con ?… Il est forcément quelque part… Corentin !?… Hou !… Hou !… T’es où ?…

- Faut y aller… Ils ferment…
- Déjà ?!… Il viendra plus alors… Mais pourquoi il m’a fait ça ?… Pourquoi ?… Quel salaud !… Une belle petite ordure, oui !… Je m’en souviendrai… Alors ça… Je m’en souviendrai… Il a pas intérêt à recroiser ma route… Il me paierait ça… Il me paiera ça… Ils me paieront ça… Tous… Bouge pas qu’il y en ait un qui me tombe entre les mains de mec… Tiens, celui-là qu’arrive là !… Pauvre connard, va !… Hou là là !… Ca tourne… Tiens-moi, toi !… Et me lâche pas !… Hou là là !… Comment ça tourne…

- J’y arrive pas…
A se déshabiller…
- Non, j’y arrive pas… Faut que tu m’aides… Je crois bien que je suis saoûle… Et pas qu’un peu… En tout cas moi les mecs cette fois c’est fini… Et bien fini… Je l’ai déjà dit je sais pas combien de fois, oui, je sais… Mais ce coup-ci c’est pour de bon… J’en ai marre… J’en ai vraiment marre de me faire prendre sans arrêt pour une conne… Qu’est-ce qu’ils s’imaginent ?… Qu’ils sont indispensables ?… Qu’on peut pas se passer d’eux ?… Eh bien si !… Très bien… Très très bien même… Et si c’est que pour le cul il y a moyen de se débrouiller toutes seules… Ou entre nous… La preuve c’est que…
Elle a pouffé de rire…
- C’est que quoi ?…
- Non… Rien… J’ai promis de pas le dire… Mais si tu savais !… Elle a de ces idées des fois Catherine !… Et encore t’as pas tout vu !… On est en train de s’occuper de toi en coulisse… Et comme il faut !…





24ème JOUR


Je finissais tout juste de me changer, en haut, quand Coralie a surgi…
- Alors ça y est !… T’es rentrée ?… Qu’est-ce qu’il y a eu ?… Où t’étais passée ?… Eh bien raconte, quoi !…
- Il y a pas grand chose à raconter… Adeline avait un rendez-vous professionnel important et elle a voulu que je l’accompagne… Histoire de pas faire la route toute seule… Voilà… C’est tout…
- Ah oui, c’est tout ?… Si tu savais tout ce qui s’est dit… Que vous aviez été enlevées et que Ménisson avait reçu une demande de rançon… Que vous étiez séquestrées par un groupe anti-fessée qui voulait vous obliger à fermer l’hôtel… Que vous vous étiez enfuies en Amérique du Sud avec le magot… Que…
- Ben, tu vois, c’était rien de tout ça… C’était beaucoup plus simple…
- Et tu sais quoi ?… Eh bien pendant ce temps-là il est parti Escobar…
- Parti ?… Comment ça parti ?
- Rentré chez lui… Il pouvait pas rester… A cause de son boulot… Mais on va s’écrire… On s’est promis… Et j’irai le voir… Il veut bien… Il m’attend même… Il me l’a dit… Et lui, tu vois, c’est quelqu’un, j’ai jamais connu quelque chose de pareil… Avec personne… Je sais pas comment dire… C’est comme si les trucs habituels – se plaire, s’aimer, tout ça – ça n’avait plus aucun sens… Comme si c’était complètement dépassé et qu’on était noués tous les deux, à l’intérieur, à un endroit où il se passe des choses beaucoup plus importantes… Que personne peut comprendre… Et qu’on peut pas expliquer non plus…

- Vous savez ce qui avait été dit ?… Convenu ?…
- Pas devant elle !… Oh non !… Pas devant elle !
- Parce que ce n’est pas devant elle peut-être – et en sa compagnie – que Madame la Directrice s’est montrée désobéissante ?… Eh bien ?!… Répondez, Madame la Directrice !…
- Si, mais…
- Il n’y a pas de mais qui tienne… Et vous allez me faire le plaisir de reconnaître à haute et intelligible voix, ET DEVANT ELLE, que vous avez très largement mérité d’être punie… J’attends…
Elle l’a dit très vite. Très bas…
- J’ai mérité d’être punie…
- Vous vous moquez du monde… Une fois de plus vous vous moquez du monde… Mettez-vous à genoux… Là… Les mains sur la tête… Et vous savez ce qui vous reste à faire… A dire…
- J’ai mérité d’être punie…
- C’est mieux… C’est beaucoup mieux… Vous allez l’être… C’est promis… Et vous allez l’être comment ?…
- Je vais recevoir la fessée… Déculottée…
- Ah ben vous voyez !… Vous voyez que vous pouvez faire preuve de beaucoup de bonne volonté quand vous voulez… C’est bien… C’est très bien…
Il a pris place dans le fauteuil directorial derrière le bureau…
- Venez ici !… Là… Vous allez commencer par nous mettre gentiment ce petit derrière à l’air… Eh bien ?!… Allez !… Qu’est-ce que j’ai dit ?… Ne m’obligez pas à… Voilà… Vous voyez que c’est pas la mer à boire… Et retirez vos mains !… Vous êtes toutes faites pareil… Ces pudeurs sont ridicules…
Elle l’a fait et elle est restée là, à ses côtés, bras ballants. Il a allumé une cigarette dont il lui a méthodiquement soufflé la fumée à la figure. Qu’il a fait interminablement durer. Dont il lui a enfin tendu le mégot…
- Tenez, débarrassez-moi de ça !…
Elle a obéi, est allée l’écraser dans le cendrier sur la petite table basse, est revenue. Il l’a attirée sur ses genoux..
- Installez-vous !… Confortablement… Ca risque d’être long…
Il a levé la main…

- Là… Ce sera tout pour aujourd’hui… Filez !…
Elle s’est enfuie, sans un mot, en se frottant les fesses…
- Tu es contente ?… Tu es fière de toi ?… C’est bien ce que tu voulais ?…
- Moi ?!…
- Oui, toi !… Tu te crois très maligne, hein ?!… Malheureusement pour toi je vois clair dans ton jeu… Très clair… Depuis le début… Et je suis pas le seul… Alors écoute-moi bien !… Maintenant ça suffit… Tu vas me faire le plaisir de lui ficher la paix à Adeline…
- Mais je n’ai jamais…
- Tu te tais… Je ne discute pas avec toi… Contente-toi de noter que je t’interdis d’avoir désormais quelque contact que ce soit en tête à tête, sans témoin, avec elle… Et ne t’avise pas de passer outre… Ce serait immédiatement la porte… Est-ce que c’est bien clair ?…
- Oui…
- Parfait… Tu peux disposer…

- Tu dors pas ?…
Non, je dormais pas, non… J’attendais qu’elle dorme, elle, pour m’éclipser discrètement et monter là-haut… Là-haut où…
- J’ai pas beaucoup avancé avec Milàn pendant que t’étais pas là… C’est pas faute d’avoir essayé pourtant, mais il y a quelque chose qui coince quelque part… Je sais pas où… Ni pourquoi… Il est déroutant ce type… Avec les autres quand t’as envie c’est jamais bien compliqué… Tu sais toujours comment faut t’y prendre… Ils fonctionnent tous pareil… Pas lui… Tout ce qui marche du feu de Dieu d’habitude ça lui glisse dessus comme sur les plumes d’un canard… Oh, mais je désespère pas… Il doit bien y avoir moyen de l’attraper… D’une façon ou d’une autre… J’y arriverai…
Elle s’est tue…

Elle a respiré profond… Régulier…
- Tu vas où ?…
- Hein ?… Mais nulle part… Ouvrir la fenêtre… Il fait une chaleur à crever là-dedans…
Et je me suis recouchée…






25ème JOUR


Clémence était au beau milieu du lit défait, draps et couvertures rejetés. Avec Benjamin. Et Olivier. Et un autre type. Celui de la 202. Qui a été le seul à lever brièvement la tête vers moi quand je suis entrée avec mon plateau. Qui l’a presque aussitôt renfouie entre les cuisses de Clémence. Elle a poussé un gémissement rauque, refermé les jambes autour de lui. Benjamin et Olivier se sont penchés sur elle. Chacun d’un côté…

- Hier aussi… Sauf que c’était pas le même le troisième…
- Elle est complètement folle Clémence avec ça… Faut espérer pour elle que ça finisse pas par lui retomber d’une façon ou d’une autre sur le coin de la figure … Parce que ce jour-là…
- Ils pourraient au moins fermer la porte… De quoi t’as l’air, toi, quand tu débarques là-dedans avec ton petit déj…
- Elle en a rien à foutre… Au contraire !… Ca l’excite si ça tombe…
- Celui que je comprends pas, moi, là-dedans, c’est le mari… Non, mais comment j’aurais pas aimé ça, moi, que mon mec il me laisse coucher avec n’importe qui…
- Faut croire qu’il y tient pas beaucoup…
- Elle, elle prétend que c’est tout le contraire… Qu’un type qui t’aime vraiment il a envie que tu t’éclates le plus possible… Même que ce soit avec d’autres…
- Tu parles !
- Elle a pas toujours dit ça… Je me rappelle au début : elle avait qu’une trouille c’est que son mari il découvre le pot-aux-roses…
- Oui, mais ils ont parlé tous les deux, il paraît… Ils se sont expliqués…
- Et elle l’a roulé dans la farine… Ca, tu peux y aller qu’elle sait y faire…

La Catherine m’a lancé un regard affligé…
- Non, mais tu peux me dire ce que tu es encore allé inventer ?… Dès qu’il y a une connerie à faire tu la loupes pas, toi, hein ?!…
- C’est elle… C’est Adeline… Elle a absolument voulu que je l’accompagne…
- Et alors ?… Si elle te demandait d’aller te pendre Adeline tu irais ?… Tu es incroyable… Je t’avais pourtant prévenue… Je t’avais pas dit de pas t’en mêler ?… De la laisser régler ses problèmes toute seule avec Ménisson Adeline ?… Je te l’avais pas dit ?
- Si !…
- Eh bien alors !… Ah, tu peux être fière de toi !… Parce que là maintenant tu as gagné le gros lot… Il est remonté comme une pendule Ménisson et bien décidé à te flanquer dehors…
- Adeline m’avait dit…
- Le jour où t’auras compris qu’elle compte pas Adeline, qu’elle a jamais compté… Et que tout ce qu’elle peut raconter ou promettre ça n’a pas la moindre importance… Bon, mais tu vas faire quoi ?… Parce qu’il faut regarder les choses en face… Tu finiras pas la semaine ici…
- Je sais pas…
- Tu sais pas… Evidemment… Evidemment… Toi, s’il y a pas quelqu’un pour décider à ta place… Bon, mais on te trouvera une solution… Je vais m’en occuper… Personnellement…

- Vous savez pas quoi ?
Elle jubilait Coralie. Elle jubilait littéralement…
- Hein ?… Vous savez pas quoi ?… Eh bien ils ont fait une pétition les clients… Contre moi… Enfin pour moi plutôt… Ils sont tout un tas à vouloir m’en voir prendre une… Et moi !… Personne d’autre… Vous pouvez pas savoir ce que ça m’a fait quand il m’a annoncé ça Ménisson… Parce que pourquoi moi ?… Qu’est-ce que j’ai de plus qu’une autre ?… Et comment ça te fait drôle de penser que pendant que tu les sers au restaurant, toi t’as pas l’impression, mais eux ils arrêtent pas d’en rêver et de te regarder avec ça dans la tête… Qu’est-ce que je voulais faire il m’a demandé Ménisson… « Parce que vous n’êtes pas obligée, hein, Coralie… Vous ne pouvez être punie qu’en cas de manquement grave… C’est clairement spécifié dans la notice qu’on leur remet… Alors c’est à vous de voir… A vous de décider… Parce qu’il est bien évident que si votre comportement venait à le justifier nous serions amenés à réagir en conséquence… »… Sûr qu’ils vont être amenés et que je vais pas laisser passer l’occasion… Parce que comment ça me fait trop fondre qu’ils en aient tous tellement envie… Non… La seule chose que je regretterai c’est qu’il soit plus là pour voir ça Escobar… Et pour le dessiner…

A tâtons dans l’obscurité. Je me suis cognée à quelque chose de dur qui est tombé avec un grand fracas…
- C’est toi ?
- Oh, Milàn !… Tu es là… J’avais tellement peur que non… J’ai tellement besoin de toi ce soir…
Je me suis blottie contre lui…
- Garde-moi !… Serre-moi fort !…
Sans bouger. Sans parler. Juste contre lui. Bien. Si bien…

- Mais tu pleures !… Qu’est-ce qu’il y a ?…
- Non, c’est rien !… Laisse !… T’occupe pas !…
- Mais si !… Qu’est-ce qui se passe ?… Dis-moi !… Quelqu’un t’a fait du mal ?…
- Non, oh non !… Je suis juste un peu triste… Ca m’arrive des fois… Mais promets-moi une chose…
- Oui ?!… Quoi donc ?…
- Que si un jour on devait plus se voir, qu’on partait chacun de son côté, tu penserais quand même quelquefois à moi…
- Oh alors ça !… Même si je voulais je pourrais pas m’en empêcher…
- C’est vrai ?… Fais-moi l’amour… Tout doucement… Tout tendrement… Le plus tendre que tu peux…





26ème JOUR


- Tu te souviens de Pernelle ?
- Ah ben oui, oui, quand même !… C’était ma chef de box quand ça faisait école ici… Même que vous nous aviez toutes les deux en cours…
- Elle sera là demain…
- Demain ?!… Pernelle !?
- C’est pour toi qu’elle vient…
- Comment ça ?
- Pour toi, oui… Dès qu’elle a su dans quelle situation tu te trouvais : « - On peut pas l’abandonner à elle-même comme ça… J’arrive… »… Elle est bien décidée à te prendre en mains… D’après ce qu’elle m’a dit c’est une perspective que vous aviez déjà évoquée toutes les deux l’an dernier, mais elle avait estimé que c’était encore prématuré… Tu n’étais pas tout à fait prête… Maintenant si !… Tu as fait d’énormes progrès et tu es enfin en état, me semble-t-il – et je le lui ai dit – d’accepter sans la moindre réserve une autorité qui s’exercerait sur toi sans partage... Et dans ton intérêt... Il est rare que les natures dociles comme la tienne – celles qui ne peuvent s’épanouir vraiment que dans et par l’obéissance absolue – en conviennent de prime abord… La plupart du temps elles se débattent désespérément contre elles-mêmes… Elles jouent aux grandes, s’essaient pitoyablement à voleter de leurs propres ailes… Ce n’est qu’après avoir longtemps erré de catastrophe en catastrophe qu’elles consentent enfin parfois à se rendre à l’évidence… Mais tu es maintenant enfin capable, pour ta part, de faire preuve d’une certaine lucidité… Profites-en pour ne pas laisser passer ta chance… Pernelle est quelqu’un d’exceptionnel… Qui saura très exactement te mener comme tu dois l’être… Elle a jeté son dévolu sur toi… Tu peux en être fière… C’est un honneur que – je l’espère – tu sauras apprécier à sa juste valeur…

- Tu sais pas ce que j’ai appris ?… Il s’en tape une Milàn…
- Ah oui ?… Qui ça ?
- J’en sais rien qui ça… Mais je peux t’assurer que je saurai…
- T’es sûre que c’est pas des histoires ?…
- Non, c’est pas des histoires, non… Toutes les nuits il se casse de son box… Pour quoi faire à ton avis si c’est pas pour aller retrouver une fille ?…
- Qui c’est qui t’a raconté ça ?…
- Basile… Il a son lit juste à côté du sien… Bon, mais tu sais pas ce qu’on va faire ?… Une planque… On se relaiera toutes les deux le soir… On finira bien par savoir où il va… Et surtout avec qui… Ca prendra le temps que ça prendra, mais j’en aurai le cœur net… Parce que attends !… Voilà un type je lui propose carrément de coucher avec… Juste ça : coucher… Sans love story ni tout le tintouin… Il y en a plein ils auraient sauté sur l’occasion… Pas lui… Il m’envoie sur les roses… Gentiment, mais il m’envoie sur les roses…Ca fait pas plaisir… J’ai pas l’habitude, mais bon !… Si ça l’intéresse pas les filles ça l’intéresse pas… On va pas le forcer… Sauf que… ben si ça l’intéresse les filles justement, si, mais pas moi !… Je me prends une de ces claques là… Et en plus, si ça tombe, il y en a demi-douzaine qui y sont passées, va savoir !… Tant qu’à y mettre le nez, beau mec comme il est… Non, mais franchement – dis-moi sincèrement – tu me trouves si repoussante que ça ?…
- Mais non, oh !… Il y en a plein des mecs qui te trouvent à leur goût… Et tu le sais très bien…
- Il y a quelque chose qui m’échappe là… Il y a vraiment quelque chose qui m’échappe…

Monsieur Ménisson s’est avancé, en poussant Coralie devant lui, jusqu’au milieu de la salle de restaurant, a réclamé le silence…
- S’il vous plaît, Mesdames, Messieurs, s’il vous plaît, votre attention !… Depuis hier soir de nombreuses plaintes me parviennent concernant cette jeune serveuse qui se comporte, avec la clientèle, de façon parfaitement inqualifiable…
- Ah oui, alors !…
- C’est une honte de voir ça…
- Il est pas tenu le personnel ici… Pas du tout…
- Moi, si ça continue, je réclame ma note et je vais voir ailleurs…
Il s’est éclairci la voix…
- C’est pourquoi elle va être punie devant vous – et sur le champ – comme elle le mérite…
- C’est un minimum…
- Oui… Il y a des limites à tout…
- Elle l’aura pas volé…
- J’espère que ça va pas faire semblant…
Il a marqué un long temps d’arrêt…
- Et, pour que la leçon porte mieux, c’est, cette fois-ci, l’un d’entre vous – tiré au sort – qui va officier…
Ils se sont regardés les uns les autres, stupéfaits. Et puis des yeux se sont mis à briller, se sont emparés de Coralie avec gourmandise. Fournier nous a fait signe. On a commencé à déambuler entre les tables avec nos corbeilles. Monsieur Ménisson a cru bon de préciser…
- Et un seul billet par personne, bien évidemment !… Un seul billet par personne…

- Le 23…
Un hurlement a troué le silence…
- C’est moi !… Putain, j’y crois pas, c’est moi !… J’ai gagné…
Un type d’une cinquantaine d’années, grisonnant, qui s’est élancé entre les tables, a esquissé un pas de danse, voulu entraîner Coralie, qu’il a saisie par la taille, dans un galop effréné. Il s’est brusquement arrêté…
- Comment je vais te le tanner ton cul, ma petite chérie !… Pour t’en souvenir tu vas t’en souvenir… Un bon moment… Mais d’abord on va te déculotter… En prenant bien son temps… Que tout le monde puisse en profiter… Se régaler…
Il a voulu joindre le geste à la parole. Il a agrippé le bas de la jupe. Il a soulevé. Et il s’est effondré sans connaissance…
- Un médecin !… Il y a un médecin dans la salle ?
Il y en avait un. Qui s’est précipité…

- Je l’ai tué… Je suis sûre que je l’ai tué…
- Mais non !… Un infarctus on en meurt pas à tous les coups… Et quand bien même il serait claqué… Et alors ?… T’y es pour quoi, toi, si de penser à ton cul ça lui affole la pendule ?… Faut qu’on y arrête, les filles, merde, de se sentir coupables de tout et de n’importe quoi… Tout le temps… Partout…

C’était Sarah. Tâche claire dans la nuit. Qui a emprunté l’escalier. Vers le bas. Vers le parc. Qui, sûrement, devait aller retrouver quelqu’un quelque part. Elle aussi. Laurianne m’a enserré le coude de toutes ses forces…
- C’est elle !… La salope !… Non, mais quelle salope !… Son compte est bon…




27ème JOUR


- T’étais où cette nuit ?
- Qu’est-ce ça peut te foutre ?
Elles se sont défiées du regard. Face à face. Immobiles. Nues. Laurianne dégoulinante d’eau, Sarah la tête pleine de shampooing…
- T’étais avec lui, hein ?
- Je te le dirai pas…
Elles se sont jetées l’une sur l’autre comme deux furies. Se sont agrippées aux cheveux. Ont roulé par terre en ahanant. Milàn a voulu s’interposer. Je l’ai retenue par le bras…
- Pas toi, Milàn… T’en mêle pas… T’en mêle surtout pas… Pas toi…
Fournier a surenchéri…
- Ah non, non, t’en mêle pas !… Qu’on puisse se rincer l’œil… Parce que quand ça se frite comme ça tout ce que ça montre !… Allez-y, mes chéries, allez-y !… Vous gênez surtout pas pour nous… Offrez-nous de gentils petits aperçus…
C’était tantôt l’une tantôt l’autre qui avait le dessus. Sarah s’asseyait alors à califourchon sur elle et la giflait à tour de bras. Laurianne, elle, lui enfonçait un genou dans le ventre, lui plaquait les deux épaules au sol et exigeait qu’elle lui demande pardon…
- Plutôt crever…
Et ça repartait de plus belle…

- Bon, allez, maintenant ça suffit !… On a vu tout ce qu’on voulait voir… Alors vous vous relevez et vous vous rhabillez…
Elles ne l’ont pas écouté. Il en a empoigné une par les cheveux, a repoussé l’autre d’une grande claque sur les fesses…
- Circulez, dégagez !… Et je veux plus rien entendre…
Il leur a emboîté le pas dans le couloir…

- Qu’est-ce qui leur a pris ?
- Devine !…
- Encore !…
- Ben oui, mon cher !… La rançon du succès…
- Ca devrait bien finir par leur passer…
- Oh, alors ça !… Mais dis-moi un truc… Si j’étais pas là… Si j’étais plus là… Si je partais… il y aurait quelque chose entre elles et toi ?
- Tu vas t’en aller ?!
- Non… Non… Bien sûr que non… Mais on sait jamais ce qui peut se passer… Tu coucherais avec laquelle ?… Sarah ou Laurianne ?… Peut-être toutes les deux… Ou bien une autre… Caroline… Des tas d’autres… T’aurais que l’embarras du choix… Tu serais stupide de pas en profiter…
- En attendant laquelle c’est qui m’a fait faire le pied de grue toute la nuit ?
- J’ai pas pu venir, Milàn… Elles dormaient pas les filles…
- Ce soir alors ?
- Je sais pas… Si je peux… Ca dépend… On verra…
Il a voulu…
- Tu n’as plus peur que quelqu’un vienne ?
- Non… Plus maintenant, non… Ca m’est égal… Tout m’est égal…

Pernelle était assise sur le lit de Catherine. Elle n’a pris ni la peine ni le temps de me dire bonjour…
- T’as encore trouvé le moyen de faire des tiennes, hein ?… Tu es décidément incorrigible… Dès qu’on te laisse livrée à toi-même… Qu’on veut te faire confiance…
- Mais non c’est pas ça, mais…
- Mais, pour commencer, tu vas me perdre cette détestable habitude de nier l’évidence et d’ergoter comme ça à propos de tout… Dorénavant tu ne seras plus autorisée à t’exprimer devant moi que lorsque j’en aurai explicitement formulé la demande… Est-ce que c’est clair ?
- Oui…
- Bien… Ensuite… Dès que tes patrons t’auront remerciée – ce qui, selon les informations dont je dispose, ne saurait tarder – tu te trouveras placée directement sous mon autorité… Tu le resteras – et cela dans ton intérêt – aussi longtemps que je le jugerai nécessaire, c’est-à-dire tant que je considérerai que tu ne peux pas être véritablement autonome et te diriger dans l’existence en toute connaissance de cause… Il va de soi qu’en contrepartie j’attends de toi une obéissance et une docilité absolues… Mais, de ce côté-là, je sais que ça ne présentera pas, pour toi, trop de difficultés… J’ai pu constater l’année dernière que tu y étais très spontanément portée… En tout cas avec moi… Ce qui m’a donné l’occasion de débroussailler déjà pas mal le terrain… Tu es d’un fonctionnement extrêmement simple finalement… C’en est même bien souvent frustrant… Mais bon, on fera avec… D’autant que ce que ça a, malgré tout, de positif c’est qu’on va pouvoir entrer très vite dans le vif du sujet… Entreprendre – ensemble – de t’améliorer et de te corriger puisque, seule, tu en es parfaitement incapable… Non ?… Tu ne crois pas ?
- Si…
- Et obtenir des résultats spectaculaires puisque tu sembles vouloir faire preuve de beaucoup de bonne volonté… Mais retourne vite travailler… On va te chercher…

Monsieur Ménisson m’a fait signe…
- Adeline t’attend… Elle veut te parler…
- Mais vous aviez dit que…
- Peu importe ce que j’ai dit ou n’ai pas dit… Ce que je te dis MAINTENANT c’est qu’Adeline t’attend…
- Si j’y vais vous allez pas me mettre dehors ?…
- Bien sûr que si !…






28ème JOUR



- Je te l’avais formellement interdit… Je te l’avais pas interdit ?
- Hein ?… Mais j’y suis pas allée… Demandez-lui à Adeline si vous me croyez pas…
- Ce n’est pas ce qu’elle prétend…
- Mais c’est dégueulasse… C’est pas vrai…
- En somme tu traites Madame la Directrice de menteuse…
- Mais non, mais…
- Mais si !… Tu y es allée ou tu y es pas allée ?
- Non, j’y suis pas allée, non !…
- Donc, c’est bien ce que je dis, tu la traites de menteuse…
- Mais venez, venez !… On va monter la trouver tous les deux et vous verrez si…
- C’est parfaitement inutile… Je n’ai pas de temps à perdre… Tu étais prévenue… Que tu essaies de la voir et c’était la porte… C’est la porte… Viens avec moi !…

Jusqu’à la porte de la chambre de Catherine à l’intérieur de laquelle il m’a poussée avant de s’éclipser… Catherine a levé les yeux au ciel. Soupiré…
- Toi, t’as encore fait des tiennes…
- Mais non !… Jamais de la vie…
- Oh, à moi tu peux bien le dire…
- Dire quoi ?… Que je suis allée voir Adeline ?… Mais non !… Non !… Non !
- Que t’y sois allée ou pas de toute façon ça n’a pas beaucoup d’importance… Et ça ne change pas grand chose… Depuis votre escapade à toutes les deux ton sort est scellé… Et c’est pas plus mal finalement… Parce que Pernelle va te faire vivre des choses beaucoup plus exaltantes… En conformité en tout cas avec ta véritable nature… C’est ce qui pouvait t’arriver de mieux… Ici tu te serais très vite engourdie dans une routine dont tu aurais eu toutes les peines du monde à te désengluer…
- Ce sera quand Pernelle ?
- Bientôt… D’ici quelques semaines… Elle te fera signe…
- Je vais rester ici en attendant ?
- Ah non, non !… Ca il n’en est pas question… Les ordres sont formels… Tu dois avoir quitté l’établissement avant ce soir… Je suis chargée d’y veiller personnellement…
- Hein ?… Avant ce soir ?… Mais pour aller où ?…
- Tu as bien un point de chute quelque part, non ?
- Ben oui, oui, mais…

- Tu comptes filer où comme ça ?
- Rassembler mes affaires…
- Non, non… Tu restes ici… On te les fera passer tes affaires…
- Faut quand même bien que je leur dise au revoir aux autres… Que je leur explique ce qui s’est passé…
- C’est précisément ce qu’on veut éviter… Qu’il se crée toute une agitation autour de toi… Qu’il se colporte toutes sortes de rumeurs et de fausses nouvelles…
- Ben justement !… Si c’est moi qui explique…
- J’ai ordre de t’interdire tout contact, de quelque nature qu’il soit, avec qui que ce soit, jusqu’à ton départ…
- Hein ?… Mais pourquoi ?…
- Parce que c’est comme ça…

- Je peux pas avoir du papier ?
- Du papier ?… Pour quoi faire ?
- Pour écrire… Ecrire une lettre…
- A quelqu’un d’ici ?… C’est inutile… Il ne l’aura pas…
- Je la posterai…
- Il ne l’aura pas non plus… Ton courrier sera filtré… Il ne parviendra jamais à ses destinataires…

Elle a regardé sa montre…
- Allez !… En route…
Les escaliers étaient déserts. Elle a voulu qu’on passe par le parc. Il n’y avait personne. Par la petite porte en contrebas. Comme la fois avec Adeline. La voiture était garée le long du trottoir exactement au même endroit…
- Ne t’inquiète pas !… Toutes tes affaires sont dans le coffre…

- C’est où ?
- La troisième maison là-bas juste à hauteur du panneau…
Elle était sur le pas de la porte. Elle s’est précipitée à la grille…
- Qu’est-ce qui se passe ?… Qu’est-ce que tu fais là ?… Tu n’es pas malade au moins ?…
- Non, non, rassurez-vous, Madame, elle va bien… Elle va très bien…

- Qu’est-ce que je vous sers ?… Tu n’as pas perdu ta place au moins ?… Me dis pas que t’as perdu ta place… Elle a perdu sa place… Elle en fera jamais d’autres… Jamais… Qu’est-ce que t’as encore inventé, tu peux me dire ?
- Rien, Madame, rien… Elle n’y est strictement pour rien… Seulement les affaires ne sont pas bonnes… Ils sont contraints de réduire le personnel… Il a fallu faire des choix… Un vrai crève-cœur… Et malheureusement… malheureusement Raphaëlle fait partie du lot…
- Eh ben il nous manquait plus que ça !…
- Dans son malheur elle a quand même beaucoup de chance… Parce que l’une de mes amies, a obtenu, non sans mal, de son père qu’il la fasse entrer dans l’entreprise familiale… Elle devrait très prochainement commencer…
- Merci, oh, merci… Vous voulez vraiment rien boire ?
- Non… Il faut absolument que je sois rentrée là-bas ce soir…

Je l’ai raccompagnée jusqu’à la voiture…
- C’est quoi cette histoire d’entreprise ?
- Tu n’imagines tout de même pas que Pernelle va te nourrir à rien faire…

2 commentaires:

  1. C'est terriblement excitant.
    Ce qui est un peu domage,c'est que dans ce récit, les hommes n'aient pas droit aux fessées donées par toutes les filles présentes.

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  2. Désolé de répondre à votre message aussi tard, mais Blogger avait omis de m'avertir de sa présence sur le blog...

    Sans doute - j'y songe - retrouvera-t-on plus tard la plupart de ces personnages...

    Amicalement...

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